A son audience du vendredi 19 septembre dernier, la cour d’assises de Mopti, en sa première session ordinaire a planché sur l’affaire ministère public contre Mama Sabé dit Djinguéré, né il y a 56 ans à Sirabougou, accusé de meurtre. Les faits remontent à 2012. L’accusé qui avait longtemps souffert des dégâts causés par les animaux dans son champ, avait conduit un troupeau de bœufs dans un hameau de peulhs pour cracher ses quatre vérités au propriétaire. Il est accueilli par ce dernier qui voulut lui administrer un coup de bâton auquel il a répondu par un tir de fusil.
Mama Sabé dit Djinguéré avait hérité de son défunt père, un champ qu’il exploitait depuis 25 ans à Bougoula, une localité située à environ 20 Km de Djenné. C’était le seul moyen pour lui de nourrir les siens. Un jour, les autorités municipales de Bougoula lui apprennent que sa parcelle est en partie réservée désormais au passage des troupeaux. Djinguéré est désemparé. Il en informe Issa Coulibaly, l’aîné de la famille qui avait prêté le champ à son père. Ce dernier lui conseille de respecter la décision municipale.
Mais après quatre ans de pause, vu que les riverains cultivaient leur champ, Djinguéré a repris son travail. Son champ était situé à quelques mètres d’un hameau de peulhs qui possédaient plusieurs têtes de bovidés. A plusieurs reprises, le champ du paysan avait été dévasté par les bêtes et à chaque occasion, il est allé se plaindre à Oumar Diallo, 53 ans, le patriarche du hameau. Pourtant, rien n’a changé. Le lundi 18 juin 2012, une forte pluie s’est abattue sur la zone, inondant tout l’environnement.
La famille du paysan n’a pas pu lui apporter son repas ce jour-là comme d’habitude. Il avait faim et il se faisait du souci pour les siens domiciliés sur l’autre rive du fleuve.
Et quand la pluie a cessé, il a vu encore le troupeau de bœufs dans son champ. Il est allé le dégager pour le conduire au hameau et en profiter pour dire ses quatre vérités au patriarche. A son arrivée, les enfants du vieux, Amadou et Hama Diallo étaient en train de traire des vaches. Quand Mama a voulu s’adresser à Oumar, celui-ci armé d’un bâton a voulu l’agresser. Le visiteur a réculé de quelques pas, placé une cartouche dans son chargeur et a ajusté à bout portant celui qui voulait l’agresser. Oumar Diallo, foudroyé à la poitrine et à la tête est mort sur place. Après son forfait, Mama se rend au domicile du chef de village pour se dénoncer. Avant de se présenter à la Brigade territoriale de gendarmerie de Djenné pour tout raconter, il a délégué son épouse pour aller présenter ses excuses et exprimer ses regrets aux peulhs.
A la barre ce vendredi 19 septembre 2014, l’accusé n’a pas nié les faits. Il a exprimé ses regrets à la cour et a dit qu’il se serait suicidé n’eût été la crainte de l’enfer reversé par Dieu aux suicidaires. Il a assuré que de sa vie, il ne se comporterait plus jamais ainsi.
Son avocat, Maître Sampana, commis d’office qui qualifie les faits d’homicide involontaire, a plaidé les circonstances atténuantes et a demandé le sursis. Son homologue de la partie civile, Maître Simon Loqué parle d’assassinat et a plaidé pour une application de la loi dans toute sa rigueur.
- Touré, occupant le banc du ministère public a requis pour sa part, cinq ans de prison pour meurtre et port illégal d’arme. Après délibération, la cour a reconnu Mama coupable et l’a condamné à 5 ans de réclusion criminelle. Car, au lieu de porter plainte pour demander réparation des dommages causés dans son champ, il s’est rendu justice. Mama a déjà purgé deux ans sur les cinq.