Annoncé comme le successeur de Nelson Mandela dans les années 1990, Cyril Ramaphosa, syndicaliste devenu homme d’affaires à succès, n’a jamais été si proche de concrétiser son rêve : diriger l’Afrique du Sud.
Il apparaît aujourd’hui comme le nouvel homme fort de l’Afrique du Sud. Depuis que Jacob Zuma est poussé vers la sortie, Cyril Ramaphosa, président du Congrès national africain (ANC), est pressenti pour le remplacer. À 65 ans, il est sur le point d’accéder à la tête du pays. C’est d’ailleurs ce que souhaitait Nelson Mandela dans les années 90, lui qui qualifiait le secrétaire général de l’ANC de l’époque d’homme “le plus doué de sa génération” et voyait en lui le futur dirigeant du pays. Mais le parti lui a finalement préféré Thabo Mbeki, président du parti de 1997 à 2007 et de l’Afrique du Sud de 1999 à 2008.
L’échec a été rude pour le jeune de Soweto qui, sur les bancs de l’école, affirmait déjà vouloir devenir président. Déterminé comme jamais à prendre sa revanche, celui qui est désormais à la tête de l’ANC depuis décembre 2017 a misé sur son passé de “héros” de la lutte anti-apartheid pour revenir sur le devant de la scène.
À l’époque où le Mouvement de la Conscience noire de Steve Biko se propage sur tous les campus universitaires ségrégués d’Afrique du Sud, l’étudiant en droit se forge une conscience politique et devient un militant de la première heure contre les inégalités sociales et raciales. En 1982, Cyril Ramaphosa fonde le Syndicat national des mineurs (SMM), qui compte rapidement dans ses rangs quelque 30 000 hommes, devenant le mouvement de mineurs le plus important du pays. Il participe, cinq ans plus tard, à la grande grève du secteur qui fait vaciller le régime de l’Apartheid. Un investissement qui lui vaut d’être repéré par les dirigeants de l’ANC.
En février 1990, il a œuvré pour la libération de Nelson Mandela et s’est rapidement hissé comme l’une des figures clé des négociations avec l’ancien régime. En avril 1994, fraîchement élu secrétaire général de l’ANC, il mène le pays vers ses premières élections nationales non raciales, avant d’être élu président de l’Assemblée constituante.
“C’est la politique qui fait battre son cœur”
Mais sa route vers le pouvoir a aussi été semée d’embûches. Une fois la Constitution adoptée en 1996, le socialiste convaincu a été désavoué par les caciques du parti, qui un an plus tard lui préfèrent Thabo Mbeki pour la présidence du parti.
Après cette défaite, Cyril Ramaphosa a observé une longue période de disette politique, au cours de laquelle il s’est lancé avec succès dans les affaires. Il a créé une holding, Sandhuka, pour investir dans les mines, l’immobilier mais aussi les chaînes McDonald’s et Coca-Cola. D’après le magazine Forbes, en 2015, sa fortune personnelle s’élevait à environ 410 millions d’euros.
L’homme d’affaires, qui n’a jamais quitté l’ANC, n’était toutefois pas totalement comblé. “C’est la politique qui fait battre son cœur. Ses affaires étaient un moyen, pas une fin en soi”, expliquait son ancien partenaire Michael Spicer à Ray Hartley, l’auteur de la biographie “Ramaphosa, l’homme qui voudrait être roi”.
Début 2012, Cyril Ramaphosa a obtenu les faveurs du président Jacob Zuma, devenant vice-président du parti aux dépens de Julius Malema. Si pendant cinq ans, il a pris soin de protéger Jacob Zuma, éclaboussé par divers scandales, afin de maintenir une cohésion au sein du parti, il promet aujourd’hui de tourner définitivement la page.
“Un nouveau départ”
“Alors que nous émergeons d’une période de troubles, une période de division et de discorde, l’année du centenaire de Nelson Mandela nous offre ce que j’appelle un nouveau départ”, affirmait Cyril Ramaphosa le 11 février dernier, au Cap, à l’endroit même où l’idole de la nation a prononcé son discours après sa sortie de prison.
Objectif : parfaire sa stature de présidentiable en vue des élections de 2019. Seule ombre au tableau : le massacre de 34 grévistes par la police en août 2012 dans une compagnie minière de platine, Lonmin, dans laquelle il détenait des parts. Il sera finalement blanchi par une commission d’enquête et présentera ses excuses en 2017 pour son rôle dans ce drame, mais ses détracteurs ne manquent pas de rappeler cet épisode.
Désormais, il espère “renouer avec la population sud-africaine et remettre l’ANC sur pied”, estime Cécile Perrot, chercheuse à l’Université Paris Descartes. “La gestion du parti en matière d’éducation et de logement a été mauvaise”, précise-t-elle.
Pour cela, Cyril Ramaphosa, issu de la minorité Venda, doit encore gommer les divisions au sein de l’ANC, où la majorité zouloue de Jacob Zuma, est bien décidée à ne pas lâcher le pouvoir, explique la spécialiste : “S’ils ont perdu leur leader, ils veulent continuer à faire entendre leur voix”.