Washington ne veut plus du Tchadien Mahamat Saleh Annadif à la tête de la Minusma, Mission onusienne pour la stabilisation du Mali. Le site Africa Intelligence (AI) soutient, à ce propos, que les Etats-Unis tentent depuis plusieurs semaines d’imposer son propre candidat à la tête de la mission.
Il s’agit de David Gressly, actuel n°2 de la Monusco, la Mission de l’ONU en République démocratique du Congo (RDC). Le diplomate américain, rappelle la même source, est « un familier des arcanes onusiennes et du contexte malien ». Avant de rejoindre la Monusco, David Gressly était à la tête du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) au Mali.
Africa Intelligence estime que «si un départ de Mahamat Saleh Annadif, ancien ministre des Affaires étrangères tchadien et RSSG au Mali depuis 2015, semble quasi acté, le nom de son potentiel successeur fait (par contre) l’objet d’intenses tractations ».
La raison ? Il ne ferait pas l’unanimité au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Comme il fallait s’y attendre, les plus grands opposants à l’option américaine sont les Français, qui ne cacheraient pas leurs réserves sur David Gressly et plaideraient, selon AI, pour une candidature africaine.
Africa Intelligence révèle que « l’autre front diplomatique sur lequel s’écharpent Washington et Paris est celui du texte de la résolution du renouvellement de mandat de la Minusma ». « Les négociations commencées il y a une dizaine de jours se déroulent dans un climat pour le moins tendu », indique AI, qui ajoute que « les diplomates américains souhaitent que la résolution mentionne une ‘‘échéance de retrait’’ à trois ans ».
En d’autres termes, précise la même source, « Washington entend introduire de façon inédite un plan de désengagement graduel de la mission onusienne ». Une demande à laquelle Paris, qui assure la rédaction de la résolution, est jusqu’à maintenant très fermement opposée.
Sur le plan opérationnel, ajoute Africa Intelligence, « Washington se montre tout aussi intransigeant et affiche une vive opposition à la descente des soldats de la Minusma dans le centre du Mali ». « Le mandat initial de l’opération de l’ONU se limite théoriquement au nord du pays mais, face à la dégradation de la situation sécuritaire dans le centre malien, la France plaide depuis plusieurs mois au Conseil de sécurité pour un déploiement partiel dans le centre », indique Africa Intelligence. Washington reste très sceptique aussi sur les mécanismes de coordination existants entre la Minusma et le G5 Sahel, que les Etats-Unis ne soutiennent que du bout des lèvres. Washington s’est, rappelle-t-on, opposé au financement de la force du G5 Sahel par l’ONU.
Ayant fait campagne contre les budgets « exorbitants » des opérations de maintien de la paix des Nations unies, Donald Trump s’efforce de mettre cette mesure en pratique.
Selon toujours Africa Intelligence, son équipe diplomatique devrait ainsi plaider pour un retrait d’un millier de Casques bleus sur les 11 200 que compte la Minusma. Un point sur lequel Paris n’est pas d’accord aussi. Un récent rapport de mission du département d’Etat au Mali n’a pas été tendre vis-à-vis de la Minusma, fustigeant notamment les coûts de fonctionnement de la mission de l’ONU pour des résultats jugés limités.
Ce qui n’est pas complètement faux. Washington espère ainsi pouvoir obtenir une baisse de 10% du budget de la mission, actuellement estimé à 1,2 milliard de dollars.
Réplique Citoyenne à la note trimestrielle de la Division des Droits de l’homme de la MINUSMA
Dans sa note trimestrielle, la Division des droits de l’homme de la MINUSMA affirme avoir relevé une « multiplication des exécutions extrajudiciaires (101 victimes) » qui sont « imputables » à l’armée malienne, entre le 1er janvier et le 31 mars 2020.
Elle a aussi indiqué trente-deux cas de disparitions forcées, 32 cas de tortures ou traitement cruel inhumain ou dégradant, ainsi que 115 arrestations arbitraires, tous « imputables » aux forces de sécurité maliennes. Elle affirme que tous ces crimes sont documentés en ce sens qu’elle dispose des noms des victimes et connait les circonstances dans lesquelles ces exactions ont été commises. Selon la note de la MINUSMA ces violations des droits de l’homme ont été commises au centre du pays qu’elle qualifie d’épicentre des violences dans le conflit malien.
