Sous la houlette du Général Ismaël Cissé, le comité de gestion des déplacés internes de Senou était devant la presse le 13 septembre sur le site ou le camp des déplacés à Senou. Cette rencontre avait pour but d’éclairer l’opinion pour une prise de conscience collective sur les conditions de vie des déplacés maliens du centre en général, et ceux de Senou en particulier. Le thème de cette conférence était, « personnes déplacées internes au Mali, les enjeux sociopolitiques ».
Devant la presse, le Général Ismaël Cissé ; le Dr. Oumar Mariko, président du parti SADI ; Ibrahim Ély Dicko, professeur chercheur ; Abdrahamane Diallo de Tabital Pulaaku ; Madani Barry Tolo, Cola Cissé et Mme Cissé Asmaou Barry membres du comité de gestion, Mohamed AG Aboubacrine de la Commission vérité justice et reconciliation (Cvjr).
Bamako compte une dizaine de camps des déplacés internes, tous vivant des conditions très difficiles. C’est le site de Senou qui était sous les faisceaux des projecteurs. C’est un camp installé sur un terrain de plusieurs hectares, grâce au Général Ismael Cissé, un enfant de la région de Mopti au centre du Mali.
Le Camp de Senou compte 129 ménages pour 703 personnes, vivant de l’aide des bonnes volontés. Les besoins y sont énormes avec un dispensaire, le forage pour puiser de l’eau potable, des tentes collectives ; la pauvreté est une réalité, selon les explications de Kola Cissé, membre du Comité de gestion.
Selon Ocha, le Mali compte 266 681 personnes déplacées dont 80% ne bénéficie pas de prise en charge. Ils viennent de Bankass, Bandiagara, Douentza, Koro et migrent vers Koutiala, Segou, Bamako. Pour ce qui concerne le camp de Senou, des ONG humanitaires comme Al Farouk, Medecin sans frontière, des ONG turques comme Fosapma, ainsi que des structures onusiennes comme Unicef, viennent en appui ponctuels sans périodicité régulière, ce qui fait craindre le besoin. L’aide de l’Etat est très modeste, selon les responsables du comité de gestion du camp de Senou.
Parlant des enjeux sociopolitiques des personnes déplacées à Bamako, Madani Tolo a indiqué que la solution au problème de sécurité passe par le règlement de la question des déplacés et de l’entente entre les communautés. La crise qui sévit au centre est l’œuvre dune politique. Des gens sont venus instrumentaliser nos parents, les mettre dos à dos, indique-t-il.
Le professeur Brema Ély Dicko a précisé que notre pays compte 120 000 réfugiés dans les États voisins. Il a mis l’accent sur le fait qu’il y a des veuves, des veufs, des enfants orphelins, des démunis. « Le retour est voulu, souhaité, mais ne sera pas pour demain », précise Brema Ely Dicko. Il y a lieu de trouver des solutions durables. Certains déplacés sont dans les camps, d’autres dans les familles, il y a lieu de trouver un mécanisme de prise en charge de la scolarisation des enfants. Il faut une prise en charge psychologique, des activités génératrices de revenus pour les femmes après une formation, l’accompagnement psychologique, poursuit Brema Ely Dicko, avant de conclure que le retour des déplacés internes ne sera pas avant 5 ans.
Le Général pointe du doit l’Etat
Pour le Général Ismaël Cissé, ancien diplomate et ancien gouverneur du district de Bamako, l’Etat doit jouer son rôle vis-à-vis des déplacés internes qui n’ont rien fait pour mériter ce qui leur arrive. Ils sont confrontés à des difficultés au quotidien dont celle concernant des soins de santé, parce qu’ils manquent de médicaments. Au niveau du site de Senou, on dénombre plus de la centaine d’élèves qui n’ont pu retourner à l’école. Il y a des problèmes pour alimenter ce beau monde où l’emploi est rare. Mais pour le Général Cissé, la question d’eau est réglée sur ce site de Sénou.
