Nous sommes étonnés de voir que le Pdg de la Pharmacie populaire du Mali, au lieu de faire profil bas suite à notre publication sur la fausse chloroquine qu’il a livrée à des structures sanitaires, s’égosille pour servir des explications qui ne font que l’enfoncer, si l’on considère ses propos relayés par la presse cette semaine. Pour ne rien arranger, il place le président de l’Ordre des pharmaciens au cœur du scandale, pour l’avoir aidé à acquérir illégalement le médicament mis en cause. En plus, les prétendues félicitations que lui aurait adressées le ministre de la Santé ont irrité des organisations de la société civile qui nous ont approché dans le cadre de leurs investigations car elles se préparent à saisir la justice afin que lumière soit !
Que n’a-t-on pas lu et entendu cette semaine pour la défense du Pdg Mamady Sissoko : prenant les devants, le Pdg de la Pharmacie populaire du Mali aurait commandé la chloroquine en Chine, bien avant que le Covid-19 n’arrive au Mali. Cette commande ayant tardé, il s’est retourné vers le président de l’Ordre des pharmaciens qui l’a aidé à acquérir cette chloroquine qui fait polémique aujourd’hui. Telle est en substance, un pan des explications du Pdg de la Ppm, tel que rapporté dans la presse. Ce qui, évidemment, mérite quelques interrogations.
La Pharmacie populaire ne pouvait commander la Chloroquine en Chine avant la pandémie du COVID19 car le produit était interdit d’importation et de vente au Mali et retiré de tout schéma de prescription au Mali depuis 2007. En effet, nous rappelions, dans notre édition de la semaine dernière que la chloroquine a été retirée de l’arsenal thérapeutique du Mali, comme le précise la lettre N°1773/MS6SG du 06 décembre 2006 du ministère de la Santé. Une première question : il allait alors livrer la chloroquine à qui ?
Attendre des semaines d’utilisation pour prétendre que c’est lui-même qui
a alerté le Laboratoire national de santé
Rappelons que la Ppm livre au système de santé malien les Cta antipaludéens en boîtes de 6 et 12 comprimés. Mais pour le cas décrié, nous précisons que la Pharmacie populaire du Mali a livré 100 boites de 1000 comprimés en vrac de Chloroquine falsifiée aux centres de traitement Covid-19. Pour le centre du Point-G, la livraison a même eu lieu un samedi, précisément le samedi 28 mars 2020. Alors que le Pdg de la Pharmacie populaire du Mali ne doit aucunement livrer ce médicament sans Autorisation de mise sur le marché, avec, au préalable, le contrôle de qualité…
S’il faut attendre des semaines d’utilisation pour prétendre que c’est lui-même qui a alerté le Laboratoire national de santé, cela fait rire sous cape car on voit bien qu’il a inversé l’ordre des choses parce que le Laboratoire national de santé devait analyser le médicament avant sa commande pour que l’Autorisation de mise sur le marché puisse être délivrée.
Des boîtes sur lesquelles il n’y a même pas le nom du fabriquant
Après que des malades aient consommé ce médicament contrefait avant qu’il ne soit purement et simplement jeté à la poubelle, comment le Pdg de la Pharmacie populaire du Mali peut-il se réjouir d’avoir sauvé des gens et éviter le pire, au point d’en être félicité par le ministre de la Santé ?
Plus grave, sur les boîtes de fausse Chloroquine livrée par la Ppm, il n’y a même pas le nom du fabriquant. Dans son fonctionnement, la Ppm n’a jamais réceptionné un médicament sans le nom du fabricant et un produit sans fabricant ne peut pas être appelé médicament générique. Comment peut-on donc se permettre d’acheter pareil médicament pour le livrer à des centres de traitement qui l’administrent à des patients, avant de se rebiffer pour dire que c’est la Ppm qui a alerté le Laboratoire national de santé ? Si ce n’est de la carence notoire, c’est donc de la folie.
La Ppm n’a jamais acheté des médicaments dans le marché noir, dans une officine privée ou avec un particulier
Rappelons que la Ppm a plus de 60 ans d’expérience dans ce domaine et a travaillé avec tous les fabricants et grossistes qui sont préqualifiés par l’Oms et/ou FM. Elle a toujours eu à gérer les cas d’urgence, de dépannage, avec ses fournisseurs. Mais la Ppm n’a jamais acheté des médicaments dans le marché noir, dans une officine privée ou avec un particulier. C’est la première fois dans l’histoire de la Ppm.
Et apparemment perdu dans un océan pharmaceutique dans lequel il ne sait pas nager, le Pdg de la Pharmacie populaire du Mali s’accroche à l’Ordre des pharmaciens du Mali comme une bouée de sauvetage, en faisant du président de cette organisation son complice dans la livraison de la fausse chloroquine. A voir de près les explications-justifications fournies par le Pdg, Mamady Sissoko, le président de l’Ordre des pharmaciens, Dr Wade, est donc au cœur du scandale pour l’avoir aidé à acquérir le faux médicament au marché noir car aucun fournisseur, même le plus grand partenaire de la Ppm, ne devait disposer de stocks de chloroquine sur le territoire malien, le produit ayant été interdit. Et tout marché qui n’est pas dans la légalité est un marché noir. Il ne faut pas avoir peur des mots pour désigner les choses par leurs noms.
