“Ici, c’est comme une famille”, témoigne Andreas, un Grec hébergé par Le Refuge. Quinze ans après sa création à Montpellier, l’association reste fidèle à son objectif fondateur: permettre à de jeunes homosexuels rejetés par leurs proches de se reconstruire en leur offrant notamment un toit.
“La création de l’association en 2003 est liée à mon vécu d’isolement, d’homophobie intériorisée pendant mon enfance et mon adolescence à Saint-Thibéry”, une commune héraultaise d’environ 2.000 habitants, se souvient Nicolas Noguier, 41 ans, cadre à l’Agence régionale de santé et président-fondateur du Refuge.
“J’ai grandi avec la crainte d’une réaction négative de mes parents. Finalement, je ne l’ai pas vécue, mais je me suis mis à la place de jeunes qui sont brisés par le rejet de leurs proches”, poursuit-il.
Chassés du domicile familial, certains jeunes homosexuels, de tous les milieux sociaux, sont victimes de coups ou d’insultes de la part de leurs parents ou de leurs frères et sœurs.. A la rue, sans argent, ils multiplient parfois les conduites à risques – suicide, prostitution, consommation abusive de drogues et d’alcool, scarifications…
“Ca a été la catastrophe quand j’ai annoncé à mes parents que j’étais homosexuel”, raconte Andreas, 24 ans. “Ils m’ont bien fait comprendre qu’ils n’allaient jamais m’accepter comme je suis”, ajoute le jeune homme: “Avec le Refuge, j’ai l’espoir de m’en sortir: j’ai un appartement, un travail, ce sont les premières étapes pour retrouver la confiance en soi”.
Au début des années 2000, Nicolas Noguier constate qu’il n’existe pas de suivi social pour ces jeunes en souffrance. Une structure à Manchester et des échanges avec des travailleurs sociaux vont l’inspirer.
– “Famille recomposée” –
Aujourd’hui, Le Refuge est devenu une structure nationale reconnue d’utilité publique avec un budget annuel de 1,3 millions d’euros (venant à 75% du privé), 18 délégations à travers la France, 350 bénévoles et 16 salariés. L’association, au cœur l’an dernier d’une polémique avec Cyril Hanouna après un canular jugé “homophobe”, a hébergé depuis sa création 1.300 jeunes et en a accompagné 7.000 à travers des dispositifs d’accueil de jour et d’écoute.
Alexis a été le premier jeune hébergé alors qu’il avait 19 ans. “J’étais dans le milieu de la prostitution à Perpignan et en rupture familiale totale”, raconte cet homme de 35 ans, qui est aujourd’hui aide-soignant et a repris des études pour devenir infirmier. Le Refuge est devenu pour lui une “famille recomposée” qui lui a permis de comprendre qu’il n’était “pas tout seul”. “On ne sait plus qui on est quand on a été rejeté”, assure le trentenaire, qui n’a jamais renoué avec sa famille.
“Nous offrons un accompagnement social global mais aussi un soutien psychologique à des jeunes qui sont mobilisés pour être guidés vers l’autonomie”, explique Céline Gross, travailleuse sociale au sein des “appartements relais” montpelliérains de l’association. L’idée est de stabiliser le jeune dans un appartement afin de travailler avec lui et éventuellement sa famille – un jeune sur quatre repartant vivre avec des proches. L’association dispose de 96 places d’hébergement fixe et privilégie les petites structures.
Elle accueille aujourd’hui un nombre croissant de demandeurs d’asile (8% des hébergés en 2016 et 26% en 2017), souligne Céline Gross. C’est le cas de Camarra, un Malien de 25 ans. “Au Mali, dans ma famille et plus largement dans un pays dont 95% des habitants sont musulmans, l’homosexualité est rejetée et considérée comme un péché”, souligne-t-il. Ludovic, 28 ans, et Fabien, 27 ans, ont bien aussi la “nostalgie” de l’île Maurice, mais “vivre là-bas en tant qu’homosexuel est impossible”, assurent-ils.
Autre axe de développement pour l’association, souligne son président Nicolas Noguier: “le milieu rural” où il y a “beaucoup de travail à faire”, et la sensibilisation en milieu scolaire. Quinze ans après sa création, le but du Refuge est de “faire évoluer les mentalités pour ne plus recevoir d’appels de jeunes en détresse”.
Source: capital