L’Agence de l’Environnement et du Développement Durable et le Projet de Gestion de Risques Climatiques et d’Inondations veulent prendre le taureau par les cornes
Placés sous la tutelle du Ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement Durable (MEADD), l’Agence de l’Environnement et du Développement Durable (AEDD) et le Projet de Gestion de Risques Climatiques et d’Inondations (PGRCI), ont organisé une Conférence-Débat le 12 juin 2018 au Parc National de Bamako, dans la salle Balasoko sous le thème : « Prévisions Météorologiques, Hydrologique des crues, Gestion des déchets solides et l’alerte précoce en réponses aux risques d’inondations ».
En présence de nombreux invités, les conférenciers, Mme Mafing Koné, Coordonnatrice Nationale du PGRCI, Ibrahima Sidibé, Ingénieur Hydrologue, Chef de Section Suivi et Gestion des Ressources en Eaux à la Direction Nationale de l’Hydraulique, Balla Sissoko, Chef de Division Suivi Environnemental, Contrôle des Pollutions et des Nuisances, à la DNACPN, Adama Konaté, Directeur du Réseau d’Observation et des Prévisions Météorologiques à Mali-Météo et le Lieutenant Colonel Cheick FM Koné de la Direction Nationale de la Protection Civile ont débattu avec brio, le thème retenu.
Ouverture de la conférence
« La journée mondiale de l’environnement est la journée, la plus célébrée par les Nations Unies visant à encourager la sensibilisation autour des actions mondiales en faveur de la protection de l’environnement… ».
C’est en ces mots que le Représentant de l’AEDD, M. Mahamadou Traoré a ouvert la conférence-débat qui a réuni plus d’une centaine de personnes.
Il en a profité pour annoncer les objectifs que cette conférence-débat s’est fixé à savoir : renforcer les connaissances des participants sur les prévisions météorologiques, Hydrologique des crues, la gestion des déchets solides et l’alerte précoce en réponses aux risques d’inondations ; comprendre la nécessité d’une gestion durable des réseaux de drainage d’eaux fluviales ; promouvoir et renforcer la collaboration entre les services hydrologiques et météorologiques pour la mise en place et le fonctionnement des systèmes intégrés de suivi et d’alerte précoce des risques d’inondations.
Présentation du PGRCI
Après l’ouverture de la conférence, la Coordonnatrice Nationale du Projet, Mme Mafing Koné était intervenue pour présenter brièvement le PGRCI (Projet de Gestion de Risques Climatiques et d’Inondations).
Une augmentation drastiques des pluies d’ici 2050
Dans son allocution, Mme Mafing Koné a dit : «Le Projet de Gestion de Risques Climatiques et d’Inondations (PGRCI) a été initié au Mali dans le but de préserver des vies et des biens. Car le Mali est un pays vulnérable aux risques climatiques et aux inondations. Selon les scénarios climatiques du futur, la hauteur moyenne des pluies au Mali passera de 5 à 10% à partir de 2050 par rapport à la période de 1960-1990. L’on prévoit également une augmentation de l’intensité et de la fréquence des risques climatiques ».
Le Mali, victime de grandes inondations catastrophiques
D’après la Coordonnatrice Nationale de PGRCI, « de 1980 à 2014, le Mali a connu plusieurs inondations qui ont causé d’énormes dégâts humains et matériels, à Bamako comme à l’intérieur du Pays. Les inondations de 2013 à Bamako, ont affecté plus de 37.000 personnes dont 20.000 déplacés, 37 morts, 280 maisons détruites. Celles de 2010 ont causé 111 décès, 6052 maisons détruites, 12.000 hectares de terres agricoles inondées, des infrastructures : ponts et routes détruites. En 2014, 98,5% des pertes économiques dues aux catastrophes et estimées à 25.098.255.000 étaient imputables aux inondations ».
Les objectifs de PGRCI
Parlant des objectifs de ce projet, la Coordonnatrice Nationale a encore ajouté : « Les objectifs que le PGRCI s’est fixé se situe au niveau du renforcement des capacités techniques et technologiques des autorités administratives nationales et locales afin de gérer et de réduire efficacement les impacts négatifs des inondations sur les communautés locales et les infrastructures de base au Mali ».
« Ainsi, ces objectifs visent à améliorer le Système d’Alerte Précoce aux inondations et la diffusion de l’information sur les risques climatiques ; la connaissance des risques liés aux inondations ; la préparation aux inondations et la sensibilisation sur les inondations et risques connexes », a poursuivi le conférencier.
