Le 18 mars 2020, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’homme (HCDH) ont publié les conclusions de la mission d’enquête spéciale sur les graves atteintes aux droits de l’homme commises le 14 février 2020 à Ogossagou dans cercle de Bankass, région de Mopti. De ce document, il ressort qu’entre le 23 mars 2019 et le 13 février 2020, au moins quarante-six incidents sont attribuables aussi bien à des éléments armés dogons que peuls, qui ont causé dans le seul cercle de Bankass, la mort d’au moins 259 personnes dont 51 enfants et cinq (5) femmes.
Conformément à son mandat de promotion et protection des droits de l’homme ainsi que de la protection des civils, et aussitôt informée des allégations de graves atteintes aux droits de l’homme ayant eu lieu le 14 février 2020, la MINUSMA a déployé une équipe d’enquête composée de neuf chargé(e)s des droits de l’homme et de quatre experts de police scientifique, dans le but de faire la lumière sur les circonstances de l’attaque, d’identifier les auteurs ainsi que les victimes, et de situer la responsabilité des acteurs impliqués.
Sur la base de la méthodologie du HCDH, les chargés des droits de l’homme ont conduit des enquêtes ex situ et in situ, respectivement à Mopti, Bamako, Ogossagou-Peul et Ogossagou-Dogon.
Au cours de cette enquête, selon le document, les équipes de la MINUSMA et du HCDH ont rencontré des victimes, des témoins directs et indirects ainsi qu’un présumé auteur en détention, afin de vérifier les allégations reçues et d’établir précisément les faits et les responsabilités. « Tout au long de l’enquête, les chargé(e)s des droits de l’homme se sont entretenus avec les autorités administratives, judiciaires et pénitentiaires ainsi que militaires de la région de Mopti. L’équipe d’enquête a également effectué une visite à la Brigade de Recherche de la Gendarmerie à Sévaré où elle a interviewé une personne détenue en lien avec cette attaque. Au total, 117 personnes ont été interrogées dans le cadre de cette enquête », précise le rapport.
Toutefois les enquêteurs précisent : « Il sied de souligner qu’entre le 23 mars 2019 (date du premier incident dans le village d’Ogossagou) et le 13 février 2020, jour précédent l’attaque, la Division des droits de l’homme et de la protection (DDHP) de la MINUSMA a documenté au moins 46 incidents attribuables aussi bien à des éléments armés dogons que peuls, qui ont causé dans le seul cercle de Bankass, la mort d’au moins 259 personnes dont 51 enfants et cinq (5) femmes. »
Au moins 136 habitations détruites !
Du même document, il ressort qu’au terme de cette mission d’enquête, la MINUSMA est en mesure de conclure que le 14 février 2020 vers 5h du matin, plusieurs dizaines d’individus, dont certains identifiés comme des chasseurs traditionnels, appuyés par des hommes en tenue militaire et des membres présumés de la communauté dogon, ont conduit une attaque vraisemblablement planifiée et ciblant la partie du village d’Ogossagou habitée par les membres de la communauté peule.
« Les assaillants, munis de fusils automatiques, de fusils traditionnels de chasse et de machettes, ont exécuté au moins 35 personnes toutes membres de la communauté peule, dont une (1) femme, trois (3) garçons, et deux (2) filles, et blessé au moins trois (3) autres. A ce jour, au moins 19 personnes dont cinq (5) enfants sont toujours portées disparues depuis l’attaque »,peut-on lire dans le document.
Le document ajoute également qu’une femme de plus de soixante-dix ans ans et une fille de six ans en situation d’handicap mental sont également décédées dans l’incendie de leur case. « Une autre fille d’environ quatre ans a été tuée par balle alors que son père la portait sur son dos pour s’enfuir. Une fille de 13 ans, originaire d’un village dont les habitants s’étaient récemment installés à Ogossagou, a disparu depuis l’attaque. Les corps de 32 victimes, dont celui d’une (1) femme et de deux (2) enfants ont été enterrés dans une fosse commune au nord du village nommé “Marabout”, les trois (3) autres corps ont été enterrés dans des tombes individuelles. Au moins 136 habitations (légères ou maçonnées) ont été détruites par incendie volontaire ou rendues inhabitables, 32 greniers et hangars de stockage de vivres incendiés ou rendus inutilisables, 24 charrettes, trois (3) bâtiments commerciaux (cuisine, rôtisserie et boutique) détruits, deux (2) enclos à bétail détruits et/ou incendiés et un nombre important de têtes de bétail volées ou tuées », rapportent les enquêteurs.
Crimes contre l’humanité !
Selon la MINUSMA et le HCDH, ces faits constituent des atteintes graves aux droits de l’homme, notamment des privations arbitraires du droit à la vie, des atteintes au droit à l’intégrité physique et morale, et des atteintes au droit à la propriété. « Au regard de la loi malienne, ces actes peuvent constituer des crimes prévus et punis par le code pénal malien. Ces graves atteintes aux droits de l’homme pourraient également être qualifiées de crimes contre l’humanité, si jugées par un tribunal compétent, en vertu du droit international pénal, particulièrement l’article 7 du Statut de Rome »,précise le rapport.
Ousmane BALLO
Source : Ziré