Deux capitales de l’Afrique de l’ouest et deux réalités différentes, l’une aux antipodes de l’autre. Alors que la démocratie se consolide à Dakar, la «démoncratie» a le vent en poupe à Conakry.
En effet, au Sénégal où près de 7 millions d’électeurs ont été convoqués aux urnes ce dimanche pour désigner les 165 prochains occupants des sièges de l’Assemblée nationale à partie de 8 listes, les gladiateurs s’affrontent dans l’arène politique et les législatives de ce 31 juillet se résument en une lutte sans merci qui sert en même temps d’échauffement d’avant match, pour la présidentielle de 2024 prévue pour le 24 février 2024.
Une mise en bouche, pourtant aux allures de plat de résistance pour les champions de l’opposition et les candidats du pouvoir. Les premiers, réunis au sein de coalitions dont la plus en vue est indubitablement Yewwi Askan Wi (YAW) du duo Ousmane Sonko et Khalifa Sall, stratégiquement en pacte avec Wallu Sénégal de l’ancien président Abdoulaye Wade, sur les régions et localités où chaque regroupement est le plus fort, sont décidés à instaurer l’équilibre au sein de l’hémicycle et plus si affinité, c’est-à-dire prendre carrément les commandes de l’institution législative. Les seconds, quant à eux, au front sous la bannière de Benno Bokk Yakaar (BBY), avec dans la flotte d’autres coalitions de moindre envergure, ne sont pas prêts pour cette cohabitation, pourtant en vue, à en croire les premières estimations, soit des chiffres provisoires partiels, donc non définitifs et non officiels. Le pouvoir compte garde la main-mise sur cette institution, centre névralgique, s’il en ait, de la démocratie.
En tout cas, les premiers résultats renforcent les assises de YAW qui, en plus de sa prouesse électorale, peut compter sur la coalition du «Vieux» Wade, 96 ans qui revient pour «sauver» le Sénégal, si l’on s’en tient à la signification en français de Wallu. Certes, pour des erreurs la liste nationale des titulaires de YAW, menée par Ousmane Sonko, le truculent maire de Ziguinchor, a été disqualifiée, mais ce dernier dont la popularité ne se discute plus a été omniprésent au cours de la campagne électorale, pour ces élections législatives. Si cette joute constitue une véritable jauge pour la future présidentielle, elle est encore plus capitale pour l’opposition qui, suspectant Macky Sall de nourrir des ambitions pour un 3e mandat, entend ainsi lui barrer la route quant à toute velléité de charcutage de la constitution de sa part pour assouvir son dessein. Pour l’instant, le président sénégalais garde le silence sur cette initiative qui lui est attribuée, à tort ou à raison.
Si les législatives de tous les dangers se sont déroulées sans incident majeur selon le président de la Commission électorale nationale autonome (Céna), en Guinée voisine, plus rien ne va. Et pour cause! Après avoir opéré un braquage en bonne et due forme pour usurper à Alpha Condé, un pouvoir que lui-même avait confisqué en s’octroyant un 3e mandat, marchant sur les cadavres de ses concitoyens, la junte militaire au pouvoir en Guinée, se livre à un musellement en règle du peuple. Comme au Mali dirigé par un autre colonel putschiste, Assimi Goïta pour ne pas le nommer, le colonel Mamady Doumbouya fait la pluie et le beau temps. Interdisant des manifestations par-ci, faisant arrêter des leaders du Front national pour la défense de la constitution (FNDC) par-là, le loup putschiste qui s’était affublé d’une peau d’agneau ne laisse non plus aucun répit aux anciens opposants de son prédécesseur, qui, après avoir applaudi des deux mains et des deux pieds la forfaiture du «béret rouge» dénoncent aujourd’hui les dérives de sa transition. Une transition dont la durée 36 mois fait, du reste, hérisser le peu de cheveux qui garnissent encore le crâne du nouveau président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), le Bissau-Guinéen, Umaro Sissoko Embalo dont le tarif est de 24 mois, comme pour les juntes au pouvoir au Burkina Faso et au Mali. Il urge de ramener le colonel Mamadi Doumbouya sur le droit chemin pendant qu’il est encore temps pour éviter à la Guinée de retomber dans les serres acérées des démons de la violence!
Sénégal et Guinée, deux voisins, deux trajectoires si contraires et c’est l’Afrique de l’ouest qui rit et pleure en même temps!
Par Wakat Séra