Le rêve de faire du Sénégal « un pays d’interconnexion » de ses investissements en Afrique charrie la volonté d’Ankara d’établir une Zone de libre-échange avec une CEDEAO qui ouvre ses portes au Maroc. Cela, au lendemain du rejet de son projet d’adhésion à l’Union européenne. C’est tout le sens qu’il faut donner à cette visite, à Dakar de Erdogan, qui intervient dans un contexte de renforcement de la présence turque sous nos cieux.
Lors de cette rencontre à Dakar, la Turquie avait exprimé son souhait de faire de la capitale sénégalaise « sa porte d’entrée » pour l’établissement d’une Zone de libre-échange avec l’Afrique de l’Ouest.
L’argentier de l’Etat turc avait, à l’occasion, fait part de la volonté d’Ankara d’augmenter sensiblement le nombre de vols et cargos de Turquie Airlines. Compagnie qui capitalise déjà sur une flotte de 300 avions. Le but est, selon le ministre de l’Economie, de faire du Sénégal « un pays d’interconnexion des investissements turcs en Afrique ». La position de Dakar est d’autant plus stratégique pour l’hôte de Macky Sall que le nouvel aéroport international Blaise Diagne de Diass est géré par un consortium d’entreprises turques (Summa-Limak), qui a terminé le chantier.
Il faut préciser que cette offensive de Recep Tayyip Erdogan se mène parallèlement aux manoeuvres devant déboucher sur l’adhésion du Maroc (lié à la Turquie depuis 2004 par un accord portant sur une Zone de libre-échange) à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Les prévisions indiquent que cette adhésion permettra, le cas échéant, de faire de cet espace économique ouest-africain la seizième (16e) puissance au monde, juste avant la Turquie, avec un PIB avoisinant les 745 milliards de dollars.
Ainsi, renforcée par le Royaume chérifien, la CEDEAO servira de tremplin à la Turquie pour aller à la conquête d’un vaste marché continental.
De 2,5 milliards de dollars il y a une quinzaine d’années, le volume des échanges commerciaux entre la Turquie et l’Afrique tourne autour de 25 milliards de dollars en 2018. L’objectif d’Ankara est de tripler ce volume, avec une focalisation sur la sous-région.
Toute la question est maintenant de savoir si les Turcs, à travers cet intérêt qu’ils attachent à l’Afrique, ne sont pas en train de procéder à un redéploiement stratégique avec le rejet, réitéré par Emmanuel Macron le mois passé, de leur projet d’adhésion à cette Union européenne, qui, par ailleurs, accroît sa présence sur le continent avec les APE.