Préférant la facilité que leur offre le rôle de satellites des grandes puissances décidant de tout pour eux, les chefs d’Etat de la Cédéao, au lieu de rassembler avec le dialogue et le consensus pour régler le différends, choisissent la force pour imposer ‘’leur démocratie’’ au Niger. Dont la perte pour leurs patrons serait une catastrophe impardonnable ! Cela n’est pas sans conséquences, analyse le doyen Harouna Niang, non moins ancien ministre.
La Cédéao ne doit pas prendre des décisions sur la base des égos et des émotions de nos chefs d’Etat. Utiliser la force pour rétablir un président renversé n’est pas une bonne chose si l’on analyse les impacts d’une telle action.
1) Le premier problème, c’est le choix entre la démocratie, l’unité et la paix dans la Sous-région. La Cédéao semble, dans ce dilemme, avoir choisi le mirage de la démocratie.
Rétablir M. Bazoum dans son fauteuil de Président de la république du Niger par des forces étrangères, sans tenir compte de l’avis des citoyens, même si ces forces sont africaines, ramènera-t-il la vraie démocratie dans ce pays ?
La réponse est certainement non. Le seul objectif qui sera atteint, c’est de montrer que la Cédéao des Chefs d’Etat a de la force pour imposer sa volonté à ses pays membres.
L’ironie de cette option est que c’est la force, et non le dialogue et le consensus, qui est utilisée pour imposer la démocratie.
2) Le second problème, c’est que la décision est prise sans consacrer le moindre temps à l’analyse de l’impact de celle-ci sur les populations et sur l’ensemble de la sous-région.
Les raisons profondes de cette succession de coups d’Etats dans la sous-région sont-elles connues ?
On se rappelle : les premiers coups d’Etats en Afrique, perpétrés juste après les indépendances et pendant la guerre froide, étaient tous liés aux influences extérieures. Certains étaient même financés par l’extérieur soit pour stopper le communisme, soit pour lutter contre l’impérialisme.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Pourquoi, soudainement dans la sous-région et après plusieurs années de pratique démocratique, les coups d’Etats se succèdent-ils à un rythme si fréquent et rapproché de surcroît ?
Est-ce la faute des militaires, qui n’ont pas reçu une formation suffisante leur permettant de respecter les principes et valeurs de la démocratie et de la république ?
Est-ce la faute des hommes politiques, qui ont trop déçu en ne parvenant ni à développer nos pays ni à résoudre les problèmes de corruption, d’injustices et d’impunité qui minent nos sociétés ?
Est-ce toujours l’influence des puissances extérieures qui contribue à déstabiliser nos pays et à créer les conditions favorables aux coups d’Etat ? N’est-ce pas peut-être une combinaison de tous ces facteurs ou de quelques uns de ces facteurs ?
La Cédéao et l’U.A ont-elles analysé toutes ces questions pour trouver la racine du problème et y apporter la meilleure solution pour le continent, pour les sous-régions et pour chacun des Etats africains ?
3) Le troisième problème, c’est la prise en compte du contexte international et de son évolution pour toute décision concernant les pays africains et le continent.
La guerre en Ukraine a déclenché une forme de rupture des équilibres qui maintenaient la marche du monde. Une concurrence voire une confrontation féroce est en cours entre les grandes nations. La Russie, qui s’était endormie après la chute du mur de Berlin, semble s’être réveillée et désire jouer un rôle à la hauteur de sa puissance militaire (surtout nucléaire).
La Chine, qui a rattrapé son retard sur plusieurs plans, technologique et commercial notamment, veut reprendre le leadership mondial ou, tout au plus, peser plus sur les grandes décisions.
De nouveaux regroupements naissent. C’est le cas des B.r.i.c.s par exemple et des anciens regroupements en train de se renforcer. C’est le cas de l’O.t.a.n qui cherche sans cesse à s’étendre à d’autres pays, surtout ceux de l’ancienne Union soviétique. Qu’en est-il de l’Afrique ?
Divisée et marginalisée pendant que les autres s’organisent…
Elle reste divisée et n’arrive toujours pas à parler d’une seule voix au plan international. Elle continue d’être dernière de la classe, malgré ses richesses naturelles et ses nombreuses potentialités parmi lesquelles sa population dont elle n’arrive toujours pas à tirer les dividendes ! Pire, malgré l’existence, depuis plusieurs années, de ses organisations sous-régionales et de l’U.a, l’Afrique continue de patauger dans la pauvreté avec le taux d’illettrés le plus élevé du monde !
Au plan international, l’Afrique est également le continent le plus marginalisé. Elle n’est membre ni du G7 ni du G20, encore moins du Conseil de sécurité des Nations unies où se prennent les grandes décisions qui affectent le monde entier, y compris chacun de nous.
Manifestement, nos leaders ne sont pas encore conscients de tous ces enjeux et n’ont aucune ambition visant à faire du continent africain une PUISSANCE MONDIALE qu’il faut respecter au même titre que l’Europe ou les Usa.
Des satellites autour des grandes puissances
Nos dirigeants préfèrent la facilité que leur offre le rôle de satellites qui tournent autour des grandes puissances où presque tout est décidé pour eux ! Ne soyons donc pas étonnés que les chefs d’Etat de la Cédéao, au lieu de rassembler les pays africains par le dialogue et le consensus comme seul outil de règlement de différends, choisissent d’utiliser la force pour imposer leur démocratie au Niger et faire plaisir ainsi aux grandes puissances, dont la perte de ce pays dans leur giron serait une catastrophe impardonnable.
Peu importent alors le nombre de morts, les souffrances des populations innocentes voire une nouvelle division de l’Afrique entre les pro- coups d’Etat et les anti-coups d’Etat !
L’unité de l’Afrique, dont tous les experts sont d’accord que c’est le passage obligé pour son développement et pour le bonheur et la prospérité des Africains, est ainsi simplement mise au second rang des priorités.
Harouna Niang, Ancien ministre
Le Challenger