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Corruption au Mali : Un fléau accepté par tous !

Au Mali, la corruption demeure un problème de tailleSes effets touchent toutes les couches sociales et plombent le développement du pays.

Qu’est-il advenu du slogan de « kokadjè » chanté au lendemain de la révolution de mars 1991? Quelle est l’utilité pratique de ces différents moyens de lutte mis en place à grands renforts de publicité? Peut-on raisonnablement prétendre lutter contre la pauvreté, atteindre les objectifs pour le développement et laisser persister la corruption et la délinquance financière? Le refus de sanctionner 1a corruption n’est-il pas aussi une forme de corruption?

Aujourd’hui, un certain nombre de traits de la mentalité de l’immense majorité des Maliens sont en cause. On peut citer, entre autres, un interventionnisme de mauvais aloi, de tous les instants et à tous les niveaux, tendant à faire échec à la loi ; une volonté implacable à se servir plutôt que de servir l’Etat. Ce qui conditionne un incivisme de tous les instants et un effroyable irrespect du bien public ; une mentalité d’affairistes «être dans les affaires, de préférence juteuse ». Mentalité qui conditionne la corruption et se nourrit d’elle, oblitérant le travail bien fait, l’effort et le mérite au profit de la recherche effrénée de gains illégitimes et d’argent facile.

La société civile a un rôle de premier plan dans le processus de bonne gouvernance, car elle a le monopole du contrôle de l’action gouvernementale par ses représentants. Mais lorsque celle-ci s’engouffre dans la pratique de la corruption, cela ne fera qu’encourager les dirigeants à se pérenniser dans cette situation mafieuse parce que tout simplement ils n’auront de compte à rendre à personne si ce n’est qu’à leur conscience. L’implication de la plupart des membres de la société dans la corruption a métamorphosé cette dernière en un phénomène social à tel point que tout « citoyen lambda » aurait, une fois, violé la loi pour obtenir satisfaction, par empressement, négligence, orgueil ou paresse.

Pour le Conseil national de la société Civile (CNSC), elle est devenue un fait accepté, sinon toléré de la part du citoyen qui s’en accommode, embarqué malgré lui dans un cercle vicieux. Elle risque de s’attaquer aux fondements mêmes de la nation. D’un point de vue social, l’argent sale est passé du «honteux» au «digne» : les corrompus sont carrément applaudis par le citoyen.

Les Maliens et les Maliennes posent à longueur de journée des actes négatifs qu’ils n’ont pas le courage d’assumer. Quand un individu est appréhendé, il fait recours à des personnes âgées pour plaider sa cause. Cela est vécu au Mali comme une coutume et cela affaiblit la puissance d’intervention de l’Etat. L’intercession peut être rendue par un nombre impressionnant d’autres concepts: intervention, arrangement, supplique, etc. Et pendant ce temps-là, la corruption continue de fleurir, malgré, la profusion de structures de contrôle : la Cellule d’Appui aux Structures de Contrôle de l’Administration (CASCA), le Vérificateur Général, le Contrôle Général des Services Publics (CGSP), l’Inspection des Finances (presqu’une structure jumelle au CGSP), les Inspections des différents départements ministériels (Agriculture, Intérieur, Tourisme…). Malgré tout, l’ampleur de la fraude dans les services publics se passe de commentaire. Lors  de son dernier rapport, le Bureau du Vérificateur général (BVG) a effectué des vérifications financières dans des services de différents ministères et autres, relativement à certaines opérations d’exécution budgétaire. Ces vérifications ont mis en lumière plus de 70, 13 milliard de FCFA dont 32,78 milliards de Fcfa  par  fraude et  35, 5 milliards pour mauvaise gestion.

Parlant spécifiquement de la CASCA, elle n’est pas à proprement parler une structure de contrôle. Sa mission est de «tamiser» les rapports des différentes structures de contrôle adressées à la Présidence de la République en envoyant la partie «recommandations» à la Primature qui se chargera de les répercuter sur la structure contrôlée sous forme de note de service. Le volet «irrégularités» est transmis au Procureur du Pôle économique et financier. C’est à ce dernier de juger de l’opportunité de poursuite ou pas.

