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Coup d’État militaire au Mali : Le bout du tunnel ?

Ainsi, c’est donc un coup d’État militaire, un autre, après 1968, 1991 et 2012. On commence à en connaître les signes précurseurs : manifestations, dilettantisme du pouvoir, forums et discussions en trompe-l’œil, faux-fuyant, médiations, plus au moins sincères, en tous les cas discréditées…

Cette matinée de déjà-vu et de déjà vécu, du mardi 18 août 2020, au son des coups de feu, n’a été que le point culminant d’une crise qui ressemble à s’y méprendre à la mutinerie, puis le coup d’État de 2012.

Des coups de feu entendus, dans la matinée, puis la chute du pouvoir, le soir. Avec la rapidité de l’écroulement d’un château de cartes ou de sable. On pourrait dire, sans hésiter, que ce fut une succession d’initiatives et de tentatives plus mal embouchées les unes que les autres. Comme si on désherbait, en rajoutant, avec abnégation, mauvaises herbes sur mauvaises herbes.

La chronique de cette crise, telle un serpent de mer, commence, d’abord, par la Conférence d’entente nationale qui s’est achevée le 2 avril 2017 en demi-teinte, après une semaine de débats, sans aucune charte de réconciliation nationale adoptée. Or, c’était le projet originel. En lieu et place, une série de recommandations, dont une qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive : le rapport final préconise, en effet, d’entamer des discussions avec les terroristes maliens. Ouvrir le dialogue, négocier avec le prêcheur radical Amadou Kouffa et avec Iyad Ag Ghali, le leader du groupe terroriste Ansar Dine…

Ensuite, nous avons eu droit à un Accord politique de gouvernance (APG), censé mettre un terme à la tension politique intervenue après la réélection de l’ex-président Ibrahim Boubacar Kéïta, en 2018, et le départ sous pression de son Premier ministre d’alors, Soumeylou Boubèye Maïga.
Le consensus politique bancal entre des acteurs de la société civile, des religieux et certains partis politiques issus de l’opposition a été l’aboutissement, après plusieurs jours, de difficiles négociations et tractations sous la conduite de l’ancien Premier ministre, Boubou Cissé. Cet accord devait permettre de lutter contre l’insécurité, d’instituer une gouvernance vertueuse, de réaliser des réformes politiques et institutionnelles, autant de défis pour un gouvernement dit de mission.

La réussite de l’organisation du Dialogue national inclusif (DNI) avec toutes les forces politiques et sociales significatives du pays était l’une des missions les plus attendues de ce gouvernement. En effet, les Maliens, partout dans le pays, avaient soif de se parler, de se comprendre et de dessiner ensemble les nouveaux contours d’un pays en proie à une crise multidimensionnelle et variée. Malgré la non-participation remarquée de la principale force de l’opposition politique l’Union pour la République et la démocratie (URD), le dialogue a été un moment de sincères discussions entre Maliens mais une occasion perdue de remettre le pays sur les rails du …dialogue et de la concertation. Même si la participation de la Coordnation des mouvements de l’Azawad (CMA) et de la Plateforme a été fort remarquée.

De façon ambitieuse, au cours du DNI, les participants ont demandé, entre autres, l’organisation des élections législatives dans les meilleurs délais (au plus tard fin mai 2020) pour mettre fin à une série de prorogations du mandat des députés ; l’organisation d’un référendum en vue de la révision de la Constitution, l’inclusivité et la participation de l’ensemble des forces vives de la Nation au processus de révision constitutionnelle ; le redéploiement de l’administration et des services sociaux de base dans les zones affectées par l’insécurité au courant du premier trimestre de l’année 2020 ; la relecture de certaines dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, selon les mécanismes prévus à l’article 65 dudit accord et une campagne intensive de communication en vue de faciliter l’appropriation nationale du document révisé.

