La Coordination de la Majorité Présidentielle (CMP) a besoin d’un souffle nouveau pour permettre au Président de la République de traverser la tempête actuelle. Et cela, dans la perspective d’une éventuelle candidature de celui-ci en 2018 pour un second mandat.
Ils sont aujourd’hui plus de soixante (60) formations politiques à inscrire leur intervention dans le cadre du soutien aux actions du Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta. La Coordination de la Majorité Présidentielle (CMP) est l’organisation qui fédère les partis membres de la mouvance présidentielle. La CMP dont la présidence a été confiée au Rassemblement pour le Mali (RPM) en la personne de Boulkassoum Haïdara est dans une situation de léthargie totale et peine à engager des actions concrètes pour soutenir les actions du chef de l’Etat. Ce dernier, en fin 2014, a fait savoir son indignation et sa déception après la sortie au vitriol du Président Boulkassoum Haïdara lors du lancement des activités de la CMP.
Pour mieux comprendre le manque d’initiatives au sein de la CMP, il faut remonter à sa création. La coordination est née dans un contexte de malaise au sein de la famille politique qui accompagne le Président IBK. Quelques jours après son arrivée à la Primature, suite à la démission d’Oumar Tatam Ly, Moussa Mara rencontre les leaders des partis membres de la majorité dans une auberge sur la route de Koulikoro avec deux documents en main : la loi de 2002 portant statut de l’opposition politique et ‘’IBK : sept mois après le Mali dans l’impasse », un texte du Parena, une critique virulente contre la gouvernance du pays. Au cours de cette rencontre, l’idée est née de fédérer les forces politiques afin de soutenir d’une part l’action du Président de la République et d’autre part de répliquer aux sorties de l’opposition.
Le Premier ministre et sa cellule politique travaillent à sortir les premiers textes de la structure qui devait s’appeler alors la Convention de la majorité présidentielle. Entre temps, des textes sont publiés dans les journaux pour répliquer aux attaques de l’opposition notamment du Parena. Les premières fissures apparaissent. La goutte d’eau qui va déborder du vase est la répartition des postes. Charité bien ordonnée commençant par soi-même, le Premier ministre Moussa Mara, se bombarde Président. Il confie la 1ère vice-présidence au RPM en la personne de Mme Kéïta Rokiatou N’Diaye.
Un nouveau souffle !
Au cours d’une réunion tenue le 6 juillet 2014 à leur siège, les tisserands se fâchent et montent sur leurs grands chevaux. Ils rencontrent le Président IBK pour lui signifier leur position. Dans la foulée, la Présidente par intérim, Mme Kéïta Rokiatou N’Diaye, est destituée au profit de Boulkassoum Haïdara. Moussa Mara et la direction du Rpm se rencontrent le mardi 9 juillet 2014. Celle-ci menace de constituer un regroupement de la majorité différent de celui du Premier ministre. Boulkassoum et ses camarades avancent la date du samedi 16 août 2014 pour la tenue au Centre international des conférences de Bamako d’une grande manifestation au cours de laquelle leur majorité sera lancée. Cette nouvelle sème la panique à la Primature. Le Premier ministre décroche son téléphone pour appeler au secours certaines têtes de la majorité. Une réunion de crise se tient le mardi 12 août 2014 dans son bureau primatorial. Moussa Mara se résigne et envoie un projet de nouveaux textes de la majorité dans lesquels on ne retrouve aucune trace du Premier ministre. Le Président de la Convention Sociale Démocrate Cds Motogiuya, Mamadou Sangaré dit Blaise, joue à la facilitation entre la direction du RPM et Mara. Il obtient le report du meeting du RPM afin de préserver la cohésion de la majorité. Le Premier ministre qui venait de subir un revers prend alors ses distances avec certains responsables de petits partis. Il boude le lancement des activités de la Coordination au profit d’une mission dans la zone Office du Niger. Le leader du parti Yelema s’affiche rarement avec les leaders de la CMP. Ainsi, tous les jeunes présidents des partis de la majorité trainent les pieds et ne jugent pas nécessaire de mouiller ou d’accepter d’aller au charbon. Et cela pour plusieurs raisons.
Des partis alliés accusent le Rpm de faire montre cupidité dans la gestion des affaires publiques notamment dans le partage des postes de responsabilité. A l’Assemblée Nationale comme dans les collectivités locales, les alliés reprochent également aux Tisserands de pratiquer une politique de débauchage de leurs militants.
Au-delà du RPM, on pense que le Président IBK ne rassure pas les cadres politiques. Or si le chef de l’Etat continue de ne pas rassurer les cadres politiques, des fissures seront visibles au fur et à mesure que s’approchent les échéances de 2018. Et depuis un certain temps, le débat de la constitution des grands partis politiques ou de la reconstitution de certaines grandes familles politiques alimente les discussions dans les états-majors politiques.
Les communales et régionales, un tremplin !
La liberté de ton, voire d’actions des élus de certains partis de la majorité agace. C’est le cas d’Oumar Mariko qui ne se prive pas de son devoir de soumettre les ministres de la République à de véritables interrogatoires au cours des questions orales. Les interpellations de la Sadi avec des questions tranchantes poussent de nombreux observateurs à s’interroger sur son appartenance politique réelle. L’honorable Mariko est souvent hué par certains de ses collègues du RPM qui n’apprécient guère sa grande liberté d’actions.
