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Corée du Nord: Vivre avec une Corée du Nord nucléarisée?

La Corée du Nord affirme avoir testé une bombe à hydrogène début janvier, son quatrième essai nucléaire en 10 ans. Lourdement sanctionnée par la communauté internationale, y compris par la Chine, son plus proche allié, Pyongyang réplique depuis par des menaces de frappes nucléaires et des tirs de missiles répétés. Cela annoncerait-il la fin maintes fois prédite du régime des Kim ? Réponse de Jean-François Bélanger, doctorant à l’Université McGill et chercheur boursier au CÉRIUM.

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Quel est le calcul stratégique de Pyongyang derrière ces menaces répétées malgré les sanctions ?

La raison principale est la dissuasion : empêcher un pays tiers de mener des actions non-désirées telles une intervention militaire ou un renversement de régime. La Corée du Nord est un régime isolé par la communauté internationale, certes, mais aussi en vertu de la doctrine du « juche », principe cardinal du système politique nord-coréen qui met de l’avant l’autonomie nationale sur les plans économiques, politiques et militaires. Cela implique donc une politique étrangère et de défense farouchement indépendante. Les leaders nord-coréens — Kim Il-sung, puis son fils Kim Jong-il et son petit-fils Kim Jong-un — ont tous appliqué cette doctrine.

Or faute de moyens militaires suffisants, l’armée conventionnelle est incapable d’exercer seule cette dissuasion. Le régime s’est donc tourné vers l’arme nucléaire, accompagnée de moyens balistiques — des missiles.

La dissuasion repose sur trois piliers : communiquer la menace, être capable de la mettre à exécution et la rendre crédible. Pour Pyongyang, le point faible est la crédibilité, car des doutes planent toujours sur son programme nucléaire. Plus exactement, on ne sait pas s’il est parvenu à miniaturiser une ogive nucléaire afin de pouvoir l’installer sur la tête d’un missile. Pour être en mesure de projeter le feu nucléaire, c’est primordial.

En même temps, cette même incertitude pousse les Sud-coréens et les Américains à une certaine retenue. Ils n’étirent pas l’élastique autant qu’ils le pourraient en repoussant le régime dans ses derniers retranchements. Ils prennent cette menace nucléaire minimalement au sérieux. Pyongyang utilise ainsi ce que l’expert en stratégie nucléaire Thomas Schelling appelle la « rationalité de l’irrationalité ». : proférer des menaces qui semblent totalement irrationnelles — comme attaquer Séoul ou Tokyo — tout en laissant planer un doute sur la possibilité d’aller de l’avant. C’est suffisant pour inciter à la retenue.

Quelle est la ligne rouge à ne pas franchir pour Pyongyang ?

Jusqu’en 2010, alors que le bombardement d’une île sud-coréenne a fait deux morts parmi les civils, on affirmait qu’un tel incident — la mort de civils — justifierait une riposte. Or elle fut bien modeste : des exercices militaires conjoints plus imposants entre la Corée du Sud et les États-Unis. La ligne rouge n’est donc pas tracée clairement. Elle bouge.

Le déclencheur le plus probable d’un conflit ouvert avec la Corée du Nord serait un accident. Même si les systèmes informatiques et balistiques sont devenus très perfectionnés, bien meilleurs qu’au temps de la guerre froide, des risques d’accident demeurent. La Corée du Nord a plusieurs fois lancé des missiles qui s’abîmaient sciemment en mer non loin des terres sud-coréennes ou japonaises. Elle l’a encore fait récemment. Mais si, par erreur, l’un de ces missiles atterrissait sur un village côtier japonais, on pourrait alors assister à une escalade rapide des tensions. La retenue stratégique qui a jusqu’ici prévalu chez les alliés serait alors perçue comme de la faiblesse.

Que faire alors avec la Corée du Nord ?

Chose certaine, aucun joueur ne souhaite sa chute. Cela créerait une crise internationale : vague de réfugiés nord-coréens, instabilité géopolitique dans la région, etc. Alors la communauté internationale continue d’assurer la stabilité du régime. La probabilité d’un effondrement à court terme est donc faible.

Il faudra peut-être se résoudre à vivre avec une Corée du Nord nucléarisée. Car jusqu’à présent, force est de constater que les cycles habituels de négociations n’ont jamais empêché Pyongyang d’aller de l’avant avec ses ambitions nucléaires : Pyongyang brandit la menace, le monde adopte des sanctions, puis envoie de l’aide humanitaire afin d’éviter l’effondrement du régime. Bref, la menace paie.

L’objectif ultime est que Pyongyang devienne un citoyen « normal » de la communauté internationale. Pour le régime, il faut noter que l’arme nucléaire est aussi une simple question de statut sur la scène internationale. On l’oublie, mais en dépit de ses menaces, le régime affirme dans sa propagande depuis le premier test nucléaire, en 2006, qu’il a adopté une politique de « no first use », c’est-à-dire qu’il n’engagera le feu nucléaire qu’en cas d’agression. Comme la Chine, d’ailleurs, qu’on a pourtant réintégré dans la communauté internationale.

Source: ledevoir

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