Dans la foulée, la tentative d’organisation d’un meeting politique (finalement annulé) à la Place de l’Indépendance, le vendredi dernier, met en lumière non seulement une tension palpable entre le pouvoir en place et certains partis, mais révèle également des défaillances chroniques au sein de la classe politique malienne. Aujourd’hui, l’interrogation majeure est celle-ci : Jusqu’où la cassure entre le pouvoir en place et une partie de la classe politique ?
L’annonce de ce meeting a ravivé les souvenirs des manifestations de 2020, soulevant des interrogations légitimes sur les intentions des organisateurs. Cependant, cet événement manqué met également en évidence une incapacité persistante de la part de nombreux partis politiques à se renouveler et à tirer les leçons des crises passées. On observe une absence notable de remise en question profonde et une propension à reproduire des schémas qui ont déjà fragilisé le pays.
Parmi les fractures constatées, on peut noter la présence des mêmes figures politiques, souvent associées aux mouvements de contestation antérieurs. Des acteurs qui semblent privilégier la confrontation plutôt que la recherche de solutions constructives. Le même scénario éculé est remis au goût du jour par une simple mobilisation urbaine qui risque de répéter certaines erreurs du passé.
Autre fracture, la déconnexion des réalités. Alors que les militaires se battent au front pour la sécurisation du territoire et de la population, une certaine frange de la classe politique ne cesse de réclamer l’organisation d’élections plus que jamais illusoires. Cette « phobie du soldat » semble déconnectée des sacrifices consentis sur le terrain et des défis sécuritaires majeurs auxquels le pays est confronté.
On observera au passage que les urgences sociales mises en avant « Priorité » par cette même classe politique, permet de soulever la question de ses intérêts partisans. De 2013 à 2018, le Rpm (3 milliards), l’Adema-Pasj (2 milliards) et l’Urd (1 milliard), se partageaient la majeure partie de l’aide publique destinée aux partis politiques et leurs alliés. Dans cette voie, les actions de certains partis donnent l’impression de privilégier des agendas personnels ou des stratégies d’opposition systématique, au détriment de l’unité nationale et de la recherche de consensus face aux urgences du pays.
Dans ces circonstances, le décret présidentiel n°2025-0318/PT-RM du 7 mai 2025 portant suspension des activités politiques a été une réponse diligente réaffirmant l’autorité de l’Etat face aux velléités de certains acteurs de plonger le pays dans une nouvelle crise socio-politique.
Cette décision, justifiée par la nécessité de préserver l’ordre public, a engendré des réactions partagées. Pour la suspension, c’est un sentiment de « ras-le-bol » général contre les perturbateurs sociologiques qui est exprimé au collectif. Une partie de la population, désabusée par les querelles politiques incessantes et le manque d’unité face à la crise, a pu accueillir cette mesure comme un moyen de ramener un semblant de calme.
Par contre, ceux qui se disent « démocrates » ou se veulent « Républicains », voient en cette suspension, une atteinte aux libertés. Ils insistent sur le rôle essentiel du débat politique et de l’expression pluraliste dans une société démocratique.
En conclusion, prises en tenaille entre insécurité et intoxication, les populations maliennes saluent cette interdiction du meeting et la suspension des activités politiques comme une première dans la voie de l’abrogation de la loi n°05-047 du 18 août 2005.
Le pays est délibérément visé comme cible privilégiée pour mettre un terme à l’aventure révolutionnaire du Mouvement d’ensemble AES. Entre les impératifs sécuritaires, qui exigent une unité nationale et une reconnaissance du rôle crucial des forces armées, et les défaillances d’une classe politique souvent engluée dans des querelles intestines et une incapacité à se réinventer, la « phobie du soldat » manifestée par certains leaders politiques apparaît comme un symptôme d’un fossé grandissant entre une élite et les réalités du terrain. L’avenir du Mali dépendra de la capacité de ses acteurs politiques à dépasser leurs antagonismes, à faire preuve d’autocritique et à se montrer à la hauteur des défis complexes auxquels le pays est confronté.
Khaly-Moustapha LEYE