L’interpellation du ministre du Développement rural, Dr Bocary Tréta, par l’honorable Bakary Koné de l’ADEMA-PASJ dans l’affaire d’engrais frelatés, a été diversement interprétée et a donné lieu à de nombreuses supputations. La direction du RPM ne s’est pas privée d’évoquer la question lors de la visite que la nouvelle équipe des abeilles lui a rendue. Les débats, disent-ils, ont été houleux et le Président Tiémoko Sangaré excédé a signifié à ses interlocuteurs que la liberté de ton des élus ne saurait être considérée comme un acte de déloyauté.
Voilà autant de raisons qui expliquent la panne de la CMP conçue pour être une force politique organisée et cohérente contre l’adversité de l’opposition. Les prochaines élections communales et régionales peuvent être un tremplin pour les leaders de la majorité de serrer les rangs ou d’étaler leurs divergences.
Les initiatives prises par la CMP sont rares surtout en ces moments où la situation du pays exige davantage des actions politiques fortes de la classe politique notamment de la majorité en faveur de la République. Les actions de soutien à l’accord de paix ont été suscitées par un membre du cabinet présidentiel qui a pris son courage pour bousculer ses camarades. La CMP a besoin d’un souffle nouveau pour permettre au Président de la République de traverser la tempête actuelle et dans la perspective d’une éventuelle candidature de celui-ci en 2018 pour un second mandat.
L’équation du second mandat !
A priori, rien ne devrait empêcher le Président IBK de briguer un second mandat de cinq ans en 2018. L’éventualité d’une candidature du Président de la République en 2018 est à l’étude au niveau des états-majors politiques mais semble être mise entre parenthèses à cause de la situation sécuritaire du pays. Face à une telle situation, quel schéma faut-il adopter ? Que feront Choguel Maïga, Me Mountaga Tall, Housseiny Amion Guindo, Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise, Oumar Ibrahim Touré, Oumar Mariko, Ousmane Ben Fana Traoré et les autres candidats qui ont soutenu le Président IBK au second tour ?
A l’exception d’Oumar Mariko dont la candidature ne souffre d’aucune ambiguïté, une éventuelle volonté d’IBK de rempiler en 2018 va mettre les autres dans une position plus ou moins inconfortable. Déjà, l’ancien Premier ministre, Moussa Mara, qui parcourt le pays voire le monde entier pour faire sa promotion, préfère ne pas se prononcer sur la présidentielle de 2018. Interrogé sur la question par nos confrères de Burkina24, voilà ce qu’il a déclaré : « Il y a eu l’élection présidentielle en 2013, à l’issue de laquelle, Monsieur Ibrahim Boubacar KEITA a été triomphalement élu pour un mandat de cinq ans. Il en est à deux ans. Il reste encore trois ans. Ce qui m’importe aujourd’hui est de contribuer à ce que le mandat du chef de l’Etat soit réussi. En tant que membre de la majorité présidentielle, c’est notre objectif. Pour ma part, je vais briguer la Mairie du district de Bamako à l’occasion des prochaines élections municipales. A chaque jour suffit sa peine ».
Deux scénarii sont à l’étude. Le premier scénario consiste à prôner la candidature unique du Chef de l’Etat sortant. Et le second sera une liberté de candidature, c’est-à-dire multiplier les candidatures au 1er tour afin d’atomiser les voix. Entre ces deux options, le choix sera vite fait pour le premier. Car, la meilleure façon de battre un président sortant est de le contraindre à un second tour. Donc, il faut miser sur la victoire dès le 1er tour. Le premier scénario consiste à rééditer l’expérience de 2007 où les grandes formations politiques ont soutenu dès le départ le Président sortant d’alors Amadou Toumani Touré. Face à la machine électorale déployée par l’Alliance pour la Démocratie et le Progrès (ADP) dont les principaux animateurs s’appelaient Pr Dioncounda Traoré, Younouss Touré, Feu Pr Mamadou Lamine Touré, Me Mountaga Tall, Choguel Kokalla Maïga, le Président candidat a été réélu dès le 1er tour avec plus de 70% des voix. Pour commenter la brillante victoire d’ATT, Me Mountaga Tall a qualifié de « bérézina » la défaite des leaders du Front pour la République et la Démocratie (FDR) d’Ibrahim Boubacar Kéïta, de Tiébilé Dramé, de Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise, de Soumeylou Boubèye Maïga, de Feu Abdoul Traoré dit Diop….
La reproduction d’une candidature unique de la majorité est possible mais demandera d’énormes sacrifices de la part d’IBK. Celui-ci doit mettre de l’ordre au sein du RPM où la guerre de clans fait rage en dépit de la négation de certains de ses barons comme le secrétaire politique, Nancoma Kéïta. Le chef de l’Etat doit aussi rassurer les cadres politiques qu’ils soient de son parti ou des partis alliés. Cela exige des compromis mais aussi des compromissions ! Est-il prêt à cela ? La conservation du pouvoir a des raisons que la raison elle-même ignore.
Chiaka Doumbia