Selon le médecin généraliste Zoumana Mariko, les chenilles ont les mêmes valeurs nutritives que les poissons. En effet, 100 g de chenilles contiendraient 430 kg de calories, 53 g de protéines, 15% de lipides, 17% d’hydrate de carbones
Les chenilles ou encore les «chitoumou» en langue bambara sont les larves des lépidoptères (papillons). Extrêmement riches en vitamines, ces succulents insectes ne présentent aucun danger pour la santé humaine. Dans certains pays africains, les chenilles constituent un mets de choix. Elles sont consommées dans plusieurs pays, notamment en Centrafrique, au Congo et Burkina Faso etc. Au Mali, une grande partie des habitants de la Région de Sikasso dégustent les chenilles provenant du Burkina Faso. De nos jours, ces chenilles sont très appréciées par les Sikassois. Elles constituent surtout un véritable moyen de développement économique pour les Sikassoises et un certain nombre de Burkinabés.
«A la période où les pèlerins marchaient pour effectuer le pèlerinage à la Mecque, un homme, ne pouvant plus arriver à temps au lieu sacré pour immoler son mouton le jour même de la tabaski, décida de fêter en pleine brousse. N’ayant pas pu finir de manger la viande, le pèlerin parti en laissant la viande dans un sac accroché à une branche d’arbre de Karité. Quelques jours plus tard, c’est cette viande qui s’est transformée en chenilles», raconte une vieille dame Korotoumou Diamouténé, vendeuse de chenilles à Sikasso.
Selon le médecin généraliste, Zoumana Mariko qui a longtemps servi à l’hôpital régional de Sikasso, les chenilles ont les mêmes valeurs nutritives que les poissons. «100 g de chenilles contiennent 430 kg de calories, 53 g de protéines, 15% de lipides, 17% d’hydrate de carbones», a-t-il révélé. Et de préciser qu’ils contiennent également du potassium, calcium, magnésium et du zinc. A cela s’ajoutent, selon le médecin généraliste, le phosphore et le fer. «La consommation de 100 g de chenille par jour couvre plus de 100% des besoins journaliers de l’Homme en vitamines et en minéraux», a-t-i expliqué.
Il est 11 heures. En ce jour de marché (dimanche), le grand marché de Sikasso grouille de monde. Chacun vaque à ses occupations. Tandis que certains piétons se bousculent pour forcer le passage, d’autres de loin admirent les articles ou encore les produits des commerçants. Dans ce marché, juste à côté des fripiers et non loin de la maison du peuple, se trouve le point de vente de chenilles de Adjaratou Coulibaly. Assise, derrière une tasse contenant des chenilles, avec une ancienne boîte de tomate concentrée bien remplie au- dessus, Mme Coulibaly ne cesse d’attirer l’attention des clients sur sa marchandise. « Chitoumou beye, chitoumou beye, dionko chitoumou koura koura ni sanouma ? » en français « Venez achetez les chenilles. Des chenilles propres et bien conditionnées ».