De nos investigations, il nous revient que la Ppm a toujours acheté des produits préqualifiés Oms pour les 3 maladies (VIH, paludisme et tuberculose) comme exigé par les partenaires. A cela, s’ajoutent les sérums, les vaccins, les produits pharmaceutiques des épidémies ou pandémies. Et en cas de rupture de ces produits, la Ppm a toujours demandé des dépannages avec les autres centrales d’achat de la sous-région à travers l’ACAME. Il y en a eu plusieurs fois. Et parfois, c’est dans le sens opposé. Le Mali avait une grande chance de profiter de cette opportunité, d’autant plus que la maladie avait déjà commencé dans les autres pays de la sous-région. C’est la première fois qu’on banalise la vie des gens pour aller acheter les produits dans le marché noir.
On ventile depuis quelques jours que le ministre de la Santé aurait félicitéle Pdg de la Pharmacie populaire du Mali
Et c’est grave de constater que des pharmaciens, qui sont des pharmacovigilants (parce qu’ils doivent assurer la disponibilité des médicaments de qualité et surveiller leur qualité), se trouvent ainsi cités dans un pareil scandale. Heureusement que tous les pharmaciens du Mali n’ont pas approuvé les faits et certains, que nous avons approchés, sont même indignés d’apprendre que leur organisation est ainsi en train d’être salie. Ces pharmaciens, honnêtes et intègres, jurent que dans leur métier ils ont obligation de signaler tout problème lié à la qualité d’un médicament.
Si avec tout ce scandale, on ventile depuis quelques jours que le ministre de la Santé aurait félicité le Pdg de la Pharmacie populaire du Mali, cela ne pourrait être que par méconnaissance de la vraie version du problème, que des cadres de ce ministère tentent de dissimuler, au point de chercher à nous convaincre de nous taire.
De toutes les façons, en essayant de se défendre ainsi, notamment en se cachant derrière une éventuelle félicitation du ministre de la Santé et en enfonçant le président de l’Ordre des pharmaciens du Mali, le Pdg de la Pharmacie populaire du Mali a irrité des organisations de la société civile dont deux ont envoyé des représentants à notre niveau pour chercher la lettre de retrait de la Chloroquine de l’arsenal thérapeutique du Mali dont nous détenons copie. Naturellement, ces organisations nous ont confirmé être en train de monter un dossier pour faire interpeller le ministre de la Santé devant la nouvelle Assemblée nationale et éventuellement porter l’affaire devant la justice pour que la lumière soit faite sur la responsabilité de tout un chacun. Ce qui est sûr, le jour où les parents des victimes vont se lever pour porter plainte, comme cela se murmure, la vérité se saura.
Mamady Sissoko : Professeur ou Attaché de recherche ?
Au passage, notons que nous ne savions pas que Mamady Sissoko, Pdg de la Pharmacie populaire du Mali, est un Professeur, comme en font écho des écrits ces derniers temps. Alors que sur son Décret de nomination n° 2019- 0169 P-RM du 05 mars 2019, il est écrit noir sur blanc : « Attaché de recherche ». Une équivoque qui doit être rapidement levée, en dehors de la précision nécessaire sur sa spécialité et pour le compte de quelle université ?
Par ailleurs, nous conseillons au Pdg Mamady Sissoko de tenter de convaincre par ses performances et non par comparaison à son prédécesseur, Moussa Sanogo dont il semble voir l’ombre partout. Parler de Sanogo, c’est peine perdue puisque, pour nous, c’est comme taper sur les traces d’un serpent qui est déjà passé depuis longtemps. En effet, la page Sanogo est tournée par le Gouvernement qui l’a fait remplacer par Mamady Sissoko, lequel doit comprendre que ce n’est pas par rapport à son prédécesseur qu’il sera jugé, mais c’est à lui et à lui seul, de se prouver et de faire oublier Moussa Sanogo.
La gestion de l’hôpital du Point-G par Mamady Sissoko épinglée par le rapport 2015 du Végal
Une chose est sure : si on ne tournait pas des pages de l’histoire de la gestion hospitalière du Mali, le contenu du rapport 2015 du Bureau du vérificateur général allait toujours être agité et certainement, Mamady Sissoko dont la gestion de l’hôpital du Point-G est épinglée par ce rapport, n’aurait jamais été nommé à la tête de la Pharmacie populaire du Mali. Mais si nos lecteurs le demandent, nous pourrons certainement leur faire part du contenu de ce rapport sulfureux que nous détenons.
La Rédaction