Le président du Mouvement patriotique pour le renouveau, Choguel Kokala Maïga a accordé une interview à notre confrère Le Sphinx. Il a évoqué plusieurs sujets, notamment l’Accord politique, la situation sécuritaire au Nord et au Centre.
(Sphinx) :M.Le Président, comment se porte le MPR à l’heure actuelle ?
Choguel K.Maiga: Depuis l’élection présidentielle bâclée de 2018, le MPR comme tous les partis significatifs, est très actif dans les débats politiques pour le redressement de notre pays et le sauver faces aux périls graves si le menacent. Le travail de terrain, lui, il se poursuit sans tambours ni trompettes.
L’actualité est dominée ces derniers temps par un Accord dit Politique de Gouvernance. Pourquoi le MPR ne se reconnaît-il pas dans cet Accord ?
Au départ, et surtout après les échanges que le Chef de l’Etat a eus durant les mois de février-mars, j’ai personnellement cru en sa bonne foi après mon entretien avec lui le 19 mars 2019. J’ai nourri l’espoir qu’en fin, les responsables politiques de tous bords ont compris l’impérieuse nécessité d’une véritable UNION SACRÉE de tous les fils du Mali, autour du Chef de l’Etat pour conjuguer nos forces et intelligences pour SAUVER L’ESSENTIEL, LE MALI, afin de conjurer les GRAVES PÉRILS qui menacent l’existence de notre Nation. J’ai personnellement espéré et contribué, au nom du MPR, pour que nous puissions aboutir à un Accord politique véritable, qui prenne en compte la situation politique, sécuritaire et sociale difficiles et complexes de notre pays, afin de resserrer nos rangs et faire face, ensemble, à ceux, nombreux, qui nourrissent le projet secret de partition du Mali. Le peuple Malien a fondé beaucoup d’espoir sur les négociations entre les acteurs politiques.
Malheureusement, in fine, le résultat relève plus de l’escroquerie politique que d’un véritable accord de sortie de crise. Toute la démarche a consisté, par des manœuvres frauduleuses et la fourberie, à débaucher un ou deux des plus virulents opposants au régime en place, notamment en ce qui concerne sa gouvernance, l’Accord d’Alger et la révision constitutionnelle, afin de les transformer en avocats défenseurs, forcément suspects, des causes qu’ils ont combattues il y a quelques mois voire quelques semaines plus tôt. On est revenu à la case de départ. Le pouvoir n’ayant pu saisir l’opportunité et la chance historiques qui s’offrent à nous tous. Ainsi, le texte de l’Accord que nous souhaitions, a été vidé de sa substance pour être remplacé par un texte pompeusement appelé « Accord politique de gouvernance du 2 mai 2019 » qui, dans sa rédaction finale, est consacré plus de 30% à la révision constitutionnelle et à la prolongation du mandat des députés. Rien de nouveau sur le changement dans la gouvernance du pays.
Quelle appréciation faites-vous du Gouvernement qui vient d’être mis en place et que dirige Boubou Cissé ?
Je n’en pense pas grand chose. La personne du Premier Ministre, que j’apprécie positivement en tant que cadre, n’est pas en cause. Ce sont les circonstances dans lesquelles lui et son gouvernement ont été mis en place qui sont en cause. Toutes les décisions prises depuis sa nomination, auraient été prise exactement comme telles par son prédécesseur : le même Président et le même Ministre des Finances. Donc il n’y a eu aucun changement de fond dans la gouvernance. Le déblocage des dossiers des cheminots et de l’Ecole auxquels on a semblé trouver des solutions, ressemble plus à des opérations de communication politique, qu’à des solutions véritables : les cheminots ne sont toujours pas payés, les examens et évaluations des élèves ne pourront se tenir dans les faits que sur moins de 20% du territoire national, et ne toucheront véritablement que moins de 25 % des scolaires concernés en tant normal. Certaines personnes avaient visiblement des comptes personnels à régler avec l’ancien Premier ministre qui, peut-être, gênait leurs intérêts politiques ou financiers; une fois qu’il est tombé, tout reste en l’état. Aucune démarche nouvelle n’est visible.
Monsieur le Président, y-a-t-il des préalables pour espérer voir le MPR dans le Gouvernement ?
Parler de préalables n’est pas approprié. Ensuite, nous pouvons soutenir le Gouvernement, sans y siéger forcément. Mais pour nous il est important qu’il y ait une véritable prise de conscience que notre pays et notre nation sont réellement menacés dans leur existence. En conséquence, changer la façon de gouverner le pays dans le fond et dans la forme est un impératif.
Ensuite, dans le processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, il faut redoubler de vigilance et s’opposer avec fermeté et détermination à tout acte ou décision qui peut conduire à la partition du Mali, ni aujourd’hui, ni demain ni après demain. Il faut également qu’il y ait une véritable volonté et stratégique de restauration de la souveraineté du Mali sur toute l’étendue du territoire de Kayes à Kidal. Et non pas une souveraineté limitée, allant de Kayes à Niono-ville.
À l’heure actuelle la chose la mieux partagée par les partis d’opposition c’est la nécessité de tenir des concertations nationales inclusives. Au niveau du MPR, qu’elle votre vision ?
Nous pensions que le Chef de l’Etat et le Gouvernement allaient travailler en concertation étroite avec l’Opposition afin de tracer ensemble les balises et les termes de référence du Dialogue politique national inclusif. Je constate qu’ils en ont décidé autrement, de façon unilatérale. On attend de voir la suite. En temps utile nous aviserons.