Zones d’intervention du PGRCI
Le PGRCI intervient dans les cercles de Mopti, de Kayes et les communes I, CommunesIV et Communes VI de la ville de Bamako. Zones réputées inondables au Mali.
Débat autour du thème
Quatre services de l’Etat qui travaillent habituellement en synchrone pour gérer les inondations et autres catastrophes naturelles ou provoquées ont été invités pour débattre du thème retenu :« Prévisions Météorologiques, Hydrologique des crues, Gestion des déchets solides et l’alerte précoce en réponses aux risques d’inondations ».
Il s’agit de : Direction Nationale de l’Hydraulique (DNH), Direction Nationale de la Pollution et du Contrôle de Nuisance (DNACPN), Mali-Météo et Direction Nationale de la Protection Civile (DNPC).
Hydrologique des crues, Direction Nationale de l’Hydraulique
Appelé à débattre sur « la prévision des crues dans le contexte de la gestion des risques d’inondations », M. Ibrahima Sidibé, Ingénieur Hydrologue, Chef de Section Suivi et Gestion des Ressources en Eaux à la Direction Nationale de l’Hydraulique a d’abord planté le décor de son exposé, avant de faire un petit rappel sur la notion de l’hydrologie, et d’insister sur les Bassins versants, les Inondations et de conclure en lançant les grands défis de l’heure.
Selon ses dires, « l’hydrologie est définie par l’OMM (Organisation Mondiale de la Météorologie), comme la Science qui traite la présence et de la distribution des eaux sur la terre avec leurs propriétés chimiques, biologiques et physiques et leurs interactions avec l’environnement (écoulements à travers les cours d’eau) ».
Il ajoute encore : « L’hydrologie traite aussi la nature des principaux éléments hydrologiques et de leur expression dans le transfert et le stockage de l’eau. Le traitement de la nature et de ses éléments sert à la résolution des problèmes et pratiques d’inondations, de sécheresse, d’érosion, de transport, de sédimentation et de pollution de l’eau ».
Bassins versants
Quant aux Bassins versants, il dira : « Un bassin versant ou bassin hydrographique est une portion de territoire délimitée par des lignes de crête (ou lignes de partage des eaux) et irriguée par un même réseau hydrographique (une rivière avec tous ses affluents et tous les cours d’eau qui alimentent ce territoire). Le bassin versant est aussi considéré comme une zone qui draine toutes les précipitations reçues vers un seul point appelé exutoire (qui peut être un cours d’eau, une mer, un océan, un lac…). Il est délimité par des frontières naturelles appelées lignes de crêtes ou lignes de partage des eaux ».
Impacts des activités humaines et bassin versant.
En attirant l’attention de la population sur ses activités qui peuvent avoir un impact direct sur un bassin versant,M. Ibrahima Sidibé dira : « L’occupation du sol, les activités humaines et les aménagements, conditionnent les chemins de l’eau et donc sa qualité à l’exutoire du bassin. Les actions en amont se répercutent en aval. La multiplication de petites perturbations entraîne de grandes dégradations sur l’ensemble du bassin. Des aménagements inadaptés, une mauvaise gestion des milieux naturels sont des pratiques à risques pour un bassin versant ».
Inondations
Ibrahima Sidibé explique : « Le débordement direct d’un cours d’eau dans son lit majeur, suite à des épisodes de fortes précipitationsou à la fontedes neiges hivernales (ce sont les crues).
Le débordement indirect d’une réserve d’eau (de surface ou souterraine) suite à la remontée des nappes phréatiques ou bien des eaux à travers les canalisations.
L’accumulation des eaux de ruissellement suite à des précipitations abondantes. Il se peut, en effet que les capacités de drainage et d’infiltration d’une zone soit insuffisante pour évacuer les eaux reçues, qui s’accumulent. Ce phénomène est accru lorsqu’il y a eu une imperméabilisation des sols sans création d’un réseau d’évacuation suffisant.
La rupture d’un ouvrage de génie civil, comme un barrage ou une digue. Un défaut de conception, un manque d’entretien ou tout simplement un volume d’eau trop important peuvent créer une brèche puis une rupture d’un ouvrage de protection. Les conséquences sont en général catastrophiques car le flux d’eau est soudain et très puissant ».
