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La France comme les USA: de l’Afghanistan au Sahélistan

Comparaison n’est certes pas raison, dit-on. Cependant, le parallèle permet de mieux comprendre les situations similaires. C’est du moins l’exercice auquel s’est employé, avec lucidité, Nicolas Poincaré, sur RMC-BFMTV, concernant la mauvaise expérience vécue par Américains et Français, respectivement en Afghanistan et au Sahel, avec des points communs, trois précisément. Pour lui, les Français qui étaient arrivés en libérateurs au Mali en 2013 sont devenus progressivement des occupants. Un peu comme les Américains en Afghanistan.

 

Emmanuel Macron a réuni ce mercredi à l’Elysée les partenaires de la France au Sahel. Une réunion qui a finalement actée le retrait de la France du Mali. La France et ses alliés européens vont donc quitter le Mali, la fin d’une opération qui aura duré 9 ans, qui aura coûté la vie à 53 soldats français, et qui se solde par un échec.

Nicolas POINCARE a d’abord souligné que le divorce entre Paris et Bamako s’est fait en plusieurs étapes.  C’est d’abord, dit-il, c’est la France qui a voulu se retirer.

En juin 2021, Emmanuel MACRON a annoncé la fin de l’opération Barkhane et un désengagement progressif. Il était question de passer de 5.000 à 2.500 militaires sur place.

Sauf que les autorités de notre pays qui, visiblement avaient assez du petit jeu de l’ex-puissance coloniale dans la crise malienne, ont prétendu se sentir abandonnées et ont saisi le prétexte pour faire appel à la Russie.

Suite à ce rapprochement, explique le spécialiste, un millier de soldats de la société de sécurité russe Wagner a débarqué au Mali. Et il était inacceptable pour les Français de devoir cohabiter avec ces ‘’mercenaires sans foi ni loi’’.

Les choses se sont ensuite accélérées.

Le gouvernement du Mali a expulsé des soldats danois qui venaient d’arriver pour épauler Barkhane. Puis c’est l’ambassadeur de France qui a été renvoyé, et à travers lui, reconnait Nicolas POINCARE, c’est bien la France qui était mise à la porte. Ainsi, le maintien de la présence militaire française était devenu impossible dans ce pays.

Quand François Hollande était acclamé à Tombouctou

Que restera-t-il de cette intervention ? S’interrogé Nicolas POINCARE à l’aube de cette intervention française au Mali.

Pour lui, il restera le souvenir des succès des premiers temps.

En 2013, le Mali avait fait appel à l’aide à la France parce que ‘deux colonnes djihadistes’’ faisaient route vers la capitale.

La France avait répondu à cet appel dans la minute et l’armée française était intervenue de manière extraordinairement rapidement. Elle avait bloqué cette colonne puis libéré les grandes villes du désert qui étaient occupées par des groupes islamistes radicaux.

François Hollande s’était rendu à Tombouctou. Il avait été acclamé et avait parlé du plus beau jour de sa vie.

Seulement, le plus dur était à venir. Il s’agissait de contrôler un territoire grand comme l’Europe. Une guerre ingagnable. Les Français ont connu des succès. Ils ont éliminé les principaux chefs des deux grands groupes terroristes, Al Qaïda et l’Etat islamique. Mais ces chefs ont été remplacés. Les jihadistes ont gagné du terrain. Ils ont commis des massacres et les opinions publiques se sont retournées.

Le Sahel comme l’Afghanistan

Au terme de son bilan sur cette opération française au Sahel qui ne peut avoir une autre appellation qu’un échec cuisant, Nicolas POINCARE fait une comparaison entre la mésaventure des Française au Sahel et celle des Américains en Afghanistan.

Pour lui, la première similitude est que les Français qui étaient arrivés en libérateurs au Mali sont devenus progressivement des occupants. Un peu comme les Américains en Afghanistan.

Deuxième point commun, les Américains avaient essayé pendant 20 ans de former l’armée afghane et ça n’a pas marché. Les Français ont fait pareil au Mali pendant 9 ans en essayant de ‘’former l’armée malienne’’. Et ça n’a pas marché non plus.

Le troisième point commun, les Américains en Afghanistan ont espéré pendant des années partager le fardeau avec leurs alliés de l’Otan, mais à la fin ils se sont retrouvés seuls. Pareil ou presque pour la France au Mali.

Emmanuel Macron avait un projet très ambitieux : rassembler au Mali l’élite de toutes les armées européennes.

