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Écoles de foot de l’état : Le cri du cœur des «anciens»

En 2002, 46 centres repartis entre trois disciplines, le football, le basket-ball et l’athlétisme, ont été crées à travers le pays et confiés à d’anciens sportifs. Que sont-ils devenus dix sept ans après ? Etat des lieux.

Deux ans après la CAN 2002 que notre pays a organisée, la division de législation, formation et évaluation (DFLE) de la direction nationale des sports et de l’éducation physique (DNSEP) a lancé un ambitieux programme de création de centres de formation à travers le pays. L’objectif recherché à travers cette initiative était double : offrir du travail aux anciens sportifs qui se sont retrouvés au chômage après leur retraite et encadrer les jeunes dont les familles n’ont pas les moyens de payer les frais des centres privés. Ainsi, 46 centres ont été crées à travers le pays, dont 25 centres de basketball, 15 écoles de football et 11 centres d’athlétisme (11).
Toutes les régions du pays ont eu au moins un centre, permettant à 89 encadreurs, tous des anciennes gloires, d’avoir du travail et un salaire mensuel de 50.000F cfa. Le plus grand nombre de centres était concentré à Bamako, avec 2 centres d’athlétisme, 6 centres de basket et 4 écoles de football. Les Régions de Gao et Sikasso venaient en deuxième position, avec 6 centres chacune, dont 3 centres de basket, 2 écoles de football et 1 centre d’athlétisme.
Dix sept ans après, que sont devenus ces centres sportifs ? Sont-ils toujours opérationnels et travaillent-ils sous la tutelle de la direction nationale des sports et de l’éducation physique ? «En réalité, il n’y a plus de suivi pour ces différents centres. Actuellement, nous ne sommes pas en mesure de vous dire combien de centres fonctionnent et combien ont été fermés, répond le chef de division de législation, formation et évaluation de la DNSEP, Mamadou Sidibé.
Au départ, c’est Amadou Pathé Diallo était chargé de faire le suivi de ces centres, mais après le départ de ce dernier, personne n’a pris le relai (l’ancien international avait le statut de coordinateur des centres et percevait un salaire mensuel de 300.000F cfa, ndlr). Depuis plusieurs années donc, les centres sont laissés à eux-mêmes». Et notre interlocuteur de poursuivre : «En 2017, nous avions déposé des termes de référence relatives à une mission d’évaluation des centres de formation sportive pour jeunes du ministère des Sports. C’était pour faire l’état des lieux des infrastructures, des équipements et des installations, vérifier le rôle des encadreurs des centres, se rassurer des rapports entre les centres de formation et la DNSEP et enfin, vérifier si les objectifs assignés aux centres sportifs sont atteints. Cette mission n’a malheureusement pas eu lieu à cause des contraintes budgétaires».
Notre équipe de reportage a fait un tour sur les sites d’entraînement de quatre centres, basés dans différents stades de la capitale : le stade Mamadou Konaté, le stade Modibo Keïta, le stade Ouezzin Coulibaly et le stade du 26-Mars. Ces centres sont tous opérationnels et encadrés, chacun, par des anciens internationaux de football. Le centre du stade Modibo Keïta est dirigé par l’ancien gardien de but du Stade et des Aigles, Modibo Doumbia ‘’Modibo 10’’ qui travaillait en duo avec Vital Ky, malheureusement décédé le 8 avril 2017, alors que les pensionnaires du centre du stade Mamadou Konaté sont encadrés par Souleymane Sangaré et Guéladio Nango.
Au centre du stade du 26-Mars, on retrouve le duo Chaka Keïta-Moussa Bagayoko, alors que Yacouba Traoré ‘’Yaba’’ et Bakary Diakité «Bakarini» sont aux commandes du centre du stade Ouezzin. Dans ces quatre centres, les frais d’inscription s’élèvent à 5.000F cfa auxquels s’ajoute une cotisation mensuelle de 1.000F cfa. Dans les quatre centres, les entraînements se déroulent les samedi et dimanche et tous les matins pendant la période des vacances, sauf les vendredi. Au passage de notre équipe de reportage au stade Mamadou Konaté, il y avait une quarantaine d’enfants sur la pelouse.

