La rareté du produit sur le marché est due à notre trop grande dépendance de l’importation. Malgré la présence de trois cimenteries
Depuis presqu’un mois, le prix du ciment continue sa progression haussière provoquée par une pénurie du produit sur le marché national. La tonne (ciment importé comme local) se vendait 90.000 Fcfa. Il est actuellement cédé à 115.000 Fcfa voire 125.000 Fcfa dans certains magasins. Le sac de 50 kg coûte 6.000 à 6.250 Fcfa.
Cette flambée rappelle celle d’avril 2019. à l’époque, le prix de la tonne avait également atteint 125.000 Fcfa. Et comme cette année-là, les quelques rares camions qui arrivent aujourd’hui, sont revendus directement aux clients sans être déchargés. C’était le cas mardi matin devant la «quincaillerie de la jeunesse», sis à Kalaban coura ACI, sur la route de l’Aéroport international président Modibo Keïta-Sénou. «Tous les magasins de stockage de ciment sont presque vides. Ce camion nous a été proposé par un grossiste. Nous revendons dans la fourchette comprise entre 112.000 et 115.000 Fcfa la tonne, soit 6.000 Fcfa le sac», explique le propriétaire des lieux, Lamine Traoré. Qui explique que les différences de prix constatées sont le fait des intermédiaires.
Selon lui, la présente pénurie de ciment est engendrée par les grèves de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) et celle qui étaient en cours au niveau des usines de productions au Sénégal. «Ces débrayages ont provoqué la rupture de l’approvisionnement en ciment. Tous les magasins sont pratiquement vides. Quand le produit est rare sur le marché, le prix augmente conformément à la loi de l’offre et de la demande. C’est la loi du marché», analyse-t-il. Précisant que cette surenchère ne profite à personne, Lamine Traoré estime que le prix reviendra à la normale quand les importations reprendront véritablement entre le Mali et le pays de la Téranga. Toutefois, le principal problème est l’incapacité des usines locales à couvrir les besoins des consommateurs en ciment. Pour se faire, l’état devrait encourager la construction d’autres usines et réduire considérablement les coupures d’électricité, préconise le marchand.
à ce jour, le Mali dispose de trois cimenteries. Diamond Ciment compte deux usines de production d’une capacité d’un million de tonnes par an. La cimenterie Cimaf produit jusqu’à 500.000 tonnes par an. Les Ciments et matériaux du Mali (CMM-SA) ont également une capacité de production de 500.000 tonnes. Ce qui fait un total de 2 millions de tonnes.
4 MILLIONS- Cette production est insuffisante car le besoin national en ciment est estimé à plus de 4 millions de tonnes par an, selon la direction générale du commerce, de la concurrence et de la consommation. Surtout que Diamond a suspendu sa production à cause de la pandémie de la Covid-19. «Nous sommes en arrêt de production depuis plus d’un mois», confirme Achim Diallo de la direction commerciale de cette unité industrielle. Nos tentatives au niveau des deux autres usines sont restées sans suite. Autres raisons concernant la pénurie. Les trois semaines de grève des transporteurs sénégalais ont beaucoup perturbé l’approvisionnement de notre pays à partir de ce pays où transitent près de 70% des marchandises destinées au Mali, analyse une note de la direction générale du commerce, de la concurrence et de la consommation dont nous avons reçu une copie. Elle estime que la dépendance de notre pays d’une seule source d’approvisionnement engendre des crises cycliques et conjoncturelles chaque fois que le secteur connaît des chocs internes au Sénégal.
À titre d’exemple, le même phénomène s’est produit en mars dernier lorsque la principale usine sénégalaise est tombée en panne. à cette occasion, les autorités du Sénégal ont joué la préférence nationale en fixant des quotas à l’exportation et priorisant ainsi l’approvisionnement de leur marché intérieur. Cette année, malgré la reprise, les importations de ciment sont restées timides, les transporteurs privilégient le chargement d’autres produits économiquement plus avantageux, argumente la direction générale du commerce, de la concurrence et de la consommation.
Pour y faire face, la directeur générale du commerce, de la concurrence et de la consommation dit avoir déployé des agents sur le terrain pour constater et sanctionner d’éventuelles pratiques spéculatives sur les prix. Car, il a été dénoncé auprès de ses structures que pour maximiser leur marge commerciale réalisée sur le ciment, des revendeurs s’adonneraient à de la spéculation sur les prix pour rattraper le manque à gagner lié à la baisse des activités.
Dans le but de vérifier ces allégations, ses équipes ont analysé les structures de prix, des pièces comptables comme les factures des fournisseurs avant et pendant la crise et procédé à des interpellations, selon le document. «Des procès verbaux ont été dressés pour lesquels certains distributeurs sont convoqués à justifier les marges commerciales appliquées durant la période de crise», apprend la note technique. Qui rassure que la situation devrait se normaliser dans les jours à venir avec la reprise normale du trafic entre le Sénégal et le Mali, et la fin du confinement au niveau de la principale cimenterie malienne. Pour mettre fin définitivement à ces perturbations devenues cycliques et atténuer notre dépendance vis-à-vis des importations, la solution passe par la promotion et l’augmentation rapide de la capacité productive de nos cimenteries, suggère la direction générale du commerce, de la concurrence et de la consommation. Qui rappelle que les unités existantes sont confrontées aux délestages, au manque d’électricité, aux charges de production et aux effets économiques de la crise sanitaire.
Babba B. COULIBALY
Source : L’ESSOR