Des commerçants indélicats importent ces couches non commercialisables en Europe et en Amérique. Les mamans, ignorant le danger pour la santé de leurs enfants, les achétent
Les couches jetables permettent de retenir l’urine et les déchets. Elles sont faciles à utiliser et allègent la tâche des mamans. Dans notre pays, elles remplacent, de plus en plus, les couches traditionnelles confectionnées dans des morceaux de tissus, qui nécessitent de l’entretien, une véritable corvée pour certaines mères. Sur le marché malien, deux sortes de couches jetables importées d’Europe se font la concurrence.
Il y a les couches industrielles homologuées qui coûtent cher. Et aussi les couches appelées «couches yougou yougou» (friperie). Celles-ci sont cédées à des prix nettement plus abordables. De ce faite, cette dernière catégorie attire plus de clientes. Beaucoup de commerçants détaillants gérant des kiosques à travers les quartiers de Bamako et des vendeuses ambulantes tirent leur gagne pain du commerce des couches de la friperie. Ils ne se soucient guère de la qualité de ces couches importées. Certaines vendeuses de «couches yougou yougou » se sont installées devant les hôpitaux, les centres de santé, dans les petits marchés. D’autres font du porte à porte pour écouler leur marchandise. La place dite «Railda» est arpentée toute la journée par l’infatigable Fatoumata Sissoko, vendeuse au détail. Elle explique que les «couches yougou yougou» s’écoulent très rapidement car elles sont vendues moins cher : 50, 75 et 100 FCFA selon la taille. «Ces protèges ne comportent pas de matières synthétiques qui brûlent ou égratignent la peau. Je les vends aux clients et mes propres enfants aussi les portent sans désagrément», assure Fatoumata. Au fond, notre interlocutrice est plutôt séduite par le prix que la qualité de ces couches. En effet, les couches industrielles homologuées sont vendues dans les magasins et dans les pharmacies à 3500, 4000 et même 6000 FCFA selon la marque.
La détaillante Fatoumata Sissoko vend ses couches entre 50 et 75 FCFA. Au moment de notre entretien, une cliente, mère de 4 enfants, était affairée à trier des couches. «Je n’ai pas assez d’argent pour les couches de bonne qualité pour mes enfants. C’est pourquoi je viens ici. Mais avant de faire porter ces couches de la friperie à mes enfants, je prends le soin de masser leurs fesses avec du beurre de karité. Les jours de fraîcheur, je remplace le beurre par de la poudre talc. Même si j’ignore la provenance de ces couches, je les utilise tout de même », dit-elle. Par ailleurs, notre cliente assure que lorsqu’elle achète des couches hors normes, elle prend soin de sélectionner celles qui sont en coton et ont un meilleur aspect.
Michel Sangaré tient son étal de friperie au marché de Médine. Ce vendeur grossiste explique que les couches «yougou yougou» s’écoulent plus rapidement. Beaucoup de femmes viennent se ravitailler chez lui, confie-t-il. Réné Sidibé est installé lui aussi au marché de Médine. Ce grossiste vend des couches pour bébé importées de France, d’Angleterre et des Etats-Unis. «Je vends des couches en balles compressées. Ce sont des couches qui ne respectent pas les normes en Europe », admet-il. Ce commerçant propose plusieurs qualités de couches : le « boroni », le «niamaniamani», le «tantancouchi» ou les «déchets». Pour Réné Sidibé, ces couches ne proviennent pas de la friperie car elles n’ont jamais été portées. Selon lui, il s’agit plutôt des couches qui comportent de défaut de fabrication et du coup elles ont été disqualifiées de la vente sur le marché européen. «Lors de la fabrication, les couches mal formées sont rejetées automatiquement par les machines. Les Africains les importents sans avoir consiens du danger pour les enfants. Pour le commerçant le danger existe seulement en cas d’allergie», ajoutant que comme toutes les autres couches, les couches hors normes peuvent provoquer la dermite du siège, une irritation de la peau au niveau des fesses.
Selon Dr. Abdoulaye Aziz Faye Sow, pédiatre au centre de santé de Korofina, les problèmes d’utilisation des couches dépendent de leur qualité et de leur utilisation par les mamans. Selon lui, les couches doivent être portées par les bébés pendant une durée limitée. Or dans la pratique, beaucoup de mères ont la paresse de changer la couche de leur bébé, ce qui pourrait nuire à leur santé. Le pédiatre pense que les mamans doivent être sensibilisées sur l’utilisation des couches. «Les autorités sanitaires devraient aussi s’impliquer dans la campagne de sensibilisation pour l’utilisation des couchers et pour le commerce des couches de bonne qualité. Il faut dire que les couches «yougouyougou» ne sont pas bonnes pour la santé des bébés. Elles sont faites à base de composites du pétrole et elles ne sont pas bien conservées. C’est tout le contraire des couches qui se vendent dans les pharmacies », indique Dr. Abdoulaye A. F. Sow. D’après lui, il existe des produits de protection que les femmes peuvent appliquer sur les bébés avant de porter les couches. Ce sont les antimycosiques, les crèmes d’oxyde de Zinc.
Un pharmacien de la commune VI du District de Bamako atteste que les couches qu’il vend sont de bonne qualité. Il pense plutôt que la plupart des femmes ne respectent pas les conditions d’utilisation des couches pour bébé. En plus, de nombreux enfants sont allergiques tout simplement au produit chimique. Quant à la dermatologue Binta Guindo, elle demande aux mamans de ne pas utiliser les couches «yougouyougou» pour la simple raison qu’elles sont de qualité douteuse.
Par ailleurs, les bébés peuvent attraper la dermatose à cause du port prolongé d’une couche souillée.
Aminata TRAORÉ
Source: Essor