La force Takuba, composée uniquement des forces spéciales. Une sorte de laboratoire de ce que pourrait être une future armée européenne de choc. Sauf que les Européens ont presque tous trainé des pieds, à part les Tchèques, les Norvégiens ou les Estoniens qui ont envoyé quelques centaines de d’hommes.

Loin des 2 000 soldats d’élites qui étaient attendus. La France n’a pas réussi à créer une large coalition autour d’elle.

La France, artisan de son

propre échec

De notre part, nous estimons qu’à la différence des Américains qui ont rencontré une résistance farouche des talibans, la France ne peut que s’en prendre à elle-même dans le cas du Mali.

Car de nos analyses, deux faits expliquent essentiellement l’échec de l’armée française au Mali, à savoir : la création de l’enclave de Kidal ; et la remise en selle du MNLA qui avait qui avait chassée hors des frontières maliennes par les groupes djihadistes.

Pour les spécialistes, il serait tentant de penser que les tensions qui déchirent depuis l’été les alliés français et maliens tiendraient seulement à l’éventualité d’une ingérence russe.

L’arrivée possible de mercenaires du Groupe Wagner crispe certes les parties, Paris la qualifiant d’«incompatible» avec la présence des troupes françaises de Barkhane tandis que Bamako joue sur sa «souveraineté».

Mais derrière ces mots éclatent en fait au grand jour une mésentente bien plus ancienne, un hiatus qui date des premiers mois de l’intervention Serval au Mali: le statut de Kidal, «capitale» des rebelles Touaregs avec lesquels les relations, où se mêlent commerces et trafics, dialogues et guerres, sont furieusement complexes depuis des siècles.

Au Mali, le sentiment de frustration est lié à la conviction que la France a un agenda caché dans le nord, plus particulièrement à Kidal.

Aux yeux de beaucoup de Maliens, si la grande puissance militaire qu’est la France ne vient pas à bout d’une rébellion, c’est seulement qu’elle ne le veut pas.

L’origine du désaccord

Le désaccord entre Paris et Bamako commence en janvier 2013, à l’aube de l’opération Serval (l’ancêtre de Barkhane) menée par les forces françaises. La France a lancé une guerre éclair contre les groupes jihadistes.

La descente vers le sud de Iyad Ag Ghaly, alors chef d’al-Qaïda au Maghreb islamique (devenu le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) et ses hommes est très vite stoppée.

Les régions de Gao et de Tombouctou sont regagnées. Mais malgré les succès, une opposition entre Paris et Bamako va très vite se dessiner.

Au centre des dissensions : le rôle que doit jouer le MNLA. C’est bien ce conflit que réactive aujourd’hui Choguel Maïga.

Dès les premières victoires françaises, les rebelles du MNLA offrent leur aide à Paris. N’est-ce pas une occasion de prendre une revanche contre les jihadistes qui les ont expulsés du Nord-Mali neuf mois plus tôt ?

Cette alliance déplaît tant au pouvoir qu’à l’opinion malienne, mais Paris la scelle.

« Cela a été une erreur stratégique de la part de la France. Cela témoigne d’une méconnaissance des relations entre les communautés touaregs et les autorités centrales », analyse Niagalé Bagayoko.

La France apporte alors son soutien logistique et opérationnel aux combattants du MNLA et leur permet ainsi de reprendre Kidal.

Le mouvement s’installe dans la ville et interdit aux FAMa d’y entrer. Avec l’accord de la France, un morceau de territoire échappe au pouvoir central.

Dans un entretien qu’il nous a accordé à ‘’Jeune Afrique’’ le 17 octobre, le Premier ministre Choguel Kokalla MAÏGA a porté des mots accusateurs envers la France, qu’il tient pour responsable de l’instabilité dans notre pays.

« La situation dans le centre du Mali est la conséquence directe de la manière dont a été gérée la rébellion. La faute originelle est d’avoir créé une enclave au nord du Mali au sein de laquelle des terroristes se sont organisés pendant des années », dénonce Choguel.

Il dit sans détour que « la France a créé une enclave gérée par la rébellion du Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA], à Kidal.

Ainsi, quand l’opération Serval est intervenue en 2013, les chefs terroristes Amadou Koufa, Iyad Ag Ghali et leurs talibés ont pris la route vers Kidal. Pourquoi la France ne les a pas bombardés ?

De l’avis des spécialistes cette enclave de fait à contribuer à affaiblir durablement l’autorité de l’Etat, d’abord au nord, puis dans le reste du pays ouvrant la voie au djihadiste d’étendre leur influence sur les 2/3 du territoire.

Par Abdoulaye OUATTARA

Source : Info-Matin

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