Pour Nicolas Normand, ancien Ambassadeur de France au Mali, « aujourd’hui il y a trois sources de guerre au Mali, une première pilotée par des mouvements séparatistes et des narcotrafiquants au nord du pays. La gestion de cette guerre est due à l’évolution de l’Accord d’Alger. Une deuxième plus visible et très particulière, dirigée par les différents groupes djihadistes. Cette guerre considérée comme asymétrique est très difficile à gérer. Ces forces du mal peuvent se dissimiler et se disperser à tout moment dans la population civile, menée des attaques très violentes. Enfin une troisième qui est basée sur les affrontements intercommunautaires au centre du pays ».
Selon M. Normand, ces trois sources de guerre ont une même cause, elles s’expliquent par l’absence de l’État dans ces différentes zones. « Si l’Etat est absent dans une zone, les jeunes ne partent plus à l’école, ils n’ont pas de travail, les mouvements radicaux peuvent facilement avoir leur confiance et finissent par se rebeller contre L’Etat », explique M. Normand.
Pour M. André Bourgeot, spécialiste de la bande Saharo-sahélienne, la guerre du Mali est plus particulièrement djihadiste, car les méthodes utilisées par les groupes séparatistes ne sont pas les mêmes. Les objectifs sont très différents. Il y a certains qui sont pour la conquête du pouvoir, d’autres pour la conquête du territoire… Pour lui les causes de cette guerre sont multiples « l’absence de l’État dans l’ensemble du septentrion malien est une zone de non-droit. Cette zone est délaissée par l’État, et beaucoup de choses se fassent dans cette partie du territoire comme la criminalité, le trafic de drogue, des humains… »
En abordant directement sur la thématique du débat, Me. Abdrahamane Ben Mamata Touré pense que pour construire la paix, il faut arrêter la guerre, car selon lui, pour mettre fin à cette crise, il faut d’abord chercher les causes principales qui ont conduit le Mali dans ces conflits. « Le mécanisme de la construction de la paix est forcément tributaire du mode de sortie des conflits. Nous sommes dans une situation ou généralement quand on sort de l’impasse, soit c’est une façon définitive ou une façon provisoire. En fonction du mode de sortie de conflit, on construit un modèle de paix », a déclaré Me. Touré.
« Quand on sort d’un conflit perdant, on est contraint de négocier dans une position de faiblesse, ce qui nous impose des choses qui ne sont pas tenables de durée », dit-il.
Pour M. Normand, pour espérer une sortie définitive de la crise, il faut essentiellement appliquer l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. C’est la seule chose qui peut mettre fin à ce conflit. « Cet Accord prévoit des choses importantes et les groupes armés ont fait également des concessions, à savoir l’intégrité territoriale garantie par l’Accord d’Alger, le caractère laïc et républicain de l’Etat malien ainsi que la disparition des mouvements armés» Pour lui, il est très tôt de faire un bilan pour cet accord, même si ça fait 5 ans qu’il a été signé. Le processus est en cour « il faut que les parties conjuguent leurs efforts pour qu’il soit définitif ».
M. Bourgeot pense qu’il est difficile d’appliquer cet Accord sans le désarmement total des groupes armés qui, selon lui, refusent toujours de déposer les armes. « Face à cette situation, ni la communauté internationale, ni l’Algérie encore moins la France n’a jamais dénoncé le fait que l’Accord n’a pas été respecté par les mouvements signataires». En principe pour mettre fin à cette crise, il faut créer des armées mobiles qui permettront aux États qui font face à ce phénomène d’aller neutraliser les groupes djihadistes dans leurs cachettes.
Ibrahim Djitteye, stagiaire
Source: Journal le Pays- Mali