Les causes des inondations dans la zone du projet
« Le comblement des collecteurs au niveau des ponts estimé entre 50 à 75% par des déchets en plastique et de tous les autres ordures ;Aucun curage réalisé à ce jour sur les collecteurs naturels ;Le faible aménagement de ces collecteurs (profilage en enrochement ou en béton) ; L’Absence de caniveaux ; L’occupation des servitudes des cours d’eau et l’occupation anarchique des espaces de servitude », a expliqué le conférencierIbrahima Sidibé
Défis à relever
Pour faire face à la problématique récurrente de l’inondation au Mali et éviter ou limiter au maximum les conséquences néfastes sur la population et l’économie nationale, le conférencier à conclut par un certain nombre de défis qu’il faut obligatoirement relever par les uns et les autres : « L’occupation des servitudes des cours d’eau et les bassins versants ; L’érosion des berges et l’obstruction des chenaux naturels et caniveaux ; Méconnaissance des textes et l’incivisme des populations ; Manque de financement pour le suivi et connaissance des ressources en eau ; Mise en place d’un mécanisme de suivi et d’alerte des risques d’inondations durables ».
Informations météorologiques, Agence Nationale de la Météorologiques du Mali
- Adama Konaté, Directeur du Réseau d’Observation et des Prévisions Météorologiques à Mali-Météo est intervenu à son tour pour donner les informations essentielles sur la météorologie et les prévisions météorologiques dans le contexte de gestion des risques d’inondations.
Les catastrophes imprévisibles
Adama Konaté : « Les évènements météorologiques et climatologiques extrêmes sont à l’origine de 9 catastrophes naturelles sur 10 depuis 60 ans.
Les modèles climatiques prévoient une intensification de la fréquence et de l’intensité de ces phénomènes:Fortes pluies avec des vents violents entrainant des inondations;Sècheresses récurrentes;Poussière en suspension dans l’air réduisant la visibilité;Vague de chaleur due à la hausse de la température ; Montée du niveau de la mer etc. L’information climatologique établie sur de bases scientifiques solides peut aider à la formulation de stratégies de réduction des risques de catastrophes et est capitale dans la prévention. C’est une denrée périssable, son traitement et son exploitation doivent être efficient et immédiat ».
La pluviométrie
Concernant la pluviométrie au Mali, M. Adama Konaté a donné les informations suivantes : « On note de nos jours auMali, une baisse moyenne de 20% de la pluviométrie entre la période 1951 – 1970 (période humide) et la dernière période de référence 1971 – 2000 entraînant un déplacement des isohyètes de 200 km vers le Sud.L’isohyète 1200 mm n’existe plus sur la carte du Mali. C’est pour dire que le régime pluviométrique au Mali est très affecté par la variabilité et les changements climatiques ».
La prévision saisonnière 2018
Pour rassurer la population malienne par rapport à l’hivernage en cours, M. Adama Konaté a donné les prévisions météorologiques de la saison : « Pendant la période Juin- Juillet-Aout 2018 :Le cumul pluviométrique sera excédentaire dans le sud du Mali et Bamako : Kayes,Koulikoro,Sikasso,Ségou,Mopti,Gao et le District de Bamako.
Le cumul pluviométrique enregistré sera normal dans les parties Nord des régions de Kayes,Koulikoro,Ségou,Gao et celles de Sud de Sikasso,Tombouctou, Kidal et plus la région de Ménaka. Les précipitations enregistrées dans les régions de Taoudéni,Kidal et la partie Nord de Tombouctou seront proches de la normale.
La saison va connaitre des phénomènes météorologiques extrêmes donc il faut s’attendre à de grandes pluies et des inondations ».
Les perspectives
Le projet PGRCI permettra à l’Agence Nationale de la Météorologie de renforcer son réseau d’observation et de collecte de données, a dit le conférencier Adama Konaté.
« Dans la zone d’intervention du projet il faut beaucoup de données pour produire des informations climatiques fiables accessibles à temps réel 24/24. Pour cela il faut :
L’acquisition et l’installation de deux stations météorologiques automatiques à Bamako;L’acquisition et l’installation de cent cinquante pluviomètres automatiques dans les sept communes du projet ; L’acquisition et l’installation d’équipements complémentaires pour renforcer les stations météorologiques existantes de SOTUBA, Bandiagara, Kita ».
Alerte précoce, Direction Général de la Protection Civile
C’est le Lieutenant Colonel Cheick FM Koné de la Direction Nationale de la Protection Civile qui a développé la partie « Alerte précoce dans le contexte de la gestion des risques d’inondations ».
Selon lui, « Les catastrophes, ont fait plus d’un million de victimes en 10 ans au Mali dont plus de 300 morts et des dizaines de portés disparus (DGPC).