La MINUSMA a également relevé « une multiplication des attaques armées entre les membres des communautés peule et dogon » en indiquant que 35 attaques ont été documentées en 3 mois et qui ont fait 180 morts.
La MINUSMA souligne également que « les groupes djihadistes évoluant au Mali se sont rendus coupables, outres d’attaques contre des camps militaires qui ont fait des dizaines de morts, 39 meurtres, 46 enlèvements et 18 cas de torture entre le 1er janvier et le 31 mars 2020 ». Selon cette note trimestrielle de l’ONU, ces groupes « sont de plus en plus responsables » de violation des droits de l’homme.
A la lumière de cette note trimestrielle de l’ONU, il ressort l’omission des droits fondamentaux de la République ainsi que les obligations nationales et la souveraineté territoriale du Mali. En effet l’Etat est une personne morale de droit public qui bénéficie au même titre que des personnes physiques des mêmes droits fondamentaux.
Depuis 2012 la souveraineté territoriale de l’Etat malien est atteinte. C’est dans ce cadre que l’ONU a initié en rapport avec les autorités maliennes la mise en place d’une mission de stabilisation. Des forces onusiennes ont ainsi été mises en place dans le but d’aider les autorités maliennes à la stabilisation. A lire la note trimestrielle de l’ONU on peut se rendre compte des résultats négatifs du mécanisme mis en place par l’ONU du fait des turpitudes de la Communauté internationale dans l’exercice de sa mission.
Pour le malien lambda, la Communauté Internationale doit déployer toute son énergie pour permettre le retour à la vie normale dont la libération des zones territoriales qui échappent à la compétence du Gouvernement malien. L’absence d’engagement de la Communauté Internationale dans cette voie alors que les attaques meurtrières, les exactions contre les populations civiles, les violations graves des droits de l’homme et des conventions internationales se multiplient, il est dès lors devenu impératif pour le Gouvernement du Mali de prendre ses responsabilités au bénéfice des citoyens et de l’Etat maliens.
La protection des biens et des personnes sur le territoire national relève au premier chef au Gouvernement qui ne peut s’extirper de cette compétence. L’exercice de cette compétence de sauvegarder et de défendre l’intégrité territoriale est une exigence pour le Gouvernement et le droit international public ainsi que la charte des nations unies ne s’opposent aucunement à ce principe. La défaillance de l’Etat dans l’accomplissement de cette mission serait plutôt une faute voire une infraction constitutionnelle.
Du moment où l’ONU elle-même constate la gravité de la situation sécuritaire au centre et au nord, en place et lieu des critiques à l’endroit des forces armées maliennes, la Communauté Internationale aurait dû renforcer davantage le système sécuritaire mis en place par le Gouvernement malien et se décider enfin à s’engager pour la fin de l’occupation du territoire du Mali.
Les maliens s’attendent à la diffusion des enquêtes onusiennes sur les attaques d’Agelhoc, Dogossagou1 et 2, de Moundoro et autres et de voir trainer devant la Cour Pénale Internationale les auteurs et les complices de ces crimes graves. Les maliens souhaitent voir l’ONU rechercher les complices des groupes armés et des groupes djihadistes qui violent depuis des années des règles et des principes du droit international public.
Les maliens seront heureux de la création d’une juridiction pénale spéciale en vue de juger les auteurs et les complices des attaques meurtrières, des exactions et des violations graves des droits de l’homme et des conventions dans les zones sahélo-sahéliennes. La prise en compte des droits fondamentaux de la République et des crimes graves qui sont commis chaque jour contre celle-ci est une exigence de l’analyse et qui a été omise dans la note trimestrielle de l’ONU. Ce point est la clé du sujet.
L’ONU est attendue sur ces points. L’armée malienne a l’obligation constitutionnelle de poursuivre son travail dont la défense et la sauvegarde de l’intégrité territoriale du Mali. Aujourd’hui il est hasardeux de vouloir déstabiliser les forces armées maliennes qui sont au même niveau de logiques et de réflexions avec les citoyens. Il est donc fortement risqué de s’attaquer aux Forces Armées Maliennes. La libération du territoire national et la reconnaissance de la compétence du Gouvernement du Mali sur toute l’étendue du territoire constituent la solution qui vaille et qui s’impose.
Bamako le 02 mai 2020
Mamady SISSOKO
Docteur d’Etat en droit
Source: 22 Septembre