Depuis près de deux décennies en exil en France, Benoît Koukébéné est vice-président de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS), le parti fondé par Pascal Lissouba et présidé aujourd’hui par Pascal Tsaty Mabiala. Cet ancien ministre du Pétrole qui a modifié la donne dans les rapports entre l’État congolais et les grandes firmes pétrolières par les contrats de partage de production est un soutien du général Jean-Marie Mokoko. Refusant le verdict électoral de la Cour suprême du Congo, il a tenu le 14 avril une conférence de presse à Paris à la suite de laquelle il s’est confié au Point Afrique.
Le Point Afrique : On a noté des divergences au sein de l’opposition congolaise. Quelle est votre position à ce sujet et qu’allez-vous faire ?
Benoît Koukébéné : Dans tous les combats, il y a toujours des discordances à certaines étapes. Au Congo, c’est le cas et nous en sommes conscients. M. Guy-Brice Parfait Kolélas et M. Pascal Tsaty Mabiala sont des compatriotes. Nous allons tout essayer pour leur faire comprendre à quelle étape nous nous trouvons aujourd’hui et combien les Congolais souffrent, pour qu’ils infléchissent leurs positions et qu’ils nous rejoignent. Car avec M. Denis Sassou-Nguesso au pouvoir, on ne peut rien faire. Il faut que MM. Kolélas et Mabiala en aient conscience. Toutes les manœuvres clandestines ne servent qu’à faire souffrir le peuple congolais. Il faut sortir de cette situation. On ne peut pas parler d’élections législatives, au moment où l’on bombarde le Pool et que l’on tue des compatriotes. C’est surréaliste. Il y a des divergences, mais nous allons essayer de gérer ces divergences ensemble.
Que pensez-vous du manque de mobilisation de la Communauté internationale par rapport à ce qui se passe au Congo ?
L’Union européenne a fait une déclaration dans laquelle elle conteste la manière dont les élections se sont déroulées dans notre pays. D’ailleurs, elle n’a pas voulu envoyer d’observateurs pendant les élections. Le Parti socialiste français s’est également prononcé sur la situation au Congo. Je vais vous faire une confidence. Hier matin, j’ai reçu un courrier des autorités françaises dans lequel ces dernières réaffirment les dispositions de l’Union africaine et de l’OIF qui s’opposent à tout ce qui serait antidémocratique concernant les élections et les modifications des constitutions pour se maintenir au pouvoir. De ce point de vue, j’estime que la France s’est exprimée clairement. Mais, quel que soit ce que peut dire l’extérieur, le problème incombe aux Congolais, c’est à nous de faire ce que nous devons faire. Ne pleurnichons pas. Ce n’est pas aux autres de travailler à notre place.
Quelle est la prochaine étape ?
Nous continuerons la mobilisation, car nous pensons que M. Denis Sassou-Nguesso doit partir. Nous trouverons les formes pour qu’il parte, mais il doit partir. S’il ne veut pas, le peuple sera mobilisé. Denis Sassou-Nguesso contraint les gens à une migration intérieure, il a des armes et il tue. Lorsqu’un peuple est massacré et acculé, il a droit à l’insurrection. Mais c’est l’étape ultime, la dernière solution quand plus rien d’autre ne peut marcher.
Quelles sont les autres options ?
Pour libérer notre pays de la tyrannie de M. Denis Sassou-Nguesso, il y a trois voies possibles : les armes, l’insurrection, que j’ai évoquée plus haut, et la négociation-concertation. Nous allons essayer de faire partir M. Denis Sassou-Nguesso par la concertation, en impliquant des médiateurs, de préférence africains, éventuellement épaulés par des pays démocratiques comme la France. Mais il faut comprendre que Denis Sassou-Nguesso craint la Cour pénale internationale (CPI). Il a donc peur. C’est un humain. Pour l’instant, nous n’entendons pas utiliser des armes contre lui et créer des désordres qui amèneraient encore plus de morts. À cette étape, il faut discuter avec lui. S’il ne veut pas partir parce qu’il a peur, on lui proposera de partir, à Oyo s’il veut, et d’examiner les problèmes ensuite. On n’est pas obligé de l’envoyer à la CPI. C’est cela notre stratégie.
Quel rôle peut jouer l’armée ?
Les Forces armées congolaises ne sont pas armées. Au Congo, il y a une armée, mais elle n’est pas armée. Les forces se trouvent dans les mains des mercenaires installés à Tsambitso [près d’Oyo, dans la Cuvette, NDLR] et dans celles de la police, animée par M. Ndenguet. Il y a des milices, comme les Cobras et les Ninjas. L’armée est démunie, mais dans l’armée il y a des républicains. Ils existent. Certains sont sortis des grandes écoles militaires de pays démocratiques et ils ont à cœur de défendre le peuple. Peut-être que le moment venu, cela se fera.
Et la société civile ?
Au Congo, ou bien vous êtes avec Denis Sassou-Nguesso ou bien vous êtes contre. Car M. Denis Sassou-Nguesso ne peut pas supporter la moindre critique. Tous ceux qui ont essayé d’organiser une société civile forte ont été arrêtés ou brimés. Du coup, la société civile congolaise est faible. Mais aujourd’hui, rien n’est plus comme avant. Les choses bougent, des voix se lèvent, les gens s’organisent. Cela prendra du temps, mais on y arrivera.