Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne

Chabane Zerouk, ancien magistrat, à L’Expression «Une opération militaire est impossible au Sahel»

Ancien magistrat et ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature Maître Zerouk a également occupé de hautes fonctions de la République. En effet, cet énarque a officié au gouvernement de 1996 à 1998 en tant que chef de cabinet (avec rang de ministre). Il nous éclaire sur des faits de l’actualité nationale et régionale.

L’Expression :Un foisonnement d’événements marque l’actualité nationale et régionale. Commençons d’abord par la situation au Sahel. Quelle lecture globale faites-vous de cette situation explosive dans la région?
La situation explosive est due aux effets désastreux de l’exploitation néocoloniale des ressources sur le continent africain. Les facteurs économiques sont à la base de la série de coups d’État successifs en Afrique de l’Ouest. La pauvreté extrême des populations, malgré l’abondance des ressources et à cause de la France, a fini par susciter, à juste raison, un sentiment anti-français au Niger et ailleurs.
Les Africains ont compris qu’ils pourraient vivre dans la prospérité s’ils devaient assurer un contrôle sur leurs propres ressources. La France a bâti sa grandeur sur les conquêtes coloniales et veut la maintenir par une politique néocoloniale. Le Niger constitue la pièce maîtresse de la géostratégie et la géoéconomie de la politique néocoloniale de la France. L’industrie de la France fonctionne sur la base des matières premières arrachées aux 14 pays du Franc CFA à des prix très inférieurs que ceux du marché. Au Niger, elle achète le minerai d’uranium à un prix très bas qui lui permet de produire de l’électricité à bon marché et la revendre en réalisant de gros bénéfices. Nous sommes en présence d’un véritable gangstérisme fondé sur l’esclavage de l’Afrique par les entreprises vampires de la France. Si elle devait payer les matières premières aux prix du marché, ça serait l’effondrement de tout ce système qui lui permet de vivre au-dessus de ses moyens. Si la structure de production de l’électricité des centrales nucléaires est modifiée, sa capacité d’endettement s’en trouvera gravement affectée et la mènera à l’insolvabilité. Malgré l’agitation de la France, le coup d’État au Niger a atteint son point de non-retour. La sagesse invite plutôt à réfléchir à l’après au lieu de s’essouffler à prôner un retour au statu quo. La guerre en Ukraine a considérablement affaibli l’Europe qui cherche désespérément à la finir. Dans la zone CFA, plus rien ne sera jamais comme avant. Les Africains doivent prendre conscience, sortir de cette logique de simples pourvoyeurs de matières premières, s’émanciper politiquement et économiquement et construire un appareil de production moderne et compétitif pour transformer en produits finis leurs matières premières. Les grandes agences de notation, telles Moody’s et Standard & Poors ont placé la France sous «perspective négative». Sans l’Afrique, l’économie de la France n’est qu’un château de cartes qui est mis à rude épreuve par l’augmentation des taux d’intérêt, l’explosion du budget et la montée en puissance des mécontentements sociaux. La France a adopté une politique vis-à- vis du Niger qui diffère de celle du Gabon en favorisant le Niger par rapport à l’existence de la société Areva chargée de l’exploitation de l’uranium du Niger

Concrètement, quelles seront les retombées sur l’Algérie d’une éventuelle attaque militaire étrangère au Niger?
Il est quasiment impossible que la France et les pays de la Cédéao interviennent militairement parlant car cela provoquerait un embrasement de la région du Sahel qui est pour l’heure sous l’influence des Russes. En cas de conflit militaire, la Russie et la Chine ne seraient pas dans l’expectative.

L’Algérie a proposé une initiative pour un règlement diplomatique de la crise. Et jusque-là elle a réussi à calmer les ardeurs de ceux qui voulaient la guerre. Comment voyez-vous l’évolution de la situation dans ce pays?
Notre pays a une riche expérience pour désamorcer les crises, en plus l’Algérie est respectée et écoutée par les pairs africains. Je pense que cette initiative de médiation entre les gouvernants et les putschistes, s’inscrit dans un contexte d’apaisement, et qui arrangerait davantage les intérêts de la France dans la sous-région.

Les États-Unis, partagent l‘approche algérienne dans cette crise. Cette convergence annonce-t-elle un nouveau souffle des relations entre Alger et Washington surtout que cette dernière semble adopter une nouvelle position dan,s le conflit du Sahara occidental?
les convergences de vues entre notre pays et les États-Unis seront a l’avantage des acteurs des conflits, c’est une bouffée d’oxygène pour eux, cette initiative permettra à notre pays, d’espérer gagner la confiance des Américains en vue d’arracher une position favorable de la part des États-Unis pour s’aligner à la position algérienne vis-à-vis du Sahara occidental. Le Mali n’est pas en reste. Des indices probants laissent croire qu’il y a une volonté de revenir à une solution militaire pour le règlement de la crise au nord du Mali, ce qui signifie la mise sous le boisseau de l’accord d’Alger. Une guerre au nord serait très préjudiciable pour l’Algérie. Pour ce qui est du Mali, le pouvoir en place, à mon avis, passera à l’acte pour neutraliser les dissidents et régler définitivement le conflit avec le nord du pays contrôlé par l’Azawad. Quant aux répercussions de cette aventure sur l’accord d’Alger, les Maliens sont bien conscients, et ne trouveront jamais une occasion aussi propice, pour renier cet accord car la situation politique actuelle qui prévaut au Sahel leur est favorable.

Un évènement a marqué ces derniers jours l’actualité nationale: l’affaire du général Khaled Nezzar. La réplique des autorités algériennes a été ferme. Pouvez-vous nous éclairer davantage sur ce dossier en votre qualité d’ancien magistrat?
L’affaire du général Khaled Nezzar, est un dilemme pour sa personne, ce n’est pas innocent, vu que les deux plaignants, l’un s’est désisté de sa plainte, l’autre est décédé, par conséquent, il y a vice de forme, plus de témoignage à charge, pis encore, depuis plus de douze ans que le dossier ouvert et clôturé après les auditions des parties, on se demande pourquoi le ministère public helvétique remet ce dossier sur la table en visant son enrôlement pour des chefs d’inculpation qui ne tiennent pas debout. Sur la forme, l’action est irrévocable. Sur le fond, action infondée. Monsieur Nezzar, est loin du terrain pour exercer ce genre d’actes criminels qui lui sont reprochés, c’était un homme politique, ministre de La Défense d’un pays souverain qui était ébranlé par la nébuleuse djihadiste islamique, qui cherchait à mettre le pays à feu et à sang, donc si on suit ce raisonnement, il faut mettre en cause tout le peuple algérien.
Par conséquent, les autorités judiciaires suisses n’ont aucune compétence pour juger un général algérien qui était au service de sa patrie.

 

Source: lexpressiondz

Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne
Ecoutez les radios du Mali sur vos mobiles et tablettes
ORTM en direct Finance