Le journaliste français Olivier Dubois, enlevé le 08 avril 2021, a été libéré ce lundi 20 mars. Dubois a été enlevé à Gao alors qu’il avait un projet d’interview. C’est lorsqu’il s’est rendu à ce rendez-vous qu’il a été enlevé. Les personnes qui devaient le recevoir l’ont-ils probablement kidnapé. Les hommes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), principale alliance djihadiste au Sahel, liée à Al-Qaïda, l’ont maintenu en otage pendant près de 24 mois de captivité. Le seul otage français aux mains des djihadistes dans le Sahel, depuis la libération en octobre 2020 de Sophie Pétronin, vient de recouvrer la liberté. Mais la situation de certains hommes de media maliens comme Hamadoun Nialibouly (radio Dande Douentza, la voix de Douentza); Moussa M’Bana Dicko (radio Dandé Haïré, la voix de Haïré) disparus ou enlevés par des groupes criminels, restent à ce jour non élucidée.
Journaliste français vivant au Mali quelques années avant son enlèvement, Olivier Dubois était correspondant des medias Le Point, Libération et Jeune Afrique. Il avait également travaillé pour le Journal du Mali. Celui qui vient de recouvrer la liberté était le seul otage français aux mains des djihadistes dans le Sahel depuis la libération en octobre 2020 de Sophie Pétronin, également enlevée au Mali (libérée en même temps que feu Soumaïla Cissé). Mais d’autres hommes de media maliens disparus ou enlevés par des groupes restent à ce jour sans trace. Parmi ceux-ci, il y a Hamadoun Nialibouly (radio Dande Douentza, la voix de Douentza), enlevé le 27 septembre 2020 à Mandjo dans la région de Mopti, par une milice de chasseurs non identifiée, alors qu’il rentrait de Bamako après avoir participé à une formation des journalistes; Moussa M’Bana Dicko (radio Dandé Haïré, la voix de Haïré) enlevé chez lui à Boni, le 18 avril 2021 par des présumés djihadistes.
Par ailleurs les dossiers d’enquêtes de Birama Touré disparu à Bamako en janvier 2016 et ceux au Mali et en France, du massacre des journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, n’ont pas été élucidés, au moment où les medias de Media monde France demeurent suspendus au Mali depuis mars 2022.
Depuis des années, le Mali vit une situation de crise politique et sécuritaire à l’instar de l’environnement géopolitique et sécuritaire dans le Sahel, et en particulier au Mali, au Niger et au Burkina Faso.
La récurrence du terrorisme a mis en danger la vie des populations maliennes et remis en cause le privilège de la liberté d’expression et d’aller et venir des habitants. Le droit à la vie est mis à rude épreuve, et quelle chance reste-t-elle aux hommes de media dont le besoin de beaucoup plus d’espace de liberté est indéniable?
Les hommes de presse sont pris dans l’étau des positionnements géostratégiques et géopolitiques dans le Sahel, des mutations politiques à l’intérieur des Etats, des agissements des groupes armés terroristes, des groupes armés dits d’autodéfense, et potentiellement des bandits, qui ne laissent pas à l’Etat le monopole de la violence.
Des acteurs non étatiques détiennent des armes de guerre, qui les utilisent contre les armées régulières et contre des civils, rendant difficile voire inopérante l’obligation de protection des populations par les forces de défense et de sécurité (FDS).
Les populations assistent impuissantes à des attaques ciblées, des crimes organisés, des scènes de violences extrêmes, des tueries de masse et des enlèvements, qui sont devenus monnaie courante, faisant croire au déroulement d’un rouleau compresseur ayant comme objectif à moyen ou long terme le dépeuplement du Sahel, au nom de l’agenda inavouable d’une économie criminelle.
Dans ce contexte, la liberté d’expression, parent pauvre des grandes libertés, dans la forêt des urgences nationales, peut bénéficier certes d’attention, mais pour laquelle, il est consenti moins de moyens pour la protéger, la garantir et la promouvoir dans l’intérêt de tous.
Aujourd’hui, la marge de liberté du journaliste dans nos Etats du Sahel, limitée à l’aune de la situation terrifiante de pays en guerre, est très réduite. Les forces de défense et de sécurité, sans lesquelles la protection des journalistes et des libertés ne peuvent être assurées, sont préoccupées plutôt par la quête d’une Souveraineté Nationale plus matérialisée au delà des discours, par le respect des choix stratégiques et des choix opérés et la prise en compte de l’intérêt général dans les prises de décision.
Désabusés par plusieurs années de mal gouvernance politique, les peuples embrassent la tendance au pouvoir militaire dans les Etats du Sahel. Ce système a eu la fâcheuse expérience de l’échec dans ces Etats, comme au Burkina Faso, au Niger, en Guinée, au Mali, au Tchad, au Bénin, au Togo, au Soudan où ils n’ont pas conduit les peuples aux destinées promises. En attendant la réussite lointaine, les journalistes devront-ils prendre leur mal en patience. Convaincue cependant qu’aucun pouvoir ne réussira sans elle, la presse tel le phénix tente sa mue dans le Sahel, de repousser patiemment et obstinément de nouvelles plumes plus robustes et brillantes.
B.Daou
Source: Le Républicain