Dans la capitale des «engins à deux roues», le vélo est au centre de toutes les manifestations. Chaque famille a au moins un vélo et tout le monde, hommes et femmes, commence à pédaler dès le bas âge
Comme le football au Brésil, le cyclisme est bien plus qu’un sport dans le Ganadougou. Pour les Ganas, comme on appelle la population de la zone, le vélo constitue surtout un ciment social fort. à Niéna, N’Tiola, Blédio pour ne citer que ces quelques localités, le vélo rassemble et fait la fierté des gens, tous âges et toutes couches confondues. Quand une course cycliste se déroule dans le Ganadougou, tout s’arrête. Dans les familles, les «grins», à l’école ou encore sur les lieux de travail, tout le monde se concentre sur le sujet. Qu’est-ce qui explique cette passion des Ganas pour le vélo ? Quelle place occupe-le vélo dans la vie des populations de cette zone ? Un petit rappel sur les origines du vélo s’impose pour comprendre l’histoire d’amour entre le Ganadougou et cet engin à deux roues. Il y a plus de deux siècles, une drôle de machine faisait son apparition dans le monde et allait bouleverser le secteur des transports. On s’asseyait à califourchon sur cet engin étrange, avec les pieds qui touchent par terre. Les mains reposaient sur un «timon conducteur», appelé plus tard «guidon». Cette machine inaugurée, il y a deux cents ans, n’est autre que la «draisienne», ancêtre du vélo. Depuis cette époque, la bicyclette a évolué, dans sa forme, son aérodynamisme et les matériaux qui la composent. Mais son succès ne se dément pas au fil du temps.
Au Mali, l’utilisation de ce moyen de transport s’est développé rapidement dans la Région de Sikasso, en raison de la proximité de cette zone avec la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. «Avec la proximité de la Côte d’Ivoire, il y’avait des trafiquants qui allaient à Abidjan à vélo pour prendre des marchandises. Il y avait aussi le Burkina Faso, où tout le monde utilise le vélo», explique le président de la Fédération malienne de cyclisme (FMC), Amadou Togola. «Je me rappelle, pendant notre enfance, nous faisions 21 kms de vélo tous les jours pour aller à l’école à Nièna. Au début, le vélo était un moyen de transport pour les Ganas, mais aujourd’hui il fait partie de la culture locale», souligne le premier responsable de la FMC. Et d’ajouter : «Si une course cycliste se déroule dans le Ganadougou en même temps qu’un match de football opposant les deux meilleures équipes du pays, les populations iront infailliblement du côté des coureurs. Aujourd’hui, le vélo occupe une place très importante dans la vie des Ganas. Les gens se sentent toujours frustrés, quand une fête est organisée sans course de vélo». Ce n’est pas pour rien, insistera Amadou Togola, que depuis une trentaine d’années, le Ganadougou abrite régulièrement les compétitions nationales majeures, à savoir le Tour du Mali, le championnat national et les Grands prix.
-TOUT UN SPECTACLE-L’amour et la pratique du vélo à Sikasso ont favorisé l’émergence de sports comme le cyclisme. Les caravanes du Tour du Mali reçoivent toujours un bel accueil de la part des populations des localités traversées. En plus du Tour du Mali, d’autres compétions de vélo sont organisées à travers le pays, dont le championnat national de cyclisme et les Grands prix. Moussa Diarra, un grand passionné du vélo, ne rate aucune compétition d’envergure de l’instance dirigeante du cyclisme national. Il raconte qu’il y a encore quelques années, les courses cyclistes étaient toujours accompagnées de séances de démonstration de vélo. «Quand il y avait course, se souvient-il, tout le monde y trouvait son compte : les coureurs, les spectateurs, les réparateurs de vélos, les commerçants etc.. Si mes souvenirs sont bons, il y avait un homme qui s’appelait Bouramablé qui faisait des exhibitions avec 5, voire 6 enfants sur le même vélo. C’était vraiment un régal». à l’époque, ajoute Moussa Diarra, les cyclistes qui dominaient la discipline au plan national avaient pour noms : Loky Diallo, Adama Bagayoko (actuel sélectionneur de l’équipe nationale, ndlr), Salia Diarra alias «Okocha». Selon Moussa Diarra, il y avait des autocollants et des photos de stars sur presque tous les vélos. Les photos de Bob Marley, Alpha Blondy, Jimmy Cliff, Pelé et Maradona étaient les plus prisées et chacun faisait en sorte que son vélo soit le plus beau, le jour de la course, raconte Moussa Diarra. L’usage du vélo a pris diverses formes chez les «Ganas». C’est sur ce moyen de locomotion que le petit garçon ou la petite fille part à l’école, dans les zones urbaines comme rurales. Les enfants qui se déplacent à vélo pour aller à l’école sont nombreux. Cet usage est encore indispensable dans les zones rurales du Mali. Les élèves peuvent parcourir plusieurs km pour rejoindre leurs écoles, au primaire comme au secondaire. Pour ces enfants, le vélo est devenu le moyen de déplacement le plus adapté. Et surtout le plus disponible car moins cher et plus facile à entretenir. «Tous les natifs de Nièna et des villages environnants, ont une histoire avec le vélo. C’est notre moyen de déplacement par excellence. On va au champ à vélo, on transporte du bois avec le vélo, pendant la saison sèche on fait le commerce ambulant, bref hommes et femmes utilisent le vélo dans toutes les activités», souligne Seydou Diallo un natif du Ganadougou et grand passionné du cyclisme.
Le vélo occupe une place primordiale dans la vie des populations du Ganadougou. Dans toutes les familles, il y a au moins un vélo et c’est pour cette raison que Ganadougou a été baptisé «capitale des engins à deux roues», insiste Seydou Diallo. Sidiki Togola, un autre natif du Ganadougou raconte : «Dans les années 80 à 90, tous les parents choisissaient le vélo comme cadeau pour les enfants qui travaillaient bien à l’école. Et quand un enfant recevait ce cadeau, il était envié par tous ses camarades». Le vélo peut également servir à faire du sport, donc aider à entretenir la santé de l’homme. Selon le Dr Abdoulaye Dembélé, médecin sportif qui travaille avec la Fédération malienne de cyclisme depuis plusieurs années, «faire du vélo peut aider à lutter contre les accidents cardio-vasculaires et l’obésité. On peut faire le vélo à tous âges. Aussi, la pratique cycliste apaise la ville, préserve l’environnement et améliore la qualité de vie de tous», ajoute Dr Traoré.
Seïbou S. KAMISSOKO
Source : L’ESSOR