L’ex-chef de la rébellion ivoirienne et candidat à la présidentielle de 2020, Guillaume Soro, a promis hier « d’organiser la résistance » au président Alassane Ouattara depuis Paris, après son retour avorté en Côte d’Ivoire. Rappelons que Guillaume Soro avait finalement renoncé à rentrer à Abidjan le 23 décembre après six mois d’absence à l’étranger.
La justice ivoirienne avait émis un mandat d’arrêt international contre lui, alors même que son avion faisait demi-tour vers l’Europe, pour tentative d’atteinte à l’autorité de l’État.
« Avant son grand oral annoncé pour le 31 décembre soir, Guillaume Soro vient de rompre déjà le silence sur la charge de tentative de déstabilisation qui lui vaut un mandat d’arrêt délivré contre sa personne », relève Abidjan.net. Dans un entretien accordé hier dimanche au Journal du Dimanche, « Guillaume Soro ne cache pas son amertume contre Emmanuel Macron, dont il dit qu’il n’a posé aucun acte dans le sens de la consolidation de la démocratie en Afrique. « Je suis surpris, affirme Soro. Le président français s’est rendu en Côte d’Ivoire, y a fêté son anniversaire, mais il n’a pas eu la capacité de dire à ses hôtes qu’il était important de respecter la démocratie. (…) Soro se dit aussi, pointe encore Abidjan.net, « choqué et horrifié » de l’attitude du président Ouattara, lequel a mis la justice à ses trousses après avoir fait arrêter des siens, dont des députés, sans lever leur immunité ».
« Dans de beaux draps… »
Dans la presse proche du pouvoir, gros titres, tribunes et opinions fleurissent pour dénoncer l’attitude de Guillaume Soro. « D’importantes saisies d’armes effectuées : Soro risque la prison à vie », s’exclame ainsi L’Inter à Abidjan.
« Le procureur porte de graves accusations contre Soro et lui prédit des jours sombres », renchérit Soir Info. « Soro n’a d’autre projet que la prise du pouvoir par le bain de sang », peut-on lire dans L’Intelligent.
Pour Le Pays au Burkina Faso voisin, « Guillaume Soro se retrouve dans de beaux draps. Comment pouvait-il en être autrement, s’exclame le journal, quand on sait la manière cavalière et tonitruante avec laquelle il a rompu les amarres avec son mentor, Alassane Dramane Ouattara, en snobant son RHDP pour déclarer sa candidature à la présidentielle de 2020 ? Si ses réflexes d’ex-chef rebelle lui ont permis, lundi dernier, d’éviter de se faire alpaguer à l’aéroport d’Abidjan, Guillaume Soro est-il pour autant tirer d’affaire ? Rien n’est moins sûr, répond Le Pays. Au contraire, on se demande combien de temps durera sa cavale pour cette affaire de mandat d’arrêt international émis par son propre pays où il n’y a pas longtemps, il faisait encore la pluie et le beau temps ».
L’éternelle guerre des chefs en Côte d’Ivoire
« La Côte d’Ivoire prisonnière de ses chefs », constate pour sa part Le Monde Afrique. « Les accusations de complot portées contre l’opposant Guillaume Soro rappellent que le logiciel politique ivoirien n’a guère évolué depuis vingt ans », affirme Le Monde Afrique. « La Côte d’Ivoire n’en a pas fini avec les complots réels ou supposés, les petites manœuvres en coulisses pour prendre ou conserver le pouvoir et une vie politique confisquée, peu ou prou, par les mêmes personnalités qui ont mené le pays vers l’abîme ».
Et Le Monde Afrique de fustiger « Guillaume Soro qui ne semble pouvoir s’empêcher d’envisager des coups tordus, de s’entourer de fréquentations infréquentables ».
Mais, poursuit le journal, « l’affaire ne grandit pas non plus le pouvoir en place. Avant son élection en 2010, Alassane Ouattara avait promis de restaurer l’indépendance de la justice. Le mandat d’arrêt international lancé contre Guillaume Soro (…) et les incarcérations d’une quinzaine de ses proches, dont des députés, ne peuvent cependant que renforcer le sentiment que le pouvoir judiciaire exécute la volonté du palais ».
Enfin, ce commentaire du sociologue ivoirien Francis Akindès, toujours dans Le Monde Afrique : « la société ivoirienne a peur de revivre ce qu’elle a vécu (lors des années 2000), mais elle n’a pas renouvelé son logiciel politique. Ouattara, Bédié et Gbagbo sont des icônes communautaires. Or nous sommes toujours sur une rhétorique tribale et dans un système « grand-frériste » qui vassalise les jeunes et les empêche d’afficher une ambition ».
RFI