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Dirigeants maliens et africains : Pourquoi le syndrome de la peur

La célèbre expérience de Wilgram, bien que controversée, peut-elle se rejouer à l’échelle d’une nation? Qui manipule qui ? Une manipulation grandeur nature ?

Qui se trouve vraiment aux manettes?

Dans des situations troubles et périlleuses, à l’échelle d’une nation, tous les citoyens sont naturellement portés à en analyser les causes avec la volonté plus ou moins avouée de contribuer à l’émergence d’une solution salutaire. Je m’inscris dans cette perspective avec le souhait, peut-être utopique, d’apporter ma contribution à l’effort collectif pour la survivance d’un pays qui se meurt par la faute de certains de ses fils.

Comment ?

Dans un premier temps, il s’avère nécessaire d’identifier les ressorts sur lesquels on joue afin que des personnes victimes de pratiques inhumaines s’obstinent à accepter, voire à s’imposer ce rôle de souffre-douleur perpétuel. Le mutisme constituant ainsi le pain béni pour le prédateur. Cas des autorités maliennes et celles de nombreux pays africains.

En second lieu, il est tout aussi important d’essayer de comprendre comment, suite à un transfert de responsabilité, des hommes, “convaincus” d’avoir la raison pour eux, peuvent-ils infliger des souffrances atroces à d’autres hommes, à des peuples, sans sourciller un instant, sans remords.

Persuadés qu’ils ont raison et qu’ils ont la raison, ils se permettent toutes les dérives inhumaines. Cas de zélateurs appartenant à des officines étatiques: CIA en Amérique Latine et Moyen-Orient, DGSE en Afrique, KGB(SVR) dans les pays satellites de l’ex URSS, Japon de Hirohito en Chine… Cas également de groupuscule d’extrémistes exaltés qui tuent en invoquant Dieu; en fait un ramassis de cafres drogués vivant de rapines et de mannes d’États voyous du golfe persique.

Dans la très grave et sulfureuse crise imposée au peuple malien depuis 2012, le silence des autorités maliennes, tant à l’échelle du Mali que porté à la conscience de l’universel, pose problème. Elles connaissent les tenants et les aboutissants de la crise, elles sont au fait de tous les stratagèmes ourdis déci delà pour fragiliser et dépecer le territoire. Mais aucun ne pipe mot. Toutes s’imposent un silence dont l’explication, au premier abord, est assimilable à de la simple pleutrerie mais dont les origines sont profondes, d’une mise en place séculaire, voire multiséculaire sur laquelle certaines expériences récentes apportent des éléments de lecture assez pertinents.

Je me propose donc, modestement, d’apporter ma part au décryptage de ce phénomène avec l’appui d’expériences menées sur le sujet. Mon dessein ultime est d’aider les peuples et les dirigeants à s’affranchir de ces boulets spirituels, la soumission par la couardise savamment injectée dans les veines, le larbinisme épigénétiques.

 Le mécanisme de la manipulation

Dans une célèbre expérience menée dans les années 1960, sur 636 sujets âgés de 20 et 50 ans, le psychologue étatsunien Stanley Milgram démontre, malgré la controverse provoquée à l’époque et encore maintenant, qu’une autorité peut pousser une personne à commettre des crimes graves tout en faisant en sorte qu’elle se sente innocente du mauvais traitement qu’elle inflige, une forme d’absolution. Cette absolution a pour but d’amener le bourreau à perpétrer le mal en toute bonne conscience parce que l’autorité donneuse d’ordre prend pour elle les responsabilités de l’acte.

Autrement dit, il démontre comment un homme est capable d’infliger des souffrances immondes à son prochain sous l’autorité d’un pouvoir qu’il juge légitime. Dans la pratique, l’expérience consistait à demander à une personne d’appuyer sur des boutons envoyant des décharges électriques de plus en plus fortes, jusqu’à la puissance létale, sur une autre personne chaque fois qu’elle donnait une réponse fausse à des questions. Donc il y avait trois personnes, celle qui donnait l’ordre, celle qui exécutait cet ordre et celle qui subissait les décharges électriques. Le donneur d’ordre et celui qui subissait les décharges, en réalité de fausses décharges, étaient des comédiens qui jouaient à merveille leurs rôles. Mais celui qui appuyait sur les boutons croyait vraiment à la réalité des décharges électriques.

Cela rappelle, s’il était besoin de le préciser, la façon dont l’Allemagne hitlérienne avait réussi à “fabriquer” des milliers de criminels génocidaires qui ne se posaient aucune question de conscience.

L’Etat nazi s’était substitué à leur conscience, à leur intellect, faisant d’eux des machines à exterminer, à tuer sans remord. Celui qui inflige le mal défère sa responsabilité sur l’autorité émettrice de l’ordre. Je suis déclencheur de l’acte abominable mais je me soustrais à sa responsabilité. Positionnement intellectuel commode ouvrant la voie aux dérapages indicibles.