 

Le laxisme des autorités

Bon nombre des cadres et des citoyens ordinaires prétendent qu’il est vain de s’époumoner à lutter contre la corruption et invoquent tantôt la fatalité, tantôt la nécessité pour justifier leurs actes répréhensibles. La lutte contre la corruption est le résultat d’une volonté politique. La corruption n’est pas une fatalité et la preuve a été administrée par le régime socialiste de la Première République. Les cadres nouvellement aux affaires du pays avaient un idéal soutenu par l’idéologie socialiste et les principes encore vivaces qui ont guidé pour l’accession à l’indépendance. L’avènement du Comité Militaire de Libération Nationale à la suite du Coup d’Etat du 19 novembre 1968, a libéré les instincts des corrupteurs et des corrompus et l’exemple le plus cité  est la construction des villas de la sécheresse sur le détournement des dons de l’aide alimentaire. Sous ce régime militaire, la corruption a persisté et a été érigée en système dont le centre de gravité se trouvait dans l’entourage des hautes autorités du pays. Le régime de la Troisième République a fait  des milliardaires dans tous les secteurs par la systématisation des 10% dans l’attribution des marchés publics, les exonérations et autres privilèges distribués aux opérateurs économiques avec les retombées qui en découlaient.

La révolution de mars 1991 et l’instauration du multipartisme intégral aurait dû moraliser la vie publique. Mais hélas, le libéralisme économique a été assimilé par certains opérateurs économiques à une licence à l’enrichissement à outrance et par tous les moyens et même par la corruption. Aussi, affirmer et soutenir que la corruption est inhérente à la nature humaine ne tient pas. En témoignent non seulement ses variations selon les époques mais encore la grande diversité de sa présence selon les latitudes. Dans certaines régions du monde, la corruption demeure exceptionnelle, dans d’autres elle est endémique à cause de l’inaction de l’administration. D’où l’on conclut parfois qu’elle est consubstantielle à certaines civilisations, voire institutionnalisée, en particulier lorsqu’on parle de l’Afrique ou précisément du Mali. Il arrive trop souvent que l’on s’abrite derrière des coutumes locales pour justifier l’inacceptable. Les traditionnels échanges de cadeaux en Afrique ou dans le pacifique ne sauraient servir d’alibi à la pratique des dessous de table: ils se font ouvertement, au su de tous et portent sur des objets de faible valeur. Ce qui compte est le geste, et non le prix. Cette conception de corruption est vécue au Mali comme un élément de la culture. C’est donc l’homme malien, avec son goût de “posséder” et de “jouir” qui pose problème. L’envie de posséder est telle, qu’à tous les niveaux (du petit mécanicien ou petit apprenti du « Sotramas » jusqu’au niveau le plus élevé de l’Etat), l’homme malien ne recule devant rien pour amasser des biens.

 

La nécessaire implication de l’ensemble de la société 

La lutte contre la corruption n’aura de succès que lorsque toutes les couches de la société et les autorités politiques et judiciaires s’impliqueront à fond, à savoir l’Etat à travers les institutions de la République par une volonté politique sans réserve, ensuite les élus par les moyens d’information, d’éducation, de sensibilisation et de vulgarisation des méfaits de la corruption. S’agissant du rôle de l’Etat, les autorités centrales doivent afficher une volonté politique soutenue en matière de lutte contre la corruption et la délinquance financière afin de bénéficier de la confiance du peuple et des partenaires au développement. Pour parvenir à un résultat probant, l’Etat doit élaborer et appliquer rigoureusement des normes de contrôle par le renforcement de l’effectivité et la régularité des activités de contrôle interne et externe. En outre il  faut mettre fin au sentiment d’impunité. Renforcer l’indépendance des organes de la justice en leur octroyant plus de moyens financiers et matériels et accroitre la mobilisation des organisations de la société civile pour faire de l’intégrité dans la gestion des affaires publiques une valeur fondamentale et une question électorale majeure. Cela implique de sensibiliser le public aux effets néfastes de la corruption sur leurs conditions de vie, ainsi qu’informer le public sur les actes de corruption détectés.

Mémé Sanogo

Source: L’ Aube

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