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Ces femmes sur lesquelles s’appuie secrètement l’Etat Islamique pour se développer

Umm Sayyaf, veuve du haut dirigeant de l’Etat islamique Abou Sayyaf, a été capturée par les troupes américaines après le raid de mai. Aux mains de l’armée américaine, elle s’est exprimée sur la façon dont l’EI s’appuie sur des réseaux de femmes pour fonctionner.

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Atlantico : En mai, les forces américaines ont capturé  Umm Sayyaf, présentée comme l’épouse d’un haut gradé de l’Etat islamique. La jeune femme  s’est livrée et détaille tout une partie de l’action des femmes au sein de l’EI. Quel est le rôle de celle-ci dans le combat mené par l’Etat islamique ?

Alain Rodier : Sans vouloir dévaluer en rien l’opération commando menée par nos amis américains en Syrie, je pense que l’objectif n’était pas de capturer “Abou Sayyaf” mais un cadre de beaucoup plus haut niveau que lui. En effet, ce dernier ne figurait même pas dans les effectifs déclarés de la choura, l’organe de commandement de l’Etat Islamique (EI) .

Certes des activistes de Daech ont été neutralisés lors de cette opération et les commandos US sont rentrés saints et saufs à bon port ce qui constitue un très brillant succès qui rejoint ceux remportés régulièrement par les forces spéciales françaises au Sahel mais l’ “importance” d’Abou Sayyaf -et donc de son épouse- me semble avoir été surévaluée dans un but de communication. Il fallait bien justifier le déclenchement de cette opération à hauts risques. Les informations transmises suite à l’interrogatoire de Umm Sayyaf me paraissent donc sujettes à caution. Quant au rôle donné aux femmes au sein de l’EI, il faut rappeler que ses leaders basent leur politique sur un salafisme-djihadisme pur et dur, c’est-à-dire sur une application stricte de l’islam des origines qui fait référence au Coran, aux hadiths et à la biographie de Mahomet. Or, dans ces textes, les femmes ne sont pas autorisées à combattre (à une exception près) mais doivent être soumises à leur époux et élever les enfants nés de leur union. C’est donc cette vision intégriste qui dirige les principes appliqués aux femmes vivant sous la tutelle de l’EI.

Si les femmes ne combattent pas, quelle est leur première mission ? Servent-elles effectivement à recruter et “récompenser” les jihadistes après le combat, ou veillent-elles plus à pérenniser le conflit ?

Daech, qu’on le veuille ou non, a créé un “Etat” à qui ne manque qu’un ministère des Affaires étrangères. Encore faut-il que cet “Etat” conçu pour durer dans le temps ait une “population”. Les chiffres varient actuellement entre 7 et 10 millions d’âmes administrées par Daech. Comme les salafistes-djihadistes sont persuadés que leur combat va durer des générations, il convient donc que les épouses (le mariage est obligatoire) soient fécondes pour fournir les futurs djihadistes. Cela rappelle étrangement le régime nazi qui souhaitait développer une “race aryenne pure”en invitant les bonnes épouses à  faire beaucoup d’enfants puis à  les éduquer pour que, le temps venu, ils prennent la relève de leurs ainés. Les adolescents sont déjà pris en main par les cadres de l’EI qui les “forment” dans leurs écoles et qui récompensent les meilleurs en les faisant assassiner des prisonniers en public. Cette manière de décérébrer des jeunes a été abondamment employée avec les “enfants soldats” en Afrique et aujourd’hui par les sicarios (les tueurs) des cartels latino-américains. Daech autorise les jeunes à porter les armes dès l’âge de 16 ans mais les entraîne bien avant en les soumettant à une formation idéologico-militaire. Donc, les femmes vivant au sein de l’EI doivent épouser un djihadiste (qui a le droit à plusieurs épouses sans compter les esclaves), faire des enfants et diriger leur éducation morale et physique (détaillée dans un manuel largement distribué) jusqu’à ce que les écoles de l’ “Etat” prennent le relai. Elles doivent également galvaniser leurs époux en les soutenant lorsque leur moral commence à flancher. Leur rôle moral est, en conséquence, primordial. Des djihadistes qui proviennent de l’étranger savent -c’est dans leur contrat- qu’ils auront droit à une épouse fidèle et soumise. Les volontaires féminines sont conscientes qu’elles seront mariées et devront être soumises à leur époux. Les aspirants au djihad, hommes et femmes, sont bien souvent attirés par ces règles qui donnent un “sens” à leur vie. Ils n’auront pas à trouver l’âme sœur puisque le conjoint leur sera présenté, pour ne pas dire imposé. Les femmes apprennent à manier des armes légères mais dans un but d’autodéfense pour le cas où. Les seules unités armées de femmes sont des bataillons de police intérieure chargés de contrôler les autres femmes, les hommes n’étant pas autorisés à les fouiller en raison de la doctrine pratiquée évoquée plus avant. C’est la grande différence avec les forces kurdes où il existe des unités masculines et féminines. Il est bon de se souvenir que les Kurdes qui s’opposent à Daech sont aussi des musulmans sunnites mais leur approche de la religion est bien différente.

La charia est appliquée de façon très stricte au sein de l’Etat islamique, mais est-ce le cas partout ailleurs, dans les mouvements terroristes ? L’idée de femmes participant de manière opérationnelles aux assauts est-elle envisageable chez Boko Haram ou chez Al-Quaïda ? Dans quelle mesure cela risque-t-il de provoquer des discensions ?

Boko Haram emploie des femmes (et parfois des jeunes filles) comme kamikazes. Elles s’infiltrent plus facilement car sont discrètes et les contrôles les concernant sont plus rares (toujours en raison de l’application de la loi islamique). Mais, ce mouvement rebaptisé la “province d’Afrique de l’Ouest de l’Etat Islamique” depuis son ralliement à Daech applique un islam mâtiné de croyances locales (le syncrétisme) qui devrait passer pour une déviance inadmissible aux yeux des érudits de Daech. Toutefois,  la réalité opérationnelle impose à la direction de Daech  qui souhaite étendre son influence en Afrique à ne pas s’appesantir sur ces dérives qui ne seraient pas tolérées ailleurs. Il est possible que cela crée des problèmes relationnels entre la direction de l’EI et les leaders de Boko Haram dans l’avenir mais ils n’en sont pas là : priorité estt donnée à l’offensive tous azimuts. Pour vaincre l’ennemi, il faut tenter de bien comprendre comment il fonctionne, Penser que les femmes (locales et étrangères) qui vivent sous le régime de l’EI sont des dérangées mentales est une erreur. En réalité, elles croient trouver ” le prince charmant” avec lequel elles participeront à la lutte contre l’oppression des “mécréants” et des “apostats”. Fonder une famille stable et respectueuse des usages est une idée qui les séduit également. Elles se rendront vraisemblablement compte plus tard que le “prince charmant” n’existe pas, que leurs enfants seront formés à massacrer d’autres musulmans (en particulier les chiites) et qu’aucune perspective d’avenir ne s’ouvrira devant elles. Mais il sera alors bien tard pour un retour en arrière, s’il est possible. Daech n’aime pas laisser repartir les membres de son “Etat”.

source : atlantico

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