Les médias maliens subissent durement les effets de la double crise sanitaire et politique. Les organisations professionnelles ont lancé le cri du cœur à ce sujet lors d’une conférence de presse, organisée hier par la Maison de la presse. Pour l’occasion, le président de la Maison de la presse, Bandiougou Danté, était entouré des représentants des éditeurs et diffuseurs télévisuels, Almamy Samory Touré, des éditeurs de la presse privée, Boubacar Kanté, du Groupe patronal de la presse écrite, Chahana Takiou, du président de l’Association professionnelle de la presse en ligne, Modibo Fofana et de Ramata Dia de Finza Radio.
Aujourd’hui, la presse malienne est confrontée à d’énormes difficultés, selon ses responsables. Il s’agit de la réclamation aux médias de la redevance audiovisuelle, du payement du droit d’auteur, du non renouvellement du bureau de la Haute autorité de la communication (HAC) et du non paiement par l’État de l’aide à la presse.
L’audiovisuel fait face à trois contraintes, selon Almamy Samory Touré. Le processus de Transition vers le numérique pour les télévisons et radios est interrompu. Des dispositions avaient été prises pour aller vers le numérique et abandonner l’analogique et permettre à ces entités de vivre. Parmi ces dispositions figure « le droit d’auteur qui réclame 5 million de Fcfa aux télévisions alors qu’il y a des chaines qui ont des thématiques différentes. Elles ne diffusent ni musique ni film. Alors pourquoi leur envoyer des factures ? », interroge Almamy Samory Touré. Dans le cadre de la transition numérique, certaines fréquences notamment les fréquences télévisions satellites et numériques (MMDS, sigle anglais) devaient être vendues aux réseaux télécoms (Orange, Malitel) pour en tirer profit. Le bénéfice de ces ventes devait être utilisés pour soutenir la transition numérique des chaines télé et radio.
«Une chose dont nous ne bénéficions toujours pas», a déploré Almamy Samory Touré qui trouve impératif que les tarifs d’interconnexion soient appliqués afin de faire face aux dépenses.
«La survie de la presse est aujourd’hui menacée», a ajouté Boubacar Kanté. En effet, l’aide publique à la presse dont le montant est estimé à 300 millions Fcfa est « introuvable depuis 3 ans», a déploré le représentant des éditeurs de la presse privée. Un manque à gagner qui, selon lui, expose les entreprises aux difficultés financières les empêchant de faire face aux charges, garantir les salaires et préserver les emplois des journalistes. S’adressant aux autorités de la Transition, Boubacar Kanté a dit : « Les médias souffrent des effets néfastes de la Covid-19, de la guerre, de la vie chère et des coups d’État successifs ». La qualité et l’objectivité de l’information reflètent aujourd’hui les conditions précaires dans lesquelles le métier est pratiqué au Mali, a affirmé Ramata Dia de Finza Radio. Plaidant pour une baisse des tarifs d’électricité, elle a invité à plus de professionnalisme au sein de la profession.
Chahana Takiou a plaidé pour que l’aide à la presse soit indirecte. Cette aide indirecte, selon le président de l’Association professionnelle de la presse en ligne, pourrait être une baisse des tarifs de la connexion Internet (750 mille Fcfa/mois en moyenne pour une rédaction) et bien d’autres, a précisé Modibo Fofana. Il a attiré l’attention sur la nécessité de définir un modèle économique pour la presse en ligne à l’instar des pays de la sous-région.
Prenant la parole, Bandiougou Danté a rappelé que les organisations professionnelles assurent le rôle d’interface entre les pouvoirs publics et les médias dont elles défendent les intérêts. «La presse fait face à de multiples difficultés dont la Covid-19 qui fait que les radios et les télévisions ont du mal à engendrer des recettes. Au même moment, il leur est exigé de payer des taxes, des redevances, des impôts. Il est donc capital que les autorités trouvent des mesures politiques pour permettre à la presse de survivre», a plaidé le patron de la Maison de la presse. Il a annoncé la mise en place d’une convention collective qui doit unir un organe et son journaliste afin de bénéficier de la protection sociale.
Par ailleurs, les échanges ont porté sur la loi sur la cybercriminalité. Cette législation est jugée liberticide.
Oumar SANKARÉ
Source : L’ESSOR