choisi de raconter, en toute subjectivité, la tragédie des hommes, des femmes et des enfants pour donner à voir et à comprendre des larmes et des émotions des Gabérois, une partie de vous qui me lisez.
Silence, mon ventre pousse
Le 27 juin 2023 à Dagnabari, commune rurale de Gabéro (Gao), en cette journée ensoleillée où les Gabérois s’apprêtent à fêter la Tabaski, une attaque des spadassins de l’Etat islamique sème la désolation et la terreur : plus d’une quinzaine de morts et des scènes d’exécutions sommaires sans justification. La violence et les humiliations s’installent. Odieux ! Les survivants se mettent à l’abri à Gao. Pour combien de temps ?
A Bamako, certains restent taiseux, espérant une nomination qui ne viendra jamais. Une attitude que l’on nomme Goddolfutay en Songhay. D’autres tentent de consolider leurs infimes portions de pouvoir. Silence, je travaille, mon ventre pousse. Voilà une autre forme de violence, ce silence absurde qui règne à Bamako. Pauvre ville ! Mais, les rares voix libres sont cataloguées : tantôt traités d’opposants au régime de transition, tantôt qualifiés de suppôts de l’Occident. Comprenons-nous ! Ce qui se passe à Gabéro, comme partout au Mali, dépasse le seul cadre de nos stratégies personnelles de positionnement. L’attaque de Dagnabari met en lumière de graves difficultés de nos Etats à relever le défi sécuritaire.
Aujourd’hui, c’est Gabéro. Demain, ce sera votre tour
Comme l’a bien relaté l’Association des Ressortissants de Gabéro dans son communiqué de la semaine dernière, ce qui se joue dans ces scènes macabres à Gabéro, c’est la destruction de nos modes de vie et de pensées, nos « identités », nos territoires, notre être. Lorsque que nos cousins, nos frères, nos neveux et nos nièces sont égorgés devant nous, que restera-t-il de nos existences ? Lorsqu’une sœur ou un frère est enlevé que restera-t-il de notre fraternité ? Sur les ruines de ces lugubres scènes, phosphore l’idéologie des groupes narcoterroristes dont l’alpha et l’oméga demeure la soumission. Ni les promesses de paix et de sécurité, ni les discours patriotiques, ni les Russes ne sont encore venus à bout de ces drames. Hélas ! Désormais, sur les rives du fleuve Niger, sous nos pieds, un autre enfer s’allume, comme il a été allumé en 2022 à Talataï, Tessit ou N’Tillit. Quels désespoirs ! Aujourd’hui, c’est Gabéro. Demain, ce sera le tour de vous qui me lisez. Ne faites pas un tir de barrage ! Les blessures sont profondes. Le sentiment d’impéritie de la classe dirigeante grandit.
L’âme du pays
Chers lecteurs, la seule interjection (c’est dommage !) ne suffit plus. C’est le moment de nous remettre en question et d’agir pour sauver le Mali. Ne tournons pas le dos à nos frères et sœurs de l’arrière-pays. Ils sont l’âme du pays. Certes, la sécurisation et la protection des sites militaires est primordiale. Mais celles des populations le sont tout autant. Aujourd’hui, le sentiment dominant des populations victimes du narcoterrorisme est l’abandon par l’exécutif. Certains analystes y voient même un désintéressement de l’exécutif vis-à-vis des populations sous emprise narcoterroriste. Ce qui d’ailleurs menacera l’équilibre de notre unité. Face à ces enjeux, il est plus qu’urgent de construire un plan de maitrise sécuritaire qui intègre aussi bien la sécurisation et la protection des sites militaires que celles des populations. Comme le propose la Fédération des organisations de résistance civile de Gao (FORC-G), « l’installation de postes militaires avancés » dans la région permettra aux FAma d’être dissuasives et plus proches des populations. En plus des stratégies militaires propres aux Fama, il n’est pas inutile d’élaborer une feuille de route sécuritaire impliquant l’ensemble des forces vives des zones en tension.
Justice pour Gabéro !
Gouverner, ce n’est pas seulement prévoir, mais c’est aussi remettre de l’ordre chez soi en remettant au cœur des préoccupations l’humain et l’unité. En attendant, tous les Maliens doivent manifester leur solidarité à l’égard des victimes du narcoterrorisme. Par exemple, nous devons tous sortir et faire une marche de révolte contre la flambée de violence à Gabéro et dans le reste du pays. Levons-nous contre l’impunité, et invitons l’exécutif à agir. Justice pour Gabéro !
Faisons-en sorte que la violence ne l’emporte pas sur la paix.
Mohamed Amara
Sociologue
Source : Mali Tribune