Conduite par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, M. Abdoulaye Diop, une importante délégation malienne a séjourné à Lomé (Togo) les 3 et 4 mai 2022. Le chef de la diplomatie malienne était porteur d’un message au président Faure Gnassingbé sollicitant sa médiation entre les autorités maliennes de transition et la Cédéao soutenue par la communauté internationale.
La médiation togolaise enterre du coup celle de l’Algérie. En effet, dans un communiqué publié le 11 janvier dernier, la présidence algérienne avait aussi exprimé sa disponibilité pour accompagner le Mali et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) «dans la voie salutaire de la compréhension mutuelle autour d’une vision solidaire». Et cela tout en mettant en garde «contre les conséquences politiques, sécuritaires et économiques que peut avoir toute transition longue telle que celle envisagée par la partie malienne».
Le 6 janvier, lors de la visite d’une délégation malienne, le président Abdelmadjid Tebboune d’Algérie a plaidé pour une transition courte de 12 à 16 mois. Ce qui était d’ailleurs la dernière proposition de la Cédéao. Mais, Bamako est restée ferme sur les «24 mois incompressibles».
Selon nos informations, le président togolais Faure Gnassingbé compte profiter de son séjour en Côte d’Ivoire (pour la 15e Conférence des parties à la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification/CNULCD qui a débuté à Abidjan lundi dernier) pour prendre langue avec certains de ses pairs de la sous région et du continent sur l’impérieuse nécessité de rapidement trouver un compromis avec nos autorités de transition afin de lever rapidement les sanctions en cours depuis le 9 janvier 2022 et abréger la souffrance des Maliens. Selon des indiscrétions autour de cette nouvelle médiation, le délai proposé pour le nouveau chronogramme tourne entre 18 et 20 mois.
Pour de nombreux observateurs, la diplomatie togolaise ne manque pas d’atouts dans ce dossier. En effet, Faure Gnassingbé est de plus en plus influent dans la sous-région à cause de l’estime que lui vouent certains de ses pairs comme Alassane Dramane Ouattara de la Côte d’Ivoire.
Lors d’une récente visite à Abidjan (Côte d’Ivoire) en début avril dernier, le président togolais avait appelé ses homologues de la sous-région à continuer de discuter avec les autorités de transition du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso afin d’éviter l’impasse.
«Nous avons consacré beaucoup de sommets à ces problèmes-là. Je pense que nous devons tout faire pour éviter l’impasse d’un côté comme de l’autre et sortir peut être des sentiers battus, réagir avec beaucoup plus d’audace, beaucoup plus de solidarité», a déclaré le chef de l’Etat togolais lors d’une conférence de presse co-animée avec le président Ouattara.
«Personne n’a envie que d’autres peuples souffrent de sanctions. Nous avons tous un agenda économique. Les perturbations que nous connaissons aujourd’hui, nous voulons que ce soit une mauvaise parenthèse. C’est un défi pour nous… Je sais que nous nous sentons parfois impuissants, mais nous ne pouvons pas céder au désespoir… Nous devons trouver cette solution…», avait-il conclu en s’adressant à ADO.
Robert Dussey à la manœuvre
Et Faure Gnassingbé est sans doute aujourd’hui le dirigeant ouest-africain à qui le Colonel Assimi Goïta a le plus confiance. En janvier dernier, le président togolais avait d’ailleurs rendu une visite «discrète» au président de la Transition. Une visite effectuée après un entretien téléphonique d’une trentaine de minutes avec le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.
Le rapprochement entre les deux dirigeants serait l’œuvre de Robert Dussey, le ministre togolais des Affaires étrangères réputé être l’un des «des rares responsables ouest-africain à être en étroite relation» avec le président Goïta. «Je le connais très bien, depuis très longtemps, bien avant qu’il ne soit président. Notre relation permet de faciliter les messages. C’est un homme bien avec qui il faut discuter et qu’il faut essayer de comprendre. Il est jeun et bien sûr il peut faire des erreurs, mais l’erreur est humaine», a confié le chef de la diplomatie togolaise dans un entretien accordé à nos confrères de «Jeune Afrique» (JA) en mars dernier.
«Je n’ai pas le droit de le juger. Mais je pense que c’est quelqu’un qu’il faut aider… Il est prêt à des compromis, je vous le dis avec certitude. Il est notamment prêt à décider d’un délai de transition raisonnable. Nous évoquons aujourd’hui 12, 16 mois… Les dernières discussions tournaient autour de 24 mois. Alors que, au départ, Assimi Goïta souhaitait rester 5 années supplémentaires à la tête de l’Etat. Je pense que proposer aujourd’hui 2 ans, c’est faire un compromis important», avait-il ajouté.
Selon Robert Dussey, l’implication de son pays dans la recherche d’un compromis entre le Mali et la Cédéao correspond à «la vision de la diplomatie togolaise». Elle ne date pas de maintenant. «Le Togo a toujours voulu faciliter les relations entre les peuples et les nations. Nous l’avons toujours fait, c’est notre ADN. Depuis les indépendances, dans les moments difficiles, nous avons toujours privilégié l’accompagnement aux sanctions, même si cela ne plaît pas à tout le monde», a-t-il confié à «JA».
Et déjà, il tablait sur un compromis entre 16 et 24 mois pour le nouveau chronogramme de la transition dans notre pays. Et nous sommes nombreux à souhaiter la réussite de cette médiation que d’aucuns qualifient déjà de «dernière chance» !
Moussa Bolly
Source : Le Matin