(Tahar Djaout, journaliste et écrivain algérien assassiné en 1993)
La transition est par définition un régime de construction. Elle ne fait pas de la gouvernance politique, au contraire, elle doit faire la propagande de ses missions de redressement et/ou de reconstruction par tous les moyens, y compris par la force publique.
Que vaut-elle alors si elle n’est pas capable d’anticiper sur les questions vitales de notre société et éviter au pays des blessures aux conséquences désastreuses.
Les blessures du silence dirait-on.
Le silence des autorités de la transition face à la grave crise qui secoue le secteur du patronat me pose d’énormes problèmes d’un point vue purement constructiviste.
Là, je ne parle pas d’ingénierie juridique pour colmater les brèches, mais je parle de règlement pratico -pratique d’une crise qui risquera de paralyser l’économie du pays et saper tous les efforts de redressement déployés par la transition.
La Transition CNSP a déjà identifié ses propres chantiers prioritaires à travers la feuille de route qui lui a été assignée, mais force est de reconnaître qu’en attendant de présenter au monde entier son chronogramme d’exécution qui tarde à venir, elle ne semble pas faire de son affaire la gestion efficace de certains secteurs stratégiques de l’Etat pour éviter des chocs profonds, susceptibles de déstabiliser notre économie, mais aussi toute la société.
L’affaire du CNPM est de celle-là.
On ne doit pas laisser l’anarchie gagner ce secteur pour l’image même du pays.
Avant-hier au Sénégal et hier en Côte d’Ivoire les Patronats de ces deux pays finançaient la lutte contre le Covid-19 et organisaient des séminaires de « mentoring » pour tripler le nombre d’entreprises aux chiffres d’affaires de milliards dans leur pays, que nous nous sommes encore dans les thématiques du boycot actif des sources de revenus de l’Etat.
Le patronat, c’est le monde des affaires et des entreprises, c’est le sérieux, c’est la compétitivité d’un pays dans le concert et le commerce des nations. Il ne doit jamais être un monde égotique et égoïste.
Le Patronat, existe dans les pays du monde et regroupe en son sein le gotha et la crème des producteurs de services et de moyens de chaque pays. Il constitue l’interlocuteur unique des gouvernants avec le secteur privé qui constitue la main nourricière de l’Etat. Au Mali, le CNPM est essentiellement chargé de l’organisation et de la performance du secteur privé. C’est le vecteur de la modernité même du pays.
Ce semblant de bicéphalisme entretenu et encouragé par la guerre juridique et médiatique que se livrent les deux camps, se fait toujours et uniquement sur le dos de l’Etat qui sera le plus gros perdant.
La crise multiforme politico-sécuritaire et socio-sanitaire nous interpelle. Notre secteur privé chancelant ne doit pas faiblir.
L’électorat du CNPM est connu et de notoriété publique. On parle d’à peu près 155 délégués votants qui peuvent être consultés tous en secret pour savoir l’état réel des légitimités que l’on pourrait qualifier d’auto-proclamées.
D’où vient alors cette querelle de légitimité individuelle qui se fait au détriment de l’intérêt collectif ?
« Who is who!» telle doit être la question fondamentale que les autorités de la transition doivent se poser SI l’on veut construire et bâtir une nation nouvelle et transparente.
Démonstration de force, paralysie de l’économie, refus de paiement des taxes et impôts, fermetures des portails informatiques. Qu’est-ce qu’il faudrait encore pour que nos autorités comprennent que c’est de l’intérêt supérieur du Mali qu’il s’agit et que notre économie exsangue ne survivra pas à un tel boycott.
Il est temps de dire STOP à l’infantilisation de ce secteur de haut niveau. Nous ne pouvons pas et nous ne devrions pas nous permettre une nième errance.
Les patrons du Mali devraient être aujourd’hui derrière chaque acte de construction posé par notre transition pour en apprécier voire valider le bienfondé dans l’intérêt du Mali.
Il y a urgence !!
Je propose aux autorités de la transition de se saisir de ce dossier brûlant avant qu’il ne soit trop tard. Certes il ne s’agit pas d’une mission contenue dans la feuille de route qui leur a été assignée, mais il s’agit d’un secteur stratégique du pays qui mérite une construction et une vision nouvelle.
Il faut commencer par :
– Convier toutes les parties à arrêter, avec effets immédiats, toutes les procédures judiciaires en cours et à venir, le temps de trouver un compris national au litige ;
– Commander sur-le-champ un audit de gestion du CNPM qui reçoit, à ce que je sache, des fonds publics au titre des vérifications à l’importation, cet audit apparaît aujourd’hui comme une nécessité absolue de bonne gouvernance à faire observer par la transition à tout point de vue et elle est même tenue de se l’appliquer à elle-même ;
– Convoquer les Etats généraux du secteur privé faisant intervenir tous les délégués déjà connus, les amis du Mali et les partenaires stratégiques dans l’optique de porter cette organisation vers le 3em millénaire en prenant le meilleur exemple chez le voisin en termes de stratégie de lutte contre la corruption et la stabilité des institutions ;
– Mettre en place une transition du Patronat qui fera le toilettage des textes et organisera de nouvelles élections exemptes de tout reproche POUR L’HONNEUR DU MALI.
C’est usant de ce privilège sans prix que la Transition fera œuvre utile de salubrité publique.
Aucun sacrifice n’est de trop.
Me Alassane Diop
Source: Le Pays–Mali