La sortie sur l’ORTM de Mme la ministre de l’énergie, Bintou Camara, a levé un voile sur l’abysse de la mal-gouvernance de la nationale de l’énergie qui bénéficie pourtant apparemment des égards du gouvernement à la fois en termes de subventions et d’injection d’argent liquide. Malgré tout, la situation s’empire. Les délestages sont désormais de vraies coupures de dix à 20 heures selon les endroits dans une résilience populaire citadine incroyable sans aucun espoir proche pour les zones rurales.
Pourquoi attend-on toujours que la situation pourrisse avant de penser donner des explications aux populations ? Nos dirigeants sont-ils exempts de leur devoir de redevabilité pour choisir eux-mêmes quand et comment s’expliquer sur ce qui nous concerne ? Pourquoi les médias traditionnels ne laissent-ils la latitude qu’aux réseaux sociaux de nous «informer» ? Avec Energie du Mali (EDM-SA), la situation est d’autant incompréhensible qu’elle dure depuis au moins trois à quatre décennies. La soi-disant «privatisation» n’ayant été encore qu’une parenthèse malheureuse entre 2000 et 2005. Avec la séparation en janvier 2011 de ses activités «eau et électricité», la situation de la société n’a pas cessé de s’empirer à cause, dit-bien la ministre de l’Energie, de la «mauvaise gouvernance».
Cela fait des mois que Bamako est par moment dans le black-out énergétique selon un programme anarchique de délestage sauvage de la ville. «J’en suis moi-même victime car je suis souvent coupé pendant deux jours», souligne la ministre qui a tenu a présenté ses excuses aux Maliens. Une population résiliente subit journellement le manque de courant électrique pour ses activités. Tout est ou avait été presque dit sur ce qui se passe au niveau de cette boîte.
La sortie de la ministre sur les antennes de l’ORTM a servi à officialiser les récriminations et donner l’étendue inimaginable ainsi que la cruauté d’individus sans scrupules agissant dans une impunité totale au vu et au su de tout le monde. Comment imaginer que, en quatre petits jours, plus de cinquante citernes, c’est-à-dire plus deux millions et demi de litres de gasoil puissent disparaître dans la ville de Bamako, entre le lieu de constat de la livraison et le lieu de dépotage ? Une citerne de carburant n’est pas comme une bouteille d’eau que l’on peut dissimuler dans une poche ni un sac à dos.
En quatre jours, ces individus ont empoché plus de 2 milliards de francs au prix unitaire du litre à 800 francs CFA. Si vous pouviez estimer les pertes économiques et sociales du manque de ce carburant détourné sur une population de 2 millions de personnes, on se rendra peut-être compte de l’étendue des dommages. Pourtant, toutes ces bonnes personnes sont de «bons» croyants, des bienfaiteurs de leur lieu de culte bénéficiant de «bénédictions» de personnes sachant très bien que les revenus légaux de ces «bienfaiteurs» ne leur permettent pas d’agir ainsi.
Ça s’empire mais on continue de renflouer, où va l’argent qui ne sert pas la cause ?
Depuis janvier dernier, le gouvernement de la transition a débloqué 106 milliards de francs CFA qui ont servi à EDM à payer «ses fournisseurs» alors même que l’on sait que les produits sensés être fournis n’arrivaient plus à destination, si jamais ce n’était jamais réellement livrés. Certaines commandes étaient payées deux à trois fois, sans que les signataires au sein de la boite ne s’en émeuvent. Pendant ce temps, les factures de consommation d’un à trois millions de francs étaient déposées par certains travailleurs qui les présentaient comme leur consommation personnelle contre paiement de 10 % seulement du montant (clause convenue avec le syndicat) après avoir empoché le prix de la négociation avec des «industriels» qui sont bien connus de tout le monde. Pourtant, ils ne sont pas inquiétés.
Si on peut apprécier la vérité de la communication ministérielle, on est inquiet que le pays semble pris en otage par un système mafieux qui semble faire peur à tout le monde. «Avant les dossiers traînaient mais, actuellement, on voit que les choses bougent, les gens sont jugés», a déclaré la ministre face à Yaya Konaté sur l’ORTM. Mais personne ne semble craindre les sentences de la justice. Pourtant, la peine capitale n’est pas abolie dans le pays même s’il y a un moratoire sur les exécutions depuis les années 1980.
EDM, comme une foutaise
La situation de fourniture d’énergie est intenable encore sur le moyen terme. «On pourra constater des améliorations dès demain», a dit la ministre, donnant quelques détails sur certaines mesures envisagées. Trop de risques qu’elle prend, pourrait-on dire, sachant que les gens trouveront toujours des moyens de détourner les choses pour leurs seuls intérêts tant qu’ils savent que rien de «grave» ne pourra les atteindre, l’argent facile étant l’ultime but.
Qui au Mali «transitionnel» aurait pu imaginer que des individus puissent détourner 6,9 milliards de francs débloqués d’urgence pour commander des groupes électrogènes non conformes à la commande et les livrer crânement, sans se soucier de ce qui pourrait advenir ? Sur une commande de 27 groupes, 13 ont tous cramés à l’essai car livrés dans un état défectueux. Des ingénieurs peuvent nous expliquer ce que cela veut dire. Et des ingénieurs, EDM doit en avoir, sinon la situation ne mérite plus aucun espoir.
Lors de la privatisation, on nous avait fait croire que le système de câblage «vieillissant» d’EDM était à la base des problèmes de desserte. Quand on croyait qu’une solution avait été trouvée à cela il y a eu le problème des «releveurs» ensuite celui des compteurs ; ainsi de suite jusqu’à aujourd’hui les problèmes du carburant et des groupes. Sur les deux mille cinq cent (2 500) employés d’EDM, combien avec des qualifications spécifiques méritent d’y être réellement ?
Une seule famille qui a 6 à 7 personnes recrutées et payées par la société seront difficilement toutes bien qualifiées pour faire les tâches liées à leur «poste» de salaire sachant que c’est un «bien placé» dans la société ou dans ses périphéries qui est à la base. Où se situe la vraie responsabilité ? La société a pourtant un Conseil d’administration qui est supposé se réunir pour analyser et donner des orientations. Sans compter que, en principe, les audits doivent avoir y été faits régulièrement.
Le silence officiel sur la situation jusqu’à cette sortie de la Madame la ministre ce 24 octobre 2024 en dit certainement long y compris le «black-out» des media traditionnels sur la vraie situation de la nationale de l’énergie. Espérant que des mesures techniques matérielles pourraient être la solution, il faut l’espérer sans grand espoir dans le long terme. Il en faut plus, les gens ont développé une ingéniosité machiavélique au sein de la société.
EDM A BESOIN D’ÊTRE NETTOYÉE DE FOND EN COMBLE !
Sidi Coulibaly
Depuis Ouagadougou (Burkina Faso)
Le Matin