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Centre du Mali : L’hydre djihadiste de plus en plus difficile à vaincre

En 2012, le Nord malien est entré dans le jeu avec grand fracas. En 2014, l’infiltration djihadiste au Centre s’est faite à pas feutré. Mais plus aujourd’hui. Car les barbus ne se cachent plus. Ni dans le Delta intérieur du Niger. Ni dans le Seeno. Ils travaillent à avoir un califat et ils sont en train de l’avoir. 

adam thiam journaliste presse

Dans l’off-shore de l’impunité que devient le Centre du Mali,  l’air est lourd à respirer en ce mois de juillet 2017  pour des populations partagées entre la sourde exaspération et la muette résignation. Il ne peut en être autrement, déplore Samba, conseiller municipal à Tenenkou : « l’Etat est absent. Sur les 218 villages que compte ce Cercle, l’armée et la gendarmerie ne sont visibles qu’à Tenenkou-ville ». Même pas dans sa proche banlieue. C’est pourquoi début juin, arraisonnant un camion de ravitaillement,  les barbus ont fait décharger et brûler  son contenu, c’est à dire le ciment  transporté pour le projet local de logements sociaux.   De nombreuses sources affirment que depuis que ces djihadistes ont pu obtenir la fermeture des écoles françaises à partir de 2015, ils arrivent à recruter  plus de  jeunes du terroir. Or, il n’y avait pas de pénurie de main d’œuvre. Les écoles coraniques foisonnant dans le Macina (cœur de l’ancienne théocratie de Sekou Amadou au XIXè siècle) et offrant peu de débouchés à ses diplômés, elles constitueraient un réservoir naturel pour les salafistes. Nul doute alors qu’au Centre les djihadistes se sentent chez eux. Ils sont sans entraves. Ils édictent de nouvelles lois. Ils  détricotent le délicat filet social, fruit de compromis séculaires. Par exemple, dans les aires de Diafarabé et du Diaka,  les hameaux de cultivateurs sont forcés de se replier sur le villages-mères. Conséquences : pas de champs à cultiver, mobilité réduite du bétail. Et puis pour les djihadistes, ces « bambaranké » ( ethnie Bambara en peul) ne sont pas des musulmans, donc leurs biens relèvent du « nganima ». Cette qualification autoriserait les barbus à s’approprier « les biens des impies ». C’est ainsi que sur le marché à bestiaux de Mourah, entre Djenné et Tenenkou, les djihadistes vendent le bétail saisi sur les cultivateurs bambara.  Le fait est suffisamment connu et il aggrave le cauchemar né des tensions Peuls-Bambaras ou Peul-Dogon qui commencent à pourrir le vivre ensemble dans la Région de Mopti, donnant lieu au raccourci dangereux qui fait de tout Peul un djihadiste et de tout djihadiste un Peul. Or cet amalgame n’a pas lieu d’être car aucune ethnie n’est privilégiée dans l’empire rigoriste qui prend forme dans le Centre. En fait, l’argument, c’est la religion et la leur, l’islam et le leur.

Guerre contre l’islam soufi 

Les preuves sont légion. A Sabaré, (dans la Commune de Diondiori où en avril dernier, un djihadiste avait tiré gaillardement sur un ballon de football derrière lequel couraient trois enfants), l’imam Peul avait été sermonné et attaché comme un panier de cola avant d’être relâché par les djihadistes. C’était en fin juin dernier. Son crime était d’avoir pris l’initiative d’organiser des invocations de fin du ramadan selon un rite soufi bien rôdé dans le terroir. « Contraire à l’islam » avaient décrété les nouveaux maîtres des lieux. Même scénario à Wuro Nguia, haut-lieu du savoir coranique dans le Macina : la traditionnelle séance d’invocation coranique de fin de ramadan qui avait réuni la crème du terroir allait être dispersée sans ménagement et dans les crépitements des armes des mujahhidine. Là aussi, c’était en fin juin dernier. Partout la nouvelle loi des hommes de Koufa est imposée : même les rites du mariage n’obéissent plus qu’aux seules prescriptions du Coran telles qu’édictées par les puissants chefs de ce qui est devenu un Califat avec pignon sur rue. Autre preuve que plus rien n’échappe au rouleau compresseur des nouveaux législateurs ? A Niasso, toujours dans la commune martyre de Diondiori dont l’école et la radio ont été fermées par une patrouille djihadiste,  il avait décrété fin juin dernier que les femmes ne devaient pas participer à la pêche collective. Les  six responsables de la mare qui n’ont pas cru devoir faire appliquer la consigne, sentent encore dans leur chair les conséquences de leur négligence. Ils furent simplement enlevés, attachés, sortis du village avant d’être libérés quelques jours plus tard après cent coups de fouets chacun.  A la veille de l’Eid el Fit, donc fin juin dernier, à Toguéré Koumbé,  un village situé à moins de 80 km de Tenenkou, les femmes molestées n’ont pas reçu une punition aussi sévère. Mais elles furent elles aussi cravachées pour n’avoir pas porté le voile malgré les consignes maintes fois répétées de la police islamique. Celle-ci était allée jusqu’à dire, tout de suite après le sermon de l’imam attitré, et le jour de la fête de ramadan, qu’ils savaient que les djihadistes faisaient l’objet de vives critiques dans la population mais qu’ils ne sauraient longtemps tolérer un tel écart ! Le lendemain, grosse démonstration de force : le village est encerclé par des colonnes de djihadistes qui enlèvent le chef de village puis le libèrent plus tard en raison de la colère des jeunes décidés à en découdre avec eux. Les envahisseurs pour une fois avaient reculé.

Présence syrienne ?

Pendant ce temps, vers le 14è parallèle, notamment dans le Cercle de Douentza, les populations s’habituent à la présence de nouveaux imams. C’était le cas dans la commune de Kéréna où soixante-douze heures avant le sommet du G5 à Bamako,  la prière était dirigée par un imam dit d’origine syrienne. Un événement pas isolé, selon plusieurs ressortissants de ces contrées livrées à la loi islamiste. La légion étrangère a pris pied dans ces terres sanctuarisées où il faut également craindre les retombées des perturbations des systèmes de production et les conflits inter ethniques. Hélas, tout cela se passe dans une région en récession qui avait en plus, avec 24%, le plus faible taux de scolarité du pays. Les autorités régionales de l’éducation estiment qu’aujourd’hui que près de 17 000 enfants ne vont plus à l’école. Sur les sept cercles de la Région, seul Bandiagara a gardé ouvertes tous ses classes, révèlent ces autorités.  Pour tout le reste, Tenenkou, Djenné, Koro, Bankass, Youwarou, le glas est en train de sonner. Et preuve que l’hydre tue plus au Centre qu’au Nord à la date d’aujourd’hui,  Kidal dans l’Adrar a aligné soixante-douze élèves pour le Def, examen de fin d’études primaires, pendant qu’il n’y en a eu aucun pour Kouakourou dans le Cercle de Djenné.  Les barbus avaient mis un point d’honneur à obtenir des salles vides dans cette commune à leur merci. Et comme souvent, c’est leur volonté qui a été faite. Des troupes du G5 sont annoncées. Mais couper toutes les têtes de l’hydre terroriste dans le Centre sera la mère de tous les combats.

Adam Thiam

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