Elles ont engendré près de 500 Millions de dollar de pertes économique pendant la même période ».
Ces pertes sont surtout liées aux secteurs de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, des infrastructures (bâtiments et routes), vital pour l’économie du pays.
Ces pertes sont dues à : l’impréparation, l’improvisation et l’insuffisance du Système d’Alerte Précoce (SAP).Le système d’alerte précoceest très pauvre en matière d’alerte en prélude aux inondations. Il n’est pas l’outil approprié de nos jours pour l’alerte aux inondations
Par contre le Système d’Alerte Rapide (SAR) est essentiellement efficace car Il estbasé sur les données météorologiques.
L’agence Mali-Météo, transmet de façon régulière aux structures (agriculture, santé, sécurité/alertes, aviation) des informations sur le temps et ses variations.
Les informations météo sont transcrites au besoin en alerte soit pour les autorités administratives et politiques, soit pour les services d’intervention en cas d’inondation, soit pour les populations pour la prévention/prévision.
Défis et challenges
Identification et cartographie des zones à risques ; Mise en place de contingence inondation ; Modélisation des prévisions hydro-météo ; Géo-référencement des informations et alertes ; Respect des textes législatifs et règlementaires ; Financement basé sur la prévision ; Préparation des communautés à la réponse ; Renforcement des capacités techniques et opérationnelles des structures hydro-météo et d’alerte ; Le renforcement de capacités des communautés pour la résilience ; Plaidoyer auprès des autorités ; Sensibilisation des populations.
Déchets solides, DNPCN
Balla Sissoko, Chef de Division Suivi Environnemental, Contrôle des Pollutions et des Nuisances, à la DNAPCN (Direction Nationale de la Pollution et du Contrôle de Nuisance)
« La gestion des déchets solides et l’occupation anarchique des réseaux de drainage des risques d’inondation ».
Ces dernières années, les pays subsahariens dont le notre sont confrontés à des problèmes tels que les changements climatiques qui sont le plus souvent à l’origine de fortes pluies qui occasionnent parfois des inondations.
La question d’inondation est devenue récurrente dans notre pays. D’année en année, elle cause des pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants surtout dans les grandes agglomérations comme le District de Bamako.
Principales Causes des inondations au Mali
Balla Sissoko : « Plusieurs facteurs sont à l’origine des inondations répétées au Mali : le non curageou l’absence des caniveaux à certains endroits; la pression démographique qui se traduit par:l’occupation des servitudes par des kiosques, ou des installations de fortune;l’occupation des bas-fond (lieux naturels de drainage des eaux pluviales);l’occupation des zones de concentration des eaux de ruissellement ou d’affleurement de la nappe phréatique;l’incivisme des populations de certains quartiers démunis de Bamako qui n’hésitent pas à obstruer les caniveaux et les collecteurs (qui sont les ouvrages destinés à l’évacuation des eaux pluviales) en y déversant des déchets solides.
Il est à noter que: les caniveaux et les collecteurs sont destinés à ne recevoir que les eaux de pluies et non des déchets solides ».
Principales mesures à prendre
Balla Sissoko : « Pour minimiser la fréquence des inondations dans nos villes, il faut:réaliser des dépôts de transit dans les normes requises;enlever régulièrement les déchets des dépôts de transit; éviter de placer les dépôts de transit à côté des caniveaux et collecteurs;veiller au dégagement des voies d’évacuation des eaux pluviales (avant et courant hivernage);aménager les collecteurs naturels pour éviter l’occupation illicite des rives et souvent des lits ; aménager plus de caniveaux dans les quartiers situés dans les bas-fonds pour faciliter l’écoulement des eaux ; respecter les plans stratégiques d’assainissement des villessensibiliser les populations riveraines ou vivant aux alentours des caniveaux et collecteurs afin qu’elles cessent de verser les déchets solides dans les caniveaux ».
Et pour finir…
Pour clore les interventions, M. Balla Sissokoconclut : « S’il est vrai que les pays subsahariens subissent les effets néfastes des changements climatiques, il est aussi vrai que l’homme est en grande partie, responsable des phénomènes climatiques extrêmes qui en découlent: sécheresse, désertification, inondations etc.
Il est temps que des mesures urgentes soient prises à tous les niveaux afin de minimiser la fréquence de certains phénomènes, comme les inondations. Il y a des choses évitables, il suffit pour cela, que chacun à quelque niveau que ce soit (Etat, collectivités, citoyen lambda) joue sa partition ».
Pépin Narcisse LOTI, stagiaire
Source: Mali Demain