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Départ des troupes Françaises du Mali: le Waterloo sahélien

Il fallait sortir du bourbier sahélien et arrêter la descente aux enfers d’une force combattante qui ne fait désormais que compter ses morts au Sahel… Neuf ans après le démarrage de l’opération Barkhane, la France avait éclairement échoué stratégiquement et politiquement. Pour se sauver la face, elle se devrait de partir, de détaler sans donner l’impression d’une débandade. Donc sous une outrancière campagne médiatique et diplomatique, le président Emmanuel Macron annonce le retrait de notre pays des soldats de l’opération Barkhane et Takuba, c’était dans l’air du temps, et procédait de l’ordre de la logique loosers. Une page se ferme et une autre s’ouvre pour la France et le Mali.

 

C’était attendu, pas de manière tonitruante, mais c’est désormais officiel et international. Contrairement à son arrivée, la France a manœuvré pour se faire accompagner par ses alliés européens dans Takuba et le Canada. Effet du nombre ou volonté de créer un vide sidéral après son départ qui se traduira par l’effondrement d’une nation abandonnée encore en plein vol de soutiens conditionnels.

Dès lundi soir, le ministre estonien de la Défense, Kalle Laanet, ne confirmait-il pas qu’eux alliés de la France avaient convenu de retirer leurs troupes de notre pays et l’annonce sera officialisée par Macron le mercredi à la veille d’un sommet de deux jours Union européenne-Union africaine à Bruxelles. Le mardi dernier, le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, embouchait la même trompette en précisant que les annonces devaient être «faites rapidement» après une rencontre entre Emmanuel Macron et les gouverneurs provinciaux, pardon les chefs d’État africains invités par l’Élysée.

Sommes-nous alors surpris au Mali par cette France qui choisit de filer à l’anglaise, pardon à la corse après avoir s’est mouillée la barbe ?

Faut-il s’étonner d’un retrait décrété depuis juin dernier ? L’annonce élyséenne n’a donc rien de surprenant pour le Malien qui a longtemps arrêté d’espérer et de compter sur un partenaire qui ne veut nous aider et nous assister qu’à ses conditions et suivant son propre desiderata.

Il n’y a pas que la «junte» qui contrarie et exaspère la France dans ses plans pour la préservation de ses intérêts au Mali, il y a aussi les Russes. Depuis l’année dernière, Paris ne cesse de s’égosiller et de maudire le déploiement de Wagner aux côtés de notre armée. En prenant donc prétexte sur la présence russe au Mali, Paris et ses alliés réexaminent leur engagement et se retirent. Pour la ligue anti-autorités maliennes, la mission ne peut se poursuivre «en raison de la violation flagrante des règles par la junte malienne… (quelles règles ?)Des élections démocratiques ne sont pas prévues, ce qui était l’un des aspects les plus importants de l’accord. […] Il n’est pas possible de continuer dans de telles conditions et tous les autres alliés étaient d’accord.» Lâche imprudemment le ministre estonien de la Défense.

C’est donc cela. Outre l’exigence d’avoir des autorités à leurs bottes qu’ils imposent et maintiennent pour la préservation de leur intérêt, il faut sacrifier à un fantasme occidental : adopter une démocratie électorale de façade pour être dans leur bonne grâce. Le peuple du Mali, ses attentes et ses espérances pour l’émergence d’un Mali nouveau ? On n’en a cure ! On doit faire ce qu’eux ils décident pour nous…

Un État sérieux digne de ce nom devrait-il ouvrir ses frontières et laisser débarquer n’importe quel contingent armé sans concertation et accord préalable ? Le renvoi du contingent danois et celui de l’ambassadeur de France resteront l’écharde dans la blessure de Paris et de ses alliés. Pour eux, ce sont là d’intolérables obstructions venant d’un pouvoir de fait illégitime qui rendent impossible leur coopération « pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel dans la lutte contre le terrorisme au Mali et ont donc décidé d’entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations » !

Oui, en effet ces grandes nations démocratiques dont les dirigeants ne souffrent de la contradiction et la vérité ne peuvent pas rester engagées militairement aux côtés d’autorités maliennes de fait dont ils ne partagent ni la stratégie ni les objectifs cachés. Tout est dit là ! Il faut que nous nous aplatissions et acceptions tout… en tout cas que nous soyons dans un accommodement raisonnable pour qu’ils restent engagés à nos côtés. En français simple; il faut que nous nous plions à leurs conditions.

Sinon depuis quand Assimi Goïta a dit qu’il restera au pouvoir ? L’engagement des autorités de la Transition de ne pas briguer les suffrages lors des prochaines échéances électorales est-il synonyme d’exercice de conservation indéfinie du pouvoir ? Oui, pour le peuple souverain du Mali, la lutte contre le terrorisme est une priorité absolue, la sécurité et la quiétude de nos populations sont des urgences nationales plus que la tenue d’élections matériellement impossible aujourd’hui sur l’ensemble du territoire.

Foin de jacasserie. Non ne sommes pas surpris du retrait français, mais nous ne jubilerons pas parce qu’il sonne comme une bérézina, pardon un Waterloo sahélien. La situation du Mali est plus dramatique, plus inextricable qu’avant l’intervention française. À l’effondrement du nord du pays, il faut ajouter l’embrasement du Centre et l’insécurité qui a gagné tout le pays.

Nous sommes et  serons éternellement reconnaissants pour les sacrifices consentis dont 53 soldats français sont morts pour notre patrie. Mais la vantardise peu glorieuse est «que ce serait-il passé en 2013 si la France n’avait pas fait le choix d’intervenir ?» L’objectivité commande qu’on se pose la question de savoir : après neuf ans d’engagement dans quelle situation la France laisse le Mali ? Le pays sauvé ? Un État davantage effondré ?

Que nul ne se trompe et ne s’émeut : derrière le matraquage médiatique qui tend à créditer la thèse de «nous partons du Mali, mais nous restons au Sahel pour  poursuivre le travail », le candidat Macron veut coûte que coûte éviter que le Waterloo Sahélien qui a couronné l’engagement français au Mali ne s’invite dans le débat de la présidentielle et que l’opinion française ne comprenne que la France a été au faîte chassée du Mali après 9 ans d’inefficacité et d’échec.

La France fuit son échec à éradiquer la menace terroriste, à aider le Mali à se stabiliser. Alors qu’elle va, pour son honneur, la tête basse, dans la débandade, et le silence. Les justifications pro domo teintées de propagandes n’y feront rien. Le constat du fiasco est accablant et il sera retentissant. Après Tombouctou, Ansongo, Leré, Tessalit, Kidal, Barkhane fermera ses dernières bases à Gossi, à Ménaka et à Gao d’ici 6 mois, unilatéralement fixé.

Pour prêter l’expression au Khalife, c’est la France qui quitte le Mali, Dieu s’y trouve en perpétuelle demeure. Et Dieu n’est pas français.

PAR SIKOU BAH

Source : Info-Matin

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