Ministre des Domaines de l’État et des Affaires foncières après deux remaniements successifs, Mohamed Ali Bathily, précédemment Garde des Sceaux, s’illustre de plus en plus par la complexité d’allier rigueur et légèreté en même temps.
Domaine de l’Etat ! «C’est un secteur que j’ai géré avant même d’y être», se glorifiait-il, au lendemain de sa détention de son portefeuille actuelle avec l’avènement du Pm Modibo Kéïta. M. Bathily annonçait ainsi les couleurs de ses intentions ainsi que de l’élan justicier qu’il entendait imprimer sur le domaine du foncier où, il s’était déjà illustré par une sortie très controversée sur le dossier de Kalabanbougou. Mais, avant d’ordonner l’arrestation des huissiers commis pour démolir les habitations anarchiques, le ministre des Domaines, avec ses allures de Don Quichotte, avait déjà fini de transformer le département de la justice en juridiction d’instance pour les litiges fonciers. C’est depuis le département de la justice que les procédures judiciaires avaient été déclenchées et les orientations appropriées données aux juges dans un sens unique : le triomphe au Mali d’une certaine justice des moins nantis.
Il n’est dès lors guère surprenant que l’avènement de l’avocat -non moins magistrat– à la gestion foncière et domaniale, consacre une expropriation massive au nom d’un soi-disant retour de la terre aux paysans dépourvus, aux yeux du ministre, jusque des lopins pour la production familiale.
Longtemps considéré comme rassurant pour les investisseurs, le système administratif malien est ainsi, subitement, devenu un risque à cause des annulations aveugles de dizaines de titres fonciers servant souvent de garanties bancaires.
Dans la même foulée, il a été procédé à la prolongation sine die de la mesure de suspension des attributions foncières, en dépit des promesses de levée faites par le Premier ministre devant l’Assemblée nationale en admettant tacitement par ailleurs que ladite mesure aura plus favorisé la spéculation foncière qu’elle n’a été réellement utile.
Quoi qu’il en soit, la rigueur apparente du ministre Bathily sur la question est contrariée par l’existence d’un mécanisme parallèle de satisfaction de demandes triées sur le volet par mesures dérogatoires. Il s’agit, de toute évidence, d’une forme administrative de spéculation foncière qui consiste à donner des instructions aux services centraux au détour d’arrêtés ministériels. Combien d’attributions sont-elles passées par ce créneau tortueux ? Difficile de le dire. Le cas du site du centenaire, qui dépasse tout entendement et défraie la chronique depuis quelques jours, n’est peut-être que la goutte ayant débordé le vase. Ledit domaine, selon des informations non encore démenties par des preuves appropriées et irréfutables, a été attribuée à une entreprise américaine sur convoitise de cette dernière par arrêté interministériel co-signé par le ministre Bathily et son collègue de l’Administration territoriale.
Sans trop s’attarder sur les motivations douteuses d’une attribution aussi spectaculaire, l’entorse aux lois et à la hiérarchie des normes en la matière est évidente et en dit long. Et, pour cause, le site du Cinquantenaire, obtenu de haute lutte contre la volonté des défenseurs de l’environnement en son temps, a fait l’objet d’un décret pris en Conseil des ministres en bonne et due forme en 2011 sous le président déchu, ATT. Les observateurs nantis comprennent donc difficilement qu’un même domaine fasse l’objet d’une double attribution sans abrogation de la première disposition dont la teneur est supérieure à celle de la seconde. De là à en déduire que la tendance à tout bouleverser est en passe de transformer le Mali en République bananière : celle de Mohamed Ali Bathily où, l’acharnement et la détermination à tout remettre en cause l’emportent sur les principes sacro-saints qui fondent la République.
Abdrahmane KÉÏTA
Source: Le Témoin