SCEPTICISME

Si ces quatre grandes résolutions du DNI ont été fortement appréciées par les Maliens dans leur large majorité, il y eut un autant fort scepticisme de beaucoup d’autres compatriotes quant à l’application rigoureuse de ces résolutions. Dans la vraie vie, en effet, à part l’organisation des élections législatives, dont le processus a été entachée par la Cour constitutionnelle avec sa décision de proclamation des résultats que certains ont considéré comme des «nominations de députés» à la place des élus du peuple, l’ensemble des résolutions fortes du DNI est resté en souffrance.

À ce jour, aucun plan de redéploiement de l’administration dans les zones de crise, le défunt ministère des Réformes, au-delà des multiples foras sans lendemain, s’est perdu dans ses initiatives et n’a pas su ouvrir le chantier l’une des grandes réformes centrales : la révision constitutionnelle.
L’ébullition du front sociopolitique s’est illustré par le bras de fer entre le gouvernement et la Synergie des syndicats signataires du 15 octobre autour de l’application de l’article 39 de la Loi portant statut du personnel enseignant qui pourrait conduire à une année blanche pour l’École malienne. Le gouvernement, ayant reconnu (de bonne foi ?) la légalité et la légitimité de cette revendication, peinait à concrétiser, à travers un chronogramme d’application correcte à court, moyen ou long terme, le fameux article 39.

Un pays englué dans une fragilité extrême depuis longtemps. Une crise sécuritaire. Des affrontements inter communautaires. Une crise sanitaire. Une crise sociopolitique alimentée par des élections aux résultats tripatouillés. Des revendications catégorielles, corporatistes et syndicales mal managées. Et une mutinerie. On ne pouvait s’attendre à meilleur plan qu’un dénouement par un coup de force de l’Armée. Surtout que le précédent ne remonte qu’à 2012.

La crise que vit actuellement le Mali a éclaté en janvier 2012, suite à la rébellion armée dans les régions nord-est du pays. Cette rébellion, la quatrième du genre depuis l’accession du pays à l’indépendance, a été déclenchée sur fond des revendications politico-territoriales (indépendantistes) du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), associée à des groupes terroristes. C’est dans ce contexte de malaise grandissant dans les rangs des forces armées et de sécurité qu’un groupe d’officiers et de sous-officiers, conduit par le capitaine Amadou Haya Sanogo, a perpétré un coup d’État contre le président Amadou Toumani Touré le 22 mars 2012, à quelques semaines de la fin de son second et dernier mandat présidentiel.

Le pays a pu organiser, de juillet à décembre 2013, l’élection présidentielle ainsi que des élections législatives qui ont parachevé le processus de rétablissement effectif de l’ordre constitutionnel, que le coup d’État avait quelque peu chahuté.

Le processus de dialogue inter-maliens initié à Alger, en juillet 2014, a abouti à la signature d’un Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, le 15 mai et le 20 juin 2015 à Bamako, par le gouvernement malien et deux coalitions de groupes armés.

La signature de cet accord a permis d’ouvrir un vaste chantier de réformes politiques et institutionnelles, de même que le processus de réconciliation nationale. Cependant, la mise en œuvre de l’accord est confrontée à des difficultés qui entravent la réalisation des réformes envisagées pour la sortie de crise. À cela, il faut ajouter la persistance de l’insécurité, et son extension aux autres parties du territoire, qui entrave également, sérieusement, le processus de paix et de réconciliation.

À cette situation sécuritaire, se caractérisant par diverses formes de menaces interconnectées, avec la présence de groupes armés sous formes de milices ou de groupuscules terroristes, est venue se greffer une crise sociopolitique que le Mali traverse, depuis quelques mois. Des opposants réunis au sein du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), demandaient, entre autres, la démission du président Ibrahim Boubacar Keita et de son Premier ministre, Boubou Cissé.

La nouvelle donne de l’arrestation du président ne change pas grand-chose à ce qui reste à faire tant «il est plus facile de faire partir le président que de gérer le reste des problèmes», prévient un analyste. Même les plus sceptiques souhaiteraient que cette énième rupture de l’ordre constitutionnel soit l’entame d’un bon départ vers le bout du tunnel.

Moussa Diarra

Source : L’ESSOR

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