Toutes les idéologies totalitaires, toutes les théocraties, tous les groupuscules liberticides, toutes les superpuissances appliquent ce principe de déshumanisation de leurs troupes afin qu’elles puissent se repaitre du sang humain en croyant agir pour le bien: “Dieu”, “la défense de la démocratie”, “l’intérêt supérieur du pays”, “l’espace vital”. Il s’agit d’amener l’homme à planifier et à mettre en application des atrocités inouïes au nom d’une cause prétendument noble, souvent Dieu est mis en avant.

Pauvre Dieu, pris en otage par des brutes qui tuent en son nom, qui sèment la désolation en l’invoquant, qui exterminent en louant son nom. On le voit avec AQMI, avec DAESH, avec AL QUAEDA, avec les SHEBAB, avec BOKO HARAM, avec la CIA, avec la DGSE, avec l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabe Unis au Yémen…

C’est l’abolition de l’intégrité intellectuelle de l’homme afin d’en faire un esclave consentant, un individu accessible à toutes les formes d’inhumanité. Dans un bon nombre d’académies militaires, la formation est sous-tendue par ce précepte qui n’est jamais évoqué de façon explicite. Mais tout le bourrage de crâne est agrémenté de cette donnée indispensable à une armée qui est dans la prédation organisée par les hommes monde, ces démiurges qui règnent désormais. Le totalitarisme intellectuel des maîtres du monde.

Cette monstruosité se vulgarise actuellement parce qu’aidée par le deuxième élément de ma contribution: la peur qu’elle inspire, la peur qui intime le silence. L’épouvante qu’elle suscite lui ouvre un espace démesuré. Les cibles capitulent, car elles sont prédisposées à la soumission, à raser le mur, à regarder ailleurs.

 La fabrique de la peur

Plusieurs expériences menées sur des souris ont démontré qu’on peut inscrire la peur dans leur mémoire sur plusieurs générations, telle celle de Isabelle Mansuy, professeure à l’Université de Zurich. Le schéma a été le suivant: dans un premier temps, on choisit deux groupes de souris; sur le premier groupe on fait uniquement sentir un odeur déterminée; sur le deuxième groupe, la même odeur est utilisée mais elle est suivie par l’envoi d’une décharge électrique sur les souris qui sursautent. Par la suite, quand on fait sentir la même odeur par les progénitures des deux groupes, les petits émanant du premier groupe se comportent de façon normale mais ceux du deuxième groupe sursautent comme s’ils ont subi la même décharge électrique que leurs ascendants. En fait le séquençage de l’ADN n’est pas altéré, mais le message envoyé a subi un changement notable qui se perpétue sur plusieurs générations. Mais, heureusement, il n’est pas irréversible et, parfois, peut aboutir à une forme de résistance à la décharge. De plus, tous les chercheurs en matière d’épigénétique s’entourent de réserve puisque cette science est à ses débuts et qu’il faut éviter des conclusions péremptoires.

Toutefois, malgré ces réserves de rigueur, un plongeon dans l’analyse du comportement des élites africaines, permet une analogie pertinente avec le stress post traumatiques des souris. Mais attention, les adeptes du premier degré, je vous vois venir avec vos gros sabots m’accusant de traiter les élites africaines de souris. Je vous en prie, prenez au second degré pour une fois. En définitive, les études en rapport avec l’épigénétique comme avec l’optogénétique sur la mémoire sont entrain de révolutionner nos connaissances sur la peur induite chez l’homme par les phénomènes traumatiques subis. Encore des particules sur le champ de l’inné et de l’acquis.

A l’aune des attitudes de la majorité des dirigeants africains, ces expériences concourent à expliciter leur larbinisme souffreteux, leur soumission rampante et baveuse, conséquences de la mémoire d’assassinats politiques et génocides encore cachés comme ceux de Ruben Um Nyobé au Cameroun, Félix-Roland Moumié en Belgique, Patrice Emery Lumumba au Congo-Léopoldville, Sylvanius Olympio au Togo, le premier Président africain assassiné, en partie, à cause de son opposition au franc CFA, Thomas Sankara au Burkina Faso, massacre-génocide de plus 200 000 bamiléké au Cameroun sur ordre Pierre Messmer, génocide des Herero et des Nama en Namibie par l’empire allemand avec l’expérience des premiers camps de concentration de l’ère moderne… Soit dit en passant, le monde s’est offusqué de l’existence des camps de concentrations quand ils ont été mis en place en Europe et utilisés contre des européens, alors même qu’ils avaient été expérimentés ailleurs sans soulever d’indignation. L’ailleurs ne vaut pas tripette, on l’aura compris. L’homme est ainsi fait, il ne comprend la souffrance de l’autre que lorsque cette même souffrance lui est appliquée.