Cette quadragénaire exerce ce métier depuis son bas-âge. En plus d’être grossiste, elle détaille également les chenilles au grand marché de Sikasso. Par semaine, Mme Coulibaly peut acheter, au Burkina Faso, 4 sacs de 100 kg de chenilles entre 150.000 Fcfa et 200.000 Fcfa. A Sikasso, elle détaille la grosse boîte de chenilles sèches entre 2000 Fcfa et 2250 Fcfa et celle des chenilles non séchées à 750 Fcfa. «La période propice des affaires est la saison pluvieuse, je peux écouler de 10 à 500 boîtes chaque dimanche », indique-t-elle avec sourire. Au-delà de cela, la commerçante de chenilles n’a pas manqué d’évoquer ses difficultés dans l’accès aux chenilles. « Nous sommes souvent confrontées à une flambée de prix de la boîte de chenilles au Burkina Faso. Cela est dû aux Chinois qui viennent s’y approvisionner pour la préparation des sardines à base de chenilles ». Par ailleurs, Adjaratou Coulibaly révèlera que grâce au commerce de chenilles, elle peut économiser par an 300.000 Fcfa après toutes ses dépenses. Sur place pour l’achat de ces somptueux ‘’chitoumou’’, Fatoumata Diallo, une de ses fidèles clientes affirme : «En cette période de chenilles, je ne peux pas passer deux jours sans en manger. Auparavant, j’étais obligée de couper ses deux têtes pour pouvoir les manger, mais plus maintenant», révèle-t-elle avant de préciser qu’on peut mariner les chenilles et les frire pour les manger comme de la viande grillée, les préparer dans toutes les sauces et même avec les haricots et le riz au gras. Résidente au Burkina Faso, Mme Bintou Diabaté loge spécialement à Sikasso pour l’occasion durant la campagne. Tout comme les précédentes interlocutrices, elle aussi s’y approvisionne en grande quantité. Elle s’assoie juste a côté des fripiers. « Par semaine, je peux acheter de 5 à 10 sacs de 100 kg », dit-elle. Elle soutient que le marché est assez alléchant.
Mme Diabaté souligne aussi l’importance de ce commerce : «Je me frotte bien les mains, car j’ai pu acheter, lors de la campagne passée, la nouvelle moto de marque KTM «RATO» à 600.000 Fcfa et j’assure également les dépenses de ma famille», révèle-t-elle avec fierté. Korotoumou Diamouténé qu’on a citée en haut pratique ce commerce depuis très longtemps. Elle vend les chenilles dans sa famille, au petit marché de Wayerma II et au grand marché de Sikasso. Elle s’en approvisionne soit dans le petit marché de Yégueré ou à la gare de Burkina Faso. Très connue pour l’hygiène qu’elle accorde à ses chenilles, la quinquagénaire reçoit notamment des clients de Bamako, Gao, Bougouni, Koulikoro, Koutiala et autres. « Par voyage, je peux acheter 20 boîtes de chenilles non séchées à 20.000 Fcfa et 1 sac de 100 kg de chenilles sèches à 50.000 Fcfa», explique-t-elle, occupée à étaler les chenilles sur sa terrasse.
En outre, Korotoumaou Diamouténé précise qu’elle détaille la grande boîte de la chenille sèche entre 1250 Fcfa et 2000 Fcfa, la petite boite à 250 Fcfa et des sachets à 500 Fcfa. Quand aux chenilles non séchées, elle cède la grande boîte à 1350 Fcfa et des sachets de 500 Fcfa. Ce commerce lui permet surtout de subvenir à ses petits besoins. «Cela fait exactement 6 ans que je vends les chenilles cuites », indique la vendeuse de chenille, Mme Coulibaly Fatoumata Koné, qui, à travers le traitement de ses problèmes de tension avec la chenille, a fini par se transformer en une vendeuse. «Chaque matin, je vends une boîte de chenille cuites à la porte de ma maison et j’en vend également dans le quartier le petit soir », précise-t-elle, tout en ajoutant: «grâce au commerce de chenilles, j’arrive à couvrir mes petites dépenses comme mes tontines, mes uniformes pour les cérémonies sociales et j’habille mes enfants aussi». Pour Mme Coulibaly, ces insectes produisent des avantages indéniables pour les consommateurs. A l’en croire, les chenilles sont efficaces pour les problèmes de tension, diabète, morsures de chiens. Elles facilitent également la bonne digestion.
Pour Fousseyni Diamouténè alias Djoss, un de ses clients, «seul celui qui ignore les avantages des chenilles refusent de les manger». Il soutient que c’est suite à son interdiction de manger la viande par son médecin qu’il a pris l’habitude de consommer les chenilles. Les Sikassois aussi bien que les Burkinabés sont aujourd’hui très convaincus des multiples valeurs nutritionnelles des chenilles.
Mariam F. DIABATÉ
L’Essor