MANQUE DE MATÉRIELS- Si Souleymane Sangaré ‘’Réal Soloni’’ et son collègue Guéladio Nango se réjouissent, chacun du projet qui a contribué à la réinsertion de plusieurs anciens sportifs, ils déplorent le manque de suivi et de moyens des centres. «Le problème principal réside au niveau de la formation, nous voulons que les autorités nous cherchent des stages de formation et de recyclage. Quand les encadreurs ne sont pas formés, ils ne peuvent pas former de bons joueurs», explique Souleymane Sangaré. «On a également des problèmes avec les clubs.
Quand on forme des joueurs, les clubs les prennent sans payer les droits de formation. Ici, on a formé beaucoup de jeunes qui évoluent actuellement dans les grands championnats du monde. Parmi ces joueurs, on peut citer Abdoul K. Danté, Sory Ibrahim Keïta, Alassane Diallo. Nous n’avons rien bénéficié, en tant que centre formateur». Pour mettre fin à ce qu’il qualifie de «vol de joueurs», le centre du stade Mamadou Konaté a signé un contrat de partenariat avec certains clubs et depuis, personne ne peut traiter avec les enfants ou leur famille, sans passer par le centre.
Après le stade Mamadou Konaté, nous avons mis le cap sur le stade du 26-Mars où nous avons rencontré l’ancien gardien de but du Réal et de la sélection nationale, Moussa Bagayoko. «Beaucoup de jeunes joueurs ont été formés ici, mais tous nous ont été arrachés par les clubs et sans aucun accord, accuse-t-il d’entrée de jeu. Nous avons tellement souffert de ce problème que le centre a été obligé de s’affilier au District de football. Ainsi, tous les enfants qui sont ici disposent d’une licencie et notre centre joue en troisième division, en Commune VI».
«Le gouvernement nous paye un salaire mensuel de 50.000F cfa, c’est dérisoire et nous sommes obligés de nous débrouiller avec ce que nous gagnons en termes de frais d’inscription et de cotisations mensuelles des enfants. Nous ne sommes pas satisfaits de nos conditions de travail, mais comme nous n’avons rien d’autre, nous sommes obligés de continuer, en espérant que les choses vont s’améliorer», insiste Moussa Bagayoko qui souligne également le manque criard de matériels de travail. Au total, le centre du stade du 26-Mars compte trois encadreurs et Moussa Bagayoko assure que la collaboration «se passe bien».
En termes de matériels, le stade Ouezzin Coulibaly n’est pas mieux loti. En attestent ces propos de Yacouba Traoré «Yaba». «Le véritable problème au niveau de notre centre est le problème de matériels. Un moment même, nous avions arrêté les entraînements», témoigne-t-il. Et de poursuivre : «à notre époque, on ne faisait que courir mais aujourd’hui, le football n’a pas besoin de ça. Les enfants s’adaptent avec le ballon, 100%, football. Une vingtaine de jeunes ne peuvent pas s’entraîner avec un seul ballon.
Il faut suffisamment de ballons pour apprendre aux enfants le contrôle et la conduite de la balle. Souvent le directeur du stade nous paye des ballons, mais c’est insuffisant», fait remarquer l’ancien international, avant de fustiger, lui aussi, l’attitude des clubs vis-à-vis des centres. «Notre première promotion, ce sont les Kalifa Coulibaly, Souleymane Coulibaly, Aboubacar Traoré ‘’Abouta’’. Tous ces joueurs sont partis et le centre n’a rien bénéficié, encore moins les encadreurs. Nous avons l’impression de travailler pour les autres. C’est vrai que Bakarini et moi, aimons ce travail. Nous sommes d’ailleurs des amis dans la vie, mais très sincèrement, les conditions de travail ne sont pas satisfaisantes», lâche Yaba qui restera comme l’un des joueurs les plus doués de sa génération, voire du football malien.
Le cri du cœur des «anciens» sera-t-il entendu ? Il faut l’espérer, surtout quand on sait que les centres font face à la concurrence de plus en plus rude des écoles de foot et de basket privées qui poussent comme des petits champignons à travers le pays.

Boubacar THIERO

Source: Journal l’Essor-Mali

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