Ceux qui ont conscience de la forte probabilité d’une mort à la manière, si j’ose m’exprimer ainsi, des Moumié, Lumumba, Nyobé, Olympio, Sankara se planquent sous le lit chaque fois qu’il s’avère impérieux de dénoncer des crimes dont eux et leurs peuples sont victimes. Les maliens en ont l’illustration la plus funeste actuellement. Les créateurs et les “jeteurs d’huile sur le feu” de la crise malienne sont connus, sont connus également les âpres au gain libidineux internes (collabos).

La démonstration de mon propos, s’il en est besoin, revient à la suivante: Deux hommes d’envergure de la politique Française au Mali parce que deux ex ambassadeurs l’ont dit, Olivier Normand, ambassadeur de France au Mali de 2002 à 2006, Christian Rouyer, ambassadeur de France au Mali de mars 2011 à avril 2013, l’Etat français a pactisé avec les séparatistes du nord Mali qui sont liés aux terroristes djihadistes. Cela a, du reste, coûté son poste à Christian Rouyer. Mais du côté malien, je défie quiconque de me donner le nom d’un seul responsable malien du gouvernement ayant osé faire cas de cette vérité qui s’étouffe de ne pas être dite, à commencer par le président de la République. Tous souffrent du syndrome de la peur transmise comme avec les souris de l’expérience ou ont des dossiers à cacher, des morts dans les placards. A l’évidence, un criminel peut difficilement pointer les crimes des autres.

Dans certains cas, la peur émane aussi du chantage appliqué aux dirigeants sur la base de leurs turpitudes ou celles des proches dans les détournements de biens publics essentiellement.

Mais tous oublient une chose élémentaire: le courage de dire la vérité de façon à éclairer un maximum de personnes est l’antidote à la peur fusse-t-elle mortifère. Tout simplement parce que la vérité, que dis-je, la justice, finit toujours par émerger malgré tous les moyens déployés pour l’étouffer.

Ainsi donc, il est comme une mission rédemptrice pour les dirigeants maliens, africains, de dire, sous l’empire du courage, ce qui s’étouffe en eux sous l’empire de la peur, sur le double plan intérieur et extérieur. On ne peut indéfiniment désigner l’autre pour sa malfaisance en s’amendant, soi, de ses pesanteurs dont la peur, la compromission miasmatique. En effet, la peur conduit très souvent à la compromission, voire au reniement de ses valeurs.

Sur le sujet un événement vient fort à propos. J’ai assisté à une conférence débat le 17 octobre 2019 sur les conflits en Afrique de l’ouest à l’université de Bordeaux. Une ressortissante nigérienne a osé cette question aux deux conférenciers, Laurent Bigot, maître de conférences et consultant indépendant, ancien sous-directeur du Département Afrique de l’Ouest au Ministère des Affaires étrangères, et Dragoss Ouedraogo, anthropologue à l’Université de Bordeaux, membre du Mouvement Burkinabe des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP): Quelle est l’espérance de vie d’un dirigeant africain qui ose parler de politique endogène? Car l’un des deux conférenciers, Laurent Bigot, préconisait la mise en place de politiques endogènes imaginées par les africains eux-mêmes. Politiques en rupture avec les doctrines imposées par l’occident et qui n’ont jamais apporté de solution nulle part. Question éminemment pertinente. Cette femme, avec les sous-entendus de sa question, jetait une lumière crue sur tous ceux qui se sont essayés à l’application de politiques endogènes et qui ont été éliminés physiquement ou diabolisés et vilipendés comme Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire. Tous les intellectuels qui ont voulu s’affranchir du carcan de l’asservissement ont été ostracisés, Cheick Anta Diop, Mongo Beti, Léon Gontran Damas(Guyane), Frantz Fanon(Martinique)…

Oser faire fi, pour un homme politique, de la probabilité élevée d’une mort par assassinat à cause de ses idées nobles, doit être consubstantiel à son engagement politique. Cette conscience de sa mission lui permet de cheminer sans fléchir sous le poids mémoriel des éliminations politiques passées et récentes. Seront ainsi sans impact majeur, les actes des criminels englués dans des visions tronquées et débridées du patriotisme et qui, forts de ces idées abjectes, se délectent de leur barbarie carnassière et tuent avec l’idée dévoyée de “faire pour l’intérêt supérieur du pays”.

Nelson Mandela dit: “J’ai appris que le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre”. Voilà une source de méditation positive permettant de transcender l’équation infernale imposée au reste du monde par les tenants de la “communauté internationale: PILE JE GAGNE, FACE TU PERDS. Donc, à tous les coups, les mêmes gagnent en permanence et il en est de même pour les autres dans la perte. Il est impératif de briser cette dynamique par une véritable prise de conscience de l’identité intrinsèque de tous excluant toutes les autres les attributions à posteriori.

Yamadou Traoré

Enseignant

Source: L’Aube

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