Le forage réalisé dans son champ par l’ancien ambassadeur du Mali en Guinée équatoriale approvisionne le site en eau potable. En plus une cuve, don de médecins sans frontière, un forage de la commune VI et un autre réalisé par une ONG concourent pour la disponibilité constante de l’eau potable sur le site ou ‘’Camp de Senou’’ où vivent 129 ménages regroupant 703 personnes sous des dizaines de tentes. Aujourd’hui la question d’eau n’est plus un problème sur ce site, mais les difficultés se situent au niveau de la santé, l’éducation et la nourriture. « Le problème aujourd’hui, c’est que l’Etat ne joue pas assez son rôle, car ces personnes n’ont rien fait pour se retrouver là dans ces conditions difficiles. Les dilapidations d’argent, les gaspillages de ressources qui se font dans ce pays en disent long. Si on mettait le millième de ces fonds gaspillés, c’est assez pour les nourrir jusqu’à leur retour chez eux. L’Etat doit jouer son rôle pour restaurer la sécurité pour qu’ils retournent sur leur terroir, parce qu’ils ne peuvent pas rester comme ça », s’indigne le Général Cissé.
L’Etat responsable de la crise
Il a lancé un appel au gouvernement qui doit jouer son rôle et ne pas mettre les populations dos à dos pour les conduire à l’affrontement. « Pour ce qui concerne cette crise entre nous et nos parents dogon, le gouvernement y est pour quelque chose, l’ancien gouvernement et les politiques y sont impliqués. S’ils arrêtent ces jeux troubles pour parler et agir franchement pour le retour de la fraternité et la quiétude dans le centre, ces déplacés internes retourneront sans doute chez eux », a martelé le Général Cissé, au cours d’une interview en marge de la conférence. L’Etat doit s’impliquer pour que les écoles reprennent, que les dispensaires, l’administration, l’armée et la sécurité puissent assurer les services publics, car les déplacés ont besoin d’un accompagnement de l’Etat pour avoir perdu beaucoup de choses dans la crise, indique le Général Ismael Cissé. « Cette crise n’est que la résultante du fait que l’Etat n’a pas joué son rôle. C’est ce qui nous a conduit à cette situation », selon lui.
Les logements sociaux pour loger les déplacés
Le Dr. Oumar Mariko, faisant partie des conférenciers, a rendu un « grand hommage au Général Cissé, qui défend sa communauté sans tomber dans le communautarisme chauvin », a-t-il apprécié. A la cause des déplacés internes, l’homme politique, président du parti Solidarité pour la démocratie et l’Indépendance (SADI), a joint celle des refugiés maliens. « La situation des réfugiés en Mauritanie, au Burkina Faso et en Algérie, doit être une question de souveraineté nationale. Comment est ce que les maisons appelées logements sociaux sont vides à Bamako, à Ségou et que vous viviez sous les tentes ? », a déploré Oumar Mariko, s’adressant directement aux déplacés internes venus nombreux pour assister à la conférence de presse. Cette idée de l’homme politique a été accueillie par un tonnerre d’applaudissement. Il répondit lui-même à sa question : c’est parce que la question des déplacés internes n’est pas une préoccupation des autorités. Ces autorités font d’ailleurs de la question un fond de commerce pour récolter des donations et verser seulement la portion congrue.
Pour Oumar Mariko, la préoccupation essentielle aujourd’hui est de bien loger ceux qui sont déplacés à l’intérieur du pays. Pour cela, il faut qu’il y ait la volonté et l’engagement de le faire et ne pas mettre l’argent avant tout. Ceux qui sont aux affaires doivent prendre la mesure de la situation pour loger tout le monde dans les logements sociaux qui existent. Il y a aussi les maisons de l’Etat qui sont inhabitées un peu partout, il faut les y mettre et qu’ils aient la sécurité ici d’abord. Ensuite, il faut absolument que la guerre s’arrête, et pour cela il faut une volonté politique forte, selon Oumar Mariko.
De son côté, Abdrahamane Diallo, le secrétaire administratif de Tabital Pulaaku, une association qui, de longue date, regroupe les peuls, a emboité le pas à Dr. Oumar Mariko sur son idée de faire loger les déplacés dans les logements sociaux. « Les logements sociaux de Bamako seulement suffisent pour loger ceux qui sont déplacés ici. Allez à Ngaba koro, il y a au moins 20 000 logements inoccupés », persiste-t-il.
De son côté, le représentant de la CVJR, Mohamed AG Aboubacrine a indiqué que ladite commission a reçu 17 000 dossiers de violations à ce jour. Les déplacés victimes de violations doivent s’organiser pour déposer les dossiers au niveau de l’antenne la plus proche, quel que soit le lieu de la commission de la violation.
Dans le camp, l’éducation des enfants est prise en charge par deux imams, qui leur apprennent le coran en entendant le règlement de la question de leur scolarisation.
B. Daou
Source: Journal le Républicain-Mali