En 1995, le très engagé réalisateur a frappé fort avec «Guimba» (Le Tyran) couronné presque un peu partout où il a été projeté. Ce chef d’œuvre du cinéma a par exemple été récompensé par le «Prix spécial du jury» au Festival de Locarno, le «Prix du meilleur long métrage» lors du 6e Festival du cinéma africain de Milan (Italie, 1996) et surtout «l’Etalon du Yennenga» au Fespaco (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou/Burkina Faso).
Cinq ans plus tard (1999), «La Genèse» est portée à l’écran et saluée par un nouvel Étalon du Yennenga au Fespaco. Cette œuvre a aussi remporté le Prix du «Meilleur long métrage» lors du 10e Festival du cinéma africain de Milan (Italie/2000). En 2001 Cheick Oumar a reçu le prix «RFI Cinéma du public» au Fespaco avec «Battù» réalisé en 2000.
«Je ne suis pas le producteur de Bàttu. C’est une production française. Ils ont mis la clé sous le paillasson. La Société des auteurs compositeurs dramatiques m’en a informé et je me suis mis sur la liste des acheteurs. J’ai pu racheter le film pour 15 millions de francs CFA. Ce n’était rien pour un film réalisé avec 1 250 000 000, car il y avait de grands acteurs, dont Dany Glover (acteur américain)», a expliqué le réalisateur dans un échange avec des jeunes étudiants. «Mais nous avons alors appris qu’il y avait 52 millions d’arriérés à régler. Du coup, le film est jusqu’à présent bloqué mais on va essayer de le sortir. Il est adapté du livre de la grande romancière Aminata Sow Fall…».
Fondateur du collectif de production, «Kora Film», Cheick Oumar est aussi un homme politique à cheval sur ses convictions. Président du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI), Cheick Oumar Sissoko a été nommé le 16 octobre 2002 ministre de la Culture dans le gouvernement d’Ahmed Ag Hamani. Il sera confirmé à ce poste le 3 mai 2004 dans le gouvernement d’Ousmane Issoufi Maïga avant de quitter le gouvernement le 27 septembre 2007.
Depuis le 5 mai 2013, Cheick Oumar Sissoko est le secrétaire général de la Fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI). Dans sa très fournie filmographie on retrouve «L’École malienne» (1982) «Les Audiothèques rurales» (1983), «Sécheresse et exode rural» (1984), «Nyamanton, la leçon des ordures» (1986), «Finzan» (1989), «Être jeune à Bamako» (1992), «L’Afrique bouge» (1992), «Problématique de la malnutrition» (1993), «Guimba, un tyran, une époque» (1995), «La Genèse» (1999), «Battù» (2000) et «Rapt à Bamako» (2014).
«J’ai étudié la science à Paris (maths et physique-chimie) et j’y ai débuté ma carrière politique. J’étais syndiqué dans différentes associations nationales à Paris et dans la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France. Quand je travaillais pour financer mes études, j’ai été syndiqué dans le plus gros syndicat français de l’époque. Dans les années 70, je faisais partie d’un Front du peuple de France contre les dictatures, contre la guerre du Vietnam», a-t-il confié aux étudiants de l’ISIS de Ouaga lors de la «Leçon de cinéma» organisée par Africalia en marge du Fespaco de 2019.
Un cinéaste engagé ?
«Dans ce moule, et dans ce syndicat étudiant, je me posais la question : comment réussir à poursuivre mes idéaux de justice sociale dans un continent qui était fortement marqué et martelé par les dictatures ?», avait-il poursuivi. «L’image s’est imposée à moi comme outil réel afin de construire un dialogue avec la population et ensuite éveiller des consciences. La conscience collective est un facteur déterminant de prise en charge par les peuples. Un seul film peut définir tout un programme et révéler toute une façon de vivre (les coutumes, les traditions, les comportements). J’ai donc fini par choisir le cinéma, surtout que j’allais voir beaucoup de films italiens qui étaient à la mode à l’époque», a indiqué Cheick pour justifier son choix d’être réalisateur.
Cheick Oumar Sissoko se considère-t-il comme un cinéaste engagé ? «Remplir notre mission c’est officialiser notre façon de vivre à l’écran, de souffrir, de lutter, de prendre du plaisir, et d’aimer. Je fais du cinéma pour parler de l’Afrique et des situations inacceptables, afin de faire avancer mon combat politique», a répondu le réalisateur aux étudiants de l’ISIS de Ouaga.
Et d’ajouter, «chaque film a une substance psychologique. De toute façon, on est engagé en faisant un film car on aborde un sujet, on véhicule un message, on a une histoire à raconter qui est liée à un problème de société. Je veux apporter ma contribution à ce continent, qui est marginalisé, qui offre des conditions de vie misérables à sa population. Je me considère comme un cinéaste qui fait des films d’auteur».
Une contribution très précieuse par la qualité de ses œuvres et la rigueur de son engament politique.
Moussa Bolly