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Crises à étages au Mali : les fourchettes du diable

Le drame malien plonge ses racines dans les politiques d’austérité, les ambiguïtés algériennes, la françafrique, le narcotrafic  devenu la sève  nourricière des djihadistes et les luttes d’influence entre puissances.

Le pays est sorti ruinée d’une longue dictature, plombant ses capacités de reprendre rapidement  son envol. Moussa Traoré, qui doit son fauteuil à la France, a laissé une ardoise faramineuse de 3 milliards d’euros, soit près de 60% des recettes fiscales englouties par le service de la dette au Fonds monétaire international (FMI), aggravant  du coup une pauvreté rampante et un développement inégalitaire des régions. Ainsi pris la gorge, le Mali a quelque peu humé l’air frais suite à l’annulation par le G8 de la moitié de sa dette. Le mal était fait.

Le bistouri des médecins des économies malades  (Banque mondiale et FMI) était souillé. Le Mali transformé en cobaye souffrait de nouveaux malaises qui ont pour noms : l’exode rural, émigration, perte de souveraineté alimentaire. Le pays en est réduit à importer trois quarts de ses besoins alimentaires. Le prix des céréales a grimpé, amenuisant davantage le pouvoir d’achat des populations déjà faible.

« Ventre affamé n’a point d’oreille », cet adage a trouvé sa manifestation concrète dans le déclenchement des rebellions touarègues, celle de 1990, la deuxième du genre, puis 2006 et 2009, la dernière en date qui a vu le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) servir de porte-avions au Groupe islamique armé(GIA) et Groupe salafiste pour la prédication et le combat(GSPC )algériens qui se sont emparés de Kidal et Ménaka. Des djihadistes se sont engouffrés dans la brèche, notamment Al-Qaïda au Maghreb islamique né des cendres fumantes du GSPC. Conséquences : le trafic d’armes et de drogue gagne du terrain. En témoigne la saisie en 2008 par les forces maliennes de 750 kilos de cocaïne. L’année suivante, un Boeing 727 bourré de cocaïne s’écrase suite à l’échec de son redécollage en plein désert. Avec un équipage constitué de nigérians, l’avion enregistré en Guinée Bissau, a effectué plusieurs vols entre le Mexique, la Colombie  et le Venezuela et l’Afrique de l’ouest devenue la plaque tournante du trafic vers l’Europe.

Algériens saoudiens et qataris

Tous ont trempé leur pain dans le lait malien. D’abord les généraux ont fait du Mali un terrain favori de jeu, d’influence. Iyad Ag Ghali est apparu comme une marionnette, serviable et corvéable à merci. En outre,  d’obscurs saoudiens et qataris ont apporté des appuis financiers conséquents aux djihadistes. Au vu et au su des Etats-Unis et de la France qui n’ont nullement l’intention de froisser, de choquer leurs alliés stratégiques – l’Arabie saoudite et le Qatar-dans leur lutte implacable contre le régime syrien qualifié de despotique. En fait, l’illusion est née, puis grandie qu’un coup de bambou donnée à la vision wahhabite de l’islam allait élargir le champ de la démocratie à la sauce musulmane, donner des coups de varlope à la corruption ambiante qui a plombé le développement de plusieurs pays.

Ni Apha Oumar Konaré, ni Amadou Toumani Touré, encore moins Ibrahim Boubacar Keïta n’ont pu vaincre l’hydre. En 2011, le Mali était classé mauvais élève d’après le rapport de l’organisation non gouvernementale Transparency international, 118ème place sur 184 pays auscultés pour l’indice de perception de la corruption,  soit un recul de 22 places.

Konaré a tenté d’enter dans les bonnes grâces de Kadhafi en lui ouvrant grand les portes divers secteurs de l’économie nationale  afin qu’il mette fin à ses velléités guerrières, de soutien aux séparatistes touaregs. La Société nationale de tabac et allumettes du Mali (SONATAM) est tombée dans son escarcelle, la société Malibya  Agriculture a discrètement acheté40.000 ha le long du fleuve Niger.

Champ clos de rivalités

Le Mali pâtit des luttes d’influences engagées entre différents Etats. En plus de l’Algérie,  de la Libye sous Mouammar Kadhafi,  de la France depuis l’ère coloniale, les Etats-Unis et la Chine aspirent faire la course en tête dans l’accaparement des richesses minières maliennes. Ils ont dû renifler la forte odeur d’uranium et de diamant, de pétrole et de gaz dont regorge le sous-sol malien. A partir de ce territoire, la France garde un bon œil sur le Niger voisin où Ereva- un de ses fleurons industriels- sous la protection de ses forces spéciales, exploite de l’uranium.

En somme, pour dîner avec le diable, il faut avoir des fourchettes longues au cas où…Trop faible, le Mali n’en dispose pas. Loisible donc aux autres de faire usage des leurs. C’est à cela que nous assistons.

Yattara Ibrahim

Source: L’Informateur

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