Plus qu’une question de nécessité que de luxe, l’accès à l’électricité constitue un défi majeur pour le développement de l’industrialisation, gage de la stabilité économique du Mali. La solution réside dans la recherche et l’adoption de mécanismes pour assurer une indépendance énergétique vis-à-vis des fournisseurs étrangers. Telle est la vision responsable et ambitieuse du département de tutelle pour circonscrire définitivement les délestages électriques.
Depuis une quinzaine d’années, les délestages électriques et la dépendance énergétique sont de plus en plus récurrentes, malgré des efforts énormes de l’Etat pour satisfaire la demande publique et soulager les citoyens, surtout en période de chaleur. Les innombrables critiques contre non seulement le département en charge de l’Energie, mais aussi à l’encontre de la direction de EDM-sa en disent long sur les conséquences de cette dépendance récurrente. Face à l’exigence persistante des populations, les autorités de la transition optent pour la stratégie d’autonomisation énergétique, rentable et durable. Ainsi, pour permettre à la société EDM-SA, endettée à plus de 180 milliards de FCFA, de se sortir de l’emprise des créanciers, le ministre Lamine Seydou Traoré a, depuis son arrivée aux affaires, entamé de vigoureuses actions pour instaurer une nouvelle gouvernance interne. Mieux, il a décrété la relance de la production électrique. La construction de la centrale thermique de 100 MW fonctionnant au fuel lourd (HFO) et ses ouvrages d’évacuation à Sirakoro, ainsi que l’installation de deux centrales électriques mobiles dont l’une à Badalabougou et l’autre dans la cour de l’IER à Sotuba, participent à la matérialisation de cette volonté. Incompris et parfois victime de sa générosité et de son langage de vérité, le jeune ministre Traoré veille sur l’évolution de ces chantiers comme du lait sur le feu. Il y a une semaine, à la tête d’une forte délégation composée des membres de son cabinet, du DG de EDM-SA, Boubacar Diarra, du PCA Boubacar Kane et une équipe de de professionnels de la presse, Lamine Seydou Traoré a effectué une visite sur les lieux pour s’imprégner de visu l’état de réalisation des travaux. En effet, la nouvelle centrale de Sirakoro qui remplacera l’actuelle en état de vétusté très avancée, rentre dans le cadre du renforcement des moyens propres de production de la société EDM-SA, afin de pouvoir satisfaire la demande croissante en énergie électrique, conformément au Plan directeur des investissements optimaux du secteur 2016-2035. Le projet de construction de la nouvelle centrale de Sirakoro est identifié sous le code 2MLI1013 pour un coût total qui tourne autour de 60 milliards de FCFA. Le projet est financé par la Banque islamique de développement (BID) et le gouvernement malien. En effet, cet accord de financement dudit projet a été obtenu par le gouvernement auprès de la BID, dans le cadre d’une intervention d’urgence. Le marché de construction de la centrale et de ses ouvrages d’évacuation a été attribué à l’entreprise libanaise Matelec depuis le 19 mai 2021. Mais, selon le chef de l’unité de gestion du projet, Ousmane Coulibaly, les travaux de construction ont démarré en novembre 2020. Il a indiqué qu’à la date du 20 avril 2021, jour de visite du ministre Traoré, le taux d’exécution des travaux était de 45 % pour 33% du délai imparti. A en croire Coulibaly, si tous les engagements sont respectés, le chantier sera bouclé et achevé le 22 avril 2021.
Cette visite de sites symbolise la démarche participative du département des Mines, de l’Energie et de l’Eau au sein du gouvernement de transition. A ce titre, dès sa prise de fonction, le ministre Traoré a décliné les objectifs de son département sur deux variantes. D’abord, il s’agissait de mettre immédiatement des actions pour soulager les souffrances de la population malienne. La seconde variante consistait à travailler sur les solutions à long terme pour que demain soit meilleur qu’aujourd’hui, afin que ce qui a été par le passé ne se reproduise plus. La centrale de 100 MW de Sirakoro va ainsi permettre au Mali d’avoir son indépendance énergétique.
Le pire évité
C’est pourquoi la centrale mobile installée dans la cour de l’IER à Sotuba répond à ce besoin d’indépendance à court terme. Ainsi, pour éviter le pire, des dispositions immédiates ont été prises par EDM-SA pour prévenir la période de pointe, c’est-à-dire la période de forte chaleur. En effet, c’est un exploit de réussir en 4 mois la mise en place de cette centrale mobile. Sur ce site, il y a 20 groupes électrogènes pour garantir une capacité globale de 20MW, à raison de 1 MW par machine. Ce site, conjugué à celui de Badala qui fait également 20 MW, permet d’amortir le choc subi à travers la dépendance électrique. L’implantation de ces deux sites de production d’énergie thermique est la consécration de cette anticipation vis-à-vis des répercussions de la dépendance énergétique du pays voisin. Sans ces deux centrales mobiles, les répercussions de la défaillance de l’interconnexion ivoirienne seraient catastrophiques qu’on ne le croit.
Vers une délivrance
Après la tempête, c’est le beau temps, dit-on. Dans cette logique, pour assurer l’indépendance énergétique, des études ont révélé un investissement qui se chiffre à 2300 milliards, comme l’atteste le ministre Traoré. Selon lui, ce chiffre est réel et ne doit pas effrayer l’opinion. Le Mali ne se limite pas seulement qu’à Bamako. A 5 km de la capitale, des millions de braves femmes et hommes n’ont même pas accès à l’électricité à fortiori se plaindre de délestages. La dynamique dans laquelle s’inscrit la vision du patron du département en charge de l’Energie, c’est de travailler pour faire en sorte que l’électricité et l’eau puissent être un bien commun partagé par tous les Maliens. En cela, les actions sont inscrites pour éradiquer ce qu’on appelle la fracture énergétique de sorte que l’eau et l’électricité deviennent des outils de développement social et surtout de rapprochement entre tous les Maliens. Si la grande majorité des Maliens ne bénéficient pas des services sociaux de base, il serait difficile de connaitre ce que les uns et les autres souhaitent du Mali. A cet effet, les 2300 milliards annoncés se répartissent en 3 catégories. La première catégorie, c’est la tranche des 1400 milliards de fcfa qui doivent être apportés par les investisseurs privés dans le cadre du partenariat public privé. Ces investisseurs viendront investir et revendre l’électricité à EDM-SA à un prix très raisonnable, pour que celle-ci puisse à son tour satisfaire son obligation de fourniture de service public de l’électricité. La seconde tranche concerne la mobilisation de 400 milliards Fcfa qui ont déjà fait l’objet de négociations avec les partenaires techniques et financiers (PTF). Le restant des 500 milliards proviendra du budget national. Il ne s’agit pas d’avoir tout de suite tous ces fonds pour faire face au problème de délestage. Mais, c’est plutôt de les avoir à disposition dans le temps et la durée pour régler le problème du secteur de l’électricité de façon plus globale. C’est un plan qui va se dérouler sur 4 ou 5 ans. Une autre réalité qu’il faut admettre, c’est le fait que l’inquiétude demeure sur les choix faits par le passé, qui ont rendu le pays totalement dépendant de l’étranger. A ce niveau, le ministre a rassuré que des démarches seront entreprises auprès de ces pays voisins pour leur rappeler la nécessité de respecter leurs engagements contractuels vis-à-vis du Mali. Cette indépendance énergétique constitue une quête difficile, mais pas impossible. Le bout du tunnel n’est pas loin, mais il s’agit d’y croire et de continuer à agir pour y franchir, pour un Mali énergétiquement autosuffisant.
Jean Goïta
Source: La lettre du Peuple