Autant de pathologies liées à l’utilisation du glyphosate dans l’agriculture au Mali. Mais toujours est-il que le Directeur Général de l’Office de Protection des Végétaux (OPV), M. Demba Diallo, garde encore la tête sous l’eau.
L’utilisation accrue des pesticides chimiques couplée au boom agricole à laquelle on assiste ces dernières années soulève des interrogations sur la vulnérabilité des ressources naturelles, en particulier les ressources hydrologiques des zones cotonnières du Mali.
Au Mali, l’herbicides qui contient du glyphosate, comme le Roundup de Monsanto, plus connu sous le non de ‘’béret rouge’’ est l’herbicides le plus utilisé. Il est utilisé dans l’agriculture, la sylviculture, les parcs et espaces publics ainsi que dans les jardins.
Ces dernières années, des études scientifiques ont exprimé des craintes quant à l’innocuité du glyphosate. Ces inquiétudes portent sur les effets de cet herbicide sur la santé et plus précisément sur le système hormonal, et ses impacts sur l’environnement. Face à ce risque d’empoisonnement, aucune action de l’OPV sur le terrain n’est visible.
Les impacts du glyphosate sur la faune et la flore
Le glyphosate est un herbicide c’est-à-dire une substance chimique qui tue les herbes. Son mode d’action consiste à inhiber une voie métabolique spécifique de la croissance des plantes. Cette voie métabolique n’existe pas chez les autres organismes vivants, comme les animaux ou les insectes.
En effet, les effets toxiques du glyphosate sur la faune s’avèrent plus importants que sur les plantes. Des études de toxicité menées sur les rats ont démontré que si le glyphosate Roundup (le plus connu des glyphosates) n’a pas induit d’effets toxiques visibles sur les femelles en gestation, il a eu un effet négatif sur la fertilité des mâles, notamment des anomalies au niveau des spermatozoïdes et une baisse de la fertilité.
D’autres expérimentations, conduites notamment sur des grenouilles, ont démontré que les adjuvants – c’est-à-dire les composants autres que le principe actif entrant dans la composition du Roundup – avaient des effets négatifs, notamment sur les hormones thyroïdiennes de grenouilles.
D’autre part, un impact plus important du glyphosate a été noté sur les oiseaux sauvages que sur les oiseaux domestiques.
Du côté des organismes marins, même s’ils sont moins concernés que les espèces terrestres, de nombreuses études ont rapporté que le glyphosate avait provoqué des lésions du foie et des reins, comme chez le tilapia du Nil ; après 96 heures d’exposition à des doses relativement élevées, une mortalité accrue a été observée. Plus grave encore, d’autres études ont révélé que le glyphosate plus connu au Mali sous le nom de ‘’béret rouge’’ provoque une diminution de certaines fonctions du foie et du métabolisme général.
Par ailleurs, le problème est que le glyphosate n’affecte pas uniquement les mauvaises herbes contre lesquelles on l’utilise. Cependant, l’avis selon lequel il est facilement dégradé et absorbé dans les sols – donc sans effet néfaste sur l’agriculture – est erroné. Des études ont ainsi montré que le glyphosate se trouve facilement acheminé des tiges vers les racines ; il peut de cette façon être stabilisé et affecter négativement les plantes non ciblées par le traitement.
Parmi ces effets négatifs, on note une réduction de l’absorption des éléments nutritifs du sol, comme le manganèse, le zinc, le fer et le bore, éléments connus pour leurs rôles dans les mécanismes de résistance des plantes aux maladies. Par conséquent, en réduisant l’absorption de ces éléments nutritifs, le glyphosate affecte indirectement la résistance des plantes aux maladies, ce qui induit en retour une utilisation plus intense de pesticides et concourt à un cercle vicieux dans lequel ses utilisateurs s’enferment.
Les impacts du ‘’béret rouge’’ sur l’homme
Comme toutes les études de toxicité des produits chimiques, la toxicité du glyphosate ou ‘’béret rouge’’ sur l’homme et les animaux est prouvé.
En mars 2015, l’Agence internationale pour la recherche sur le cancer (IARC) a publié un rapport classant le glyphosate comme « cause probable de cancer chez l’homme ». Au même moment, un groupe de scientifiques a publié un commentaire à propos de cette polémique autour du caractère cancérogène du glyphosate. Ces derniers considèrent qu’il est plus approprié et plus rigoureux scientifiquement de considérer ce produit comme cancérogène au vu des évaluations et des données scientifiques portant sur des cas de cancers rapportés chez l’homme et certains animaux en laboratoire.
Il est donc clair que l’utilisation à grande échelle de cet herbicide au Mali comporte des risques majeurs pour la santé publique, la faune et la flore. Et cet aspect du problème semble visiblement ne pas suffisamment intéresser les autorités maliennes, singulièrement l’Office de Protection des Végétaux alors qu’il est urgent d’en débattre, car il pourrait être demain à l’origine de plusieurs problèmes plus ou moins irréversibles. L’appauvrissement des sols que va entraîner l’utilisation à grande échelle du glyphosate au Mali provoquera inéluctablement pendant les années à venir un drame humanitaire à l’échelle du pays entier si rien n’est fait.
Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’en dépit des discours qui claironne des performances sans précédent de la production cotonnière de notre pays, force est de constater que les populations impliquées dans la culture du coton ne vivent pas dignement du fruit de leur travail. La paupérisation est ambiante dans les régions productrices et ira forcément croissant avec la destruction du sol et de l’écosystème.
Il urge donc au regard des problèmes causés par l’utilisation du glyphosate que la problématique de l’intérêt de son usage soit inscrits à l’agenda politique et social afin d’en faire un débat public. Cette démarche qui a eu cours ou qui a cours dans beaucoup de pays a débouché soit sur l’interdiction de son utilisation, soit sur des études assez poussées sur sa nocivité. En tout état de cause, il faut faire bouger les lignes sur cette question. Et l’OPV tarde à prendre le taureau par les cornes.
Il est urgent que le débat sur une politique de transition économique soit initié assez vite, afin d’éviter assez tôt le drame humain qui se profile à l’horizon de notre pays, sous un silence coupable de l’Office de Protection des Végétaux. La culture record du coton aujourd’hui qui n’enrichit qu’une poignée de personnes pourrait devenir dans les années à venir un problème majeur qui manquerait de solution.
Opposants et mouvance présidentielle sont appelés à éviter ce désastre, car un mauvais héritage écologique laissé dans une partie du Mali pourrait bien être la source de déstabilisation du pays entier.
Jean Pierre James