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Chronique satirique: Quand le juge dévore l’objet du litige

L’Accord du 25 février 2015 a pour principal gagnant le couple arbitral franco-onusien qui, sans en avoir l’air, dépouille les parties en conflit du ballon qu’elles se disputaient.

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L’Accord de paix signé le 25 février 2015 par le Mali ressemble, comme deux gouttes d’eau, à un marché  de dupes. Je crois savoir qu’on appelle ainsi, en français comme en grec,   un contrat où chaque protagoniste pense avoir roulé l’autre dans le sable de Kidal, pardon!, dans la farine. En tout cas, dans le cas qui nous intéresse, aucune des parties à l’acte ne déborde de sincérité mais, au contraire,  guette les autres au tournant, dûment armée d’une potence et d’un couteau à double tranchant.

Commençons par le gouvernement malien. Dépourvu d’armée et chassé à coups de gourdin de Kidal depuis la nuit des temps, il est tout heureux de constater que l’Accord ne parle ni d’indépendance du nord, ni de fédéralisme. Du coup, il l’a signé des deux mains, des deux pieds,  des deux oreilles et des 32 dents. Il l’aurait sans doute signé du nez si les usages diplomatiques l’avaient permis. Et pour qu’aucun « hassidi » de Bamako ne trouve l’occasion de ruer dans les brancards, le gouvernement n’a consulté personne avant la signature, préférant mettre tout le monde devant le fait accompli. Après cette prouesse, LadjiBourama et ses ministres multiplient journellement les rencontres pour expliquer à la société civile un texte que celle-ci n’a pas encore eu le temps de lire. Point n’est besoin d’être fin stratège pour comprendre que le gouvernement veut juste rassurer la communauté internationale sur sa volonté de paix en attendant de trouver les moyens de tresser sur la tête des rebelles une couronne de feu. Sauf erreur ou omission, ces moyens sont d’ailleurs en vue puisqu’une somptueuse loi de programmation militaire vient d’allouer au chantier de réhabilitation de l’armée malienne un budget de 1.230 milliards de FCFA sur 5 ans. Avec possibilité de renouvellement à partir de 2018. La fameuse loi aura donc deux vertus : lutter contre l’insécurité au nord et contre l’insécurité alimentaire des chefs politiques et militaires.

De leur côté, les groupes armés du nord traînent les pieds pour signer l’Accord. HCUA, MNLA, MAA et compagnie savent qu’en l’absence de fédéralisme et d’indépendance du nord, ils restent, comme vous et moi, des Maliens à part entière, malgré le port du turban et l’usage de la languetamachekou arabe. A ce titre, ils seront gouvernés par Bamako, quelle que soit la qualité de leurs amitiés avec le Qatar, la Suisse ou la Belgique. Ces constats font jaunir de colère les groupes armés qui n’arrivent pas à accepter qu’en dépit de leur supériorité militaire sur le terrain,  on ne les laisse pas former leur propre Etat et leur propre gouvernement. Par conséquent, nos compères rebelles poussent dans les rues de Kidal femmes et enfants pour signifier le rejet de l’Accord par le « peuple de l’Azawad ». Il ne manque plus qu’une marche de protestation des chameaux !  Ce que les rebelles ne crient pas sur les toits, c’est qu’ils n’ont aucune confiance dans le gouvernement malien et qu’avec ou sans accord, ils n’ont pas l’intention de se laisser désarmer ou cantonner. Ils n’oublient pas qu’à Bamako, nul ne veut passer par pertes et profits les soldats égorgés, en 2012, à Aguelhok ni les préfets dépécés, en mai 2014, à Kidal. Et puis, franchement, comment se laisser cantonner et désarmer quand on vit habituellement de trafics d’otages, d’armes et de drogues ? Pour toutes ces raisons, les groupes armés multiplient les prétextes pour ne pas signer l’Accord. Quand bien même ils le signeraient un jour, ils ne rateraient nulle occcasion d’en torpiller l’application, étant, comme chacun le sait, maîtres du terrain et capables de mener par le bout du nez tout gouverneur élu ou nommé.

Le médiateur algérien n’ignore rien, bien entendu, de la nature trompeuse de l’Accord. Mais que l’on se rassure:  l’Algérie n’a pas passé des nuits blanches à peaufiné cet Accord pour les beaux yeux du Mali ou des groupes armés; elle l’a fait pour protéger ses propres intérêts: garder le  contrôle de la région frontalière de Kidal pour y déverser ses propres jihadistesqui, ainsi libres de trafiquer dans le vaste désert maliano-algérien, oublieront de poser des bombes à Alger.

Quant à la France et à l’ONU, l’Accord leur permet de crier cocorico, de chanter à tout venant qu’elles ont atteint leur but: le règlement de la crise malienne. Elles savent cependant que rien n’est réglé mais comptent profiter de l’Accord pour se maintenir au nord-Mali, base idéale pour le contrôle stratégique du Sahel. Dans un horizon de 10 à 20 ans, les soldats et fonctionnaires de la MINUSMA continueront donc de faire la pluie et le beau temps au Mali, tandis que la France continuera d’y dicter sa loi (politique, économique et militaire) 55 ans après  avoir été chassée du pays par le président Modibo Kéita. Qu’on appelle cela recolonisation, protectorat, tutelle ou partenariat, peu importe: l’arbitre franco-onusien dévore bel et bien le gâteau territorial que se disputent les plaideurs (Mali et groupes armés), lesquels sortent brédouilles de l’affaire. Voilà une bonne leçon pour tous les frères africains qui n’ont pas la patience de laver leur linge en famille, n’est-ce pas ?

 

Tiékorobani

 

Source: Procès Verbal

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