De façon schématique quelles formes devraient prendre ces concertations nationales pour prétendre prendre en compte les préoccupations des populations ?
Pour que le Dialogue politique et ses résultats soient crédibles et partagés de tous, il aurait fallu rechercher le consensus dès le départ, en amont. Or visiblement, cette démarche n’est pas celle retenue par le pouvoir en place.
Monsieur le Président, la question sécuritaire vous préoccupe énormément, comme en témoignent plusieurs interviews que vous avez eu à faire à ce sujet. Selon-vous que faut-il envisager pour sortir de la crise actuelle ?
Tant que l’outil de défense, qui a été délibérément mis en pièce et démantelé pendant 20 ans, n’est pas restauré, modernisé en termes d’équipements et adapté aux défis du moment, avec des soldats biens formés, motivés, disciplinés, avec des avancements au mérite, les discours lénifiants et de propagande des dirigeants politiques ne serviront à rien. Les appels à la paix resteront lettre morte tant que l’Etat ne sera pas en capacité d’en imposer, si nécessaire par la force, à tous les groupes qui utilisent la violence pour obtenir ce qu’ils veulent. L’Armée est un outil de travail, un outil de décision dans les mains de l’autorité politique ; quand cette autorité politique elle-même gouverne mal le pays globalement, cela se ressentira forcément sur les Forces de défense et de sécurité. La mal gouvernance et la corruption qui gangrènent tous les corps de l’Etat,l’Administration, la Justice, l’Ecole, la Santé, les Finances, la classe politique, la Société civile, etc. a forcément des conséquences désastreuses sur les Forces armées et de sécurité.
Et votre avis sur la présence de multiples forces étrangères sur le sol malien ?
Ici il y a véritablement un gros malentendu entre le peuple malien et Communauté internationale. Au départ, 2013, le peuple du Mali, à travers son gouvernement, avait sollicité l’intervention des Forces armées étrangères pour l’aider à libérer son territoire de tous les occupants : séparatistes, terroristes, salafistes, djihadistes, narco trafiquants, etc. Aujourd’hui, 2019, ces forces internationales nou disent le contraire. La MINUSMA, avec un budget de près de 300 milliards de FCFA par an, dit qu’elle est au Mali pas pour faire la guerre aux séparatistes, mais pour le maintien de paix; paix qui n’existe même pas, à plus forte raison être maintenue. L’opération Barkane, avec un budget de près de 500 milliards de FCFA par an, nous dit, elle aussi, qu’elle est au Mali pour lutter contre le terrorisme, et non pour aider le Mali à étendre sa souveraineté sur tout son territoire. Pendant que l’Armée malienne est interdite dans la région de Kidal, MINUSMA et Barkane y ont installé tranquillement leurs bases militaires. Tout récemment encore, le 6 avril 2019, les représentants des Forces internationales ont même assisté au défilé militaire organisé à Kidal par les séparatistes à l’occasion de la célébration de l’indépendance de la fantomatique république de l’Azawad. Les séparatistes édictent des textes règlementaires pour régenter la vie à Kidal. Face à tous ces faits, le Gouvernement du Mali reste silencieux. Allez-y comprendre quelque chose !!!!
Monsieur le Président, il y a aussi la question de la révision constitutionnelle comme mission du nouveau Gouvernement. Quelle est la position du MPR par rapport à ce projet ?
On attend de voir ce que celui qui devrait être constitutionnellement l’initiateur de la révision, c’est à dire le Président de la République, soumettra au peuple malien. Si c’est tout juste pour donner satisfaction aux séparatistes et à leurs soutiens extérieurs pour préparer la partition du Mali, nous nous y opposerons de toutes nos forces. Mais attendons de voir ce qui sera proposé avant de prendre une position définitive.
le Président, quelle est votre réaction, après les événements douloureux qui ont frappé, le dimanche 9 juin, le village dogon de Sobane dans la Commune de Sangha, Région de Mopti, qui ont entraîné l’assassinat de plus de 102 personnes dans des conditions atroces ?
Le drame de Sobane du 9 juin, vient rallonger la triste liste des drames qui se succèdent dans depuis des mois. Vous vous souviendrez de Kolongo le 1er janvier, de Dioura le 20 mars, de Ogossagou le 23 mars, de Guiré le 22 avril. Sans oublier la terreur et les souffrances que vivent au quotidien les populations des Régions de Tombouctou, Gao, Menaka, Kidal, avec leur cortège d’assassinats massifs ou ciblés, dont le Gouvernement et la presse parlent peu ou pas du tout. Ces situations dramatiques, qui se répètent chaque jour, sont symptomatiques de l’incompétence, du manque de vision et de stratégie du Gouvernement qui semble totalement dépassé par les événements. Elle rappelle de façon dramatique la nécessité, pour nous Maliens, d’un véritable sursaut patriotique national, d’un large front patriotique pour sauver notre pays, victime d’un véritable complot dont certains acteurs vivent parmi nous alors que d’autres se déclarent être les amis du Mali.
En tant que Président du MPR, avez-vous un message à lancer à vos compatriotes, lequel ?
Face aux difficultés du moment, je leur dirais de ne pas perdre l’espoir, de ne pas céder à la résignation et à la fatalité. Notre peuple trouvera, en son sein, les ressources morales et la force pour se redresser et marcher la tête haute verse son destin.
Le Sphinx
Source: L’Aube