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Chronique de Jean-Baptiste Placca : Afrique: de l’entourage des chefs d’Etat

Robert Mugabe lui-même refusait déjà toute retraite. Rien d’étonnant, donc, qu’il se soit associé aux ambitions de son épouse, qui rêve de lui succéder. Mais ce que tente le couple est-il moins grave que la transmission du pouvoir de père en fils ? Il était tout désigné pour succéder à Robert Mugabe, comme chef d’Etat. Cette semaine, Emmerson Mnangagwa a été brusquement limogé de son poste de premier vice-président du Zimbabwe, et tout porte à croire que c’est pour céder la voie à Grace Mugabe, qui rêvait de devenir présidente. N’est-ce pas troublant, ce limogeage qui tombe si bien ?

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Troublant, ça l’est, effectivement, et même un peu suspect. Car, depuis de longs mois, les Zimbabwéens assistaient, incrédules, aux manœuvres visant à éjecter Emmerson Mnangagwa de son poste de Premier vice-président, donc, de son fauteuil de dauphin constitutionnel. Il fallait non seulement l’éjecter, mais l’éjecter en faveur de Grace Mugabe, et le clan de la Première dame agissait à visage découvert pour cela. Mugabe lui-même participait au lynchage, et les plus indulgents voulaient croire qu’il était sous influence…

Le plus troublant, c’est cette impression, réellement désagréable, que Grace Mugabe est déjà aux commandes, et que c’est, en fait, elle qui orchestre la stratégie, et elle, qui a limogé le vice-président. D’ailleurs, les termes utilisés pour justifier ce limogeage sont d’une… banalité, que les observateurs les plus perspicaces prêtent davantage à l’épouse qu’au vieil homme. L’argumentation construite contre Emmerson Mnangagwa fait valoir que son comportement, dans l’exercice de ses fonctions, serait devenu «incohérent, au regard de ses responsabilités officielles». Pêle-mêle, on lui reproche, ensuite, de «manquer de loyauté, (…) de sérieux», et même de soi-disant manquer de respect. Et, pour finir, il est accusé d’une prétendue malhonnêteté.

 

Le vice-président lui-même ne cachait pas non plus son impatience à accéder au poste…

Il ne faut pas une patience surhumaine, pour espérer ramasser la mise d’un viager pris sur une personne de près de 94 ans. La vérité est que si Robert Mugabe venait à décéder pendant que Mnangagwa était en fonction, il aurait été difficile, sinon impossible d’empêcher celui-ci de devenir président. Ce qui se passe avec Robert Mugabe rappelle étrangement les intrigues autour de Habib Bourguiba, l’ancien président tunisien, qui a fini par être déposé, en novembre 1987, par Zine el-Abidine Ben Ali, pour sénilité. Au grand soulagement, à l’époque, du peuple tunisien.

A priori, rien n’autorise à penser que Robert Mugabe n’est plus en possession de tous ses moyens. Il est debout, c’est une certitude. Quant à la possession qu’il peut avoir de tous ses moyens, c’est une affaire bien plus complexe. Souvenez-vous ! Au moment où Bourguiba était déposé pour sénilité, il avait 84 ans, soit dix ans de moins que Mugabe, aujourd’hui. A bientôt 94 ans, Mugabe accuse, au minimum, quelques absences quotidiennes. Et lorsqu’il en est ainsi, un entourage manipulateur peut être tenté d’en profiter, laissant libre cours à toutes sortes d’intrigues, pour conserver le pouvoir. Et c’est là, malheureusement, que son entourage familial peut devenir dangereux pour un chef d’Etat.

 

C’est peut-être, après tout, un sentiment humain, lié à un simple désir de conservation ou de confiscation du pouvoir.

Humain, et bien plus répandu qu’on ne l’imagine, généralement. N’était-ce pas exactement ce que certains, en Algérie, reprochaient, il y a quelques mois, à l’entourage proche du président Abdelaziz Bouteflika ? Le doute avait même été émis sur certains actes censés émaner du chef de l’Etat, certains suggérant alors que c’étaient des faux, trafiqués par l’entourage, pour promouvoir tel, ou attribuer quelque avantage indu à tel autre…

C’est également arrivé au Nigeria, où l’entourage du président Umaru Yar’Adua, tout au long des derniers mois de sa vie, avait tenté d’entretenir le flou sur son état de santé, pour cacher qu’il était déjà mourant. On a également senti ce genre de tergiversations autour du président John Atta Mills, jusqu’à sa mort, en juillet 2012. Comme si tous ces entourages ne pouvaient s’empêcher d’entretenir le flou sur l’état de santé du président, afin de continuer à jouir des avantages et autres privilèges du pouvoir, alors que le président lui-même n’est déjà plus en état de gouverner.

 

Il y a d’autres exemples, dans l’histoire du continent, la Côte d’Ivoire, par exemple…

Nul ne sait, par exemple, le rôle qu’a joué l’entourage de Félix Houphouët-Boigny, ni par quel miracle son décès est intervenu exactement, le 7 décembre 1993, jour de la commémoration du 33ème anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, en pleine guerre de succession entre Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara. Il se passe toujours quelque chose au chevet d’un chef d’État mourant ou considérablement affaibli. Et c’est là que l’entourage peut se révéler être le pire danger pour le chef d’État en question.

Par Jean-Baptiste Placca

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