Après la sortie médiatique de ses détracteurs, le 25 octobre 2018, c’était au tour du président déchu de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Amadou BAH, de donner sa version de l’affaire qui éclabousse cette structure depuis quelque temps. C’était à la faveur d’une conférence de presse qu’il a animée ce jeudi 1er novembre 2018, à la Maison de la presse.
Au cours de cette rencontre avec les hommes de média, M. BAH, sans parler d’indiscipline budgétaire, a reconnu avoir utilisé les indemnités des démembrements de la CENI pour payer le reliquat du contrat d’achat des 17 véhicules 4X4 destinés aux Commissaires.
C’était en présence du Questeur déchu, Beffon CISSE, du 1er vice-président, Moussa SOGOBA ; ainsi Amary TRAORE, vice-président chargé de la communication, etc.
L’objectif de cette sortie médiatique était, dit-il, de clarification, était rétablir la vérité et de consolider l’image de la CENI.
À l’entame de ses propos, il a souligné que cette crise provoquée par certains membres de la CENI ne se justifie ni en fait ni en droit. Notamment, dit-il, quand on sait que le travail de la CENI a contribué à crédibiliser l’élection présidentielle de 2018.
S’agissant des accusations de malversations financières, M. BAH a fait savoir qu’un mois avant son voyage médical, il a reçu une mission d’audit du ministère des Finances qui était venue faire le point sur la gestion des fonds alloués à la CENI pour la supervision du scrutin présidentiel de 2018. Cette mission a travaillé pendant 45 jours avec les responsables de la CENI. Cet audit a pris fin le 25 octobre dernier. C’est pourquoi, M. BAH a invité ses détracteurs à attendre les résultats cette enquête qui dira si oui ou non il y a eu des cas de détournement à la CENI.
S’agissant de sa destitution, il a fait savoir que cette procédure n’existe ni dans les statuts et règlement de la CENI, ni dans le manuel de procédure encore moins dans la loi électorale. «Je suis surpris que ce débat me revienne, même au niveau des démembrements, on a souvent souhaité changer les membres de la CENI», a-t-il dit. Pour trancher cette question, il a fait recours à la l’article 12 de loi électorale qui stipule : ‘’toute contestation par les partis politiques et les candidats en lice aux différentes élections portant sur les membres de la CENI et de ses démembrements est soumise respectivement à l’appréciation de la Cour Suprême et des tribunaux administratifs dans un délai de quinze (15) jours à compter de la date de publication du décret ou de la décision de nomination. Lesdites juridictions statuent dans un délai de dix (10) jours’’. À la lumière de cette disposition de la loi électorale, M. BAH, estime que toutes réclamations hors ce délai sont forcloses.
Selon lui, il n’y a pas de frondeur à la CENI, car, dit-il, au niveau de cette structure chaque membre a son rôle.
Selon le conférencier, les frondeurs n’avaient pas la qualité pour convoquer une Assemblée plénière extraordinaire. Cette disposition existe à la l’article 30 du règlement intérieur de la CENI qui dit que c’est le président qui convoque les plénières ordinaires ou extraordinaires. Et, en cas de refus, c’est à la demande des deux tiers du bureau que cette plénière extraordinaire peut être provoquée. Avec une CENI composée de 15 commissaires, la loi demande que ce soit au moins 10 commissaires qui soient à l’initiative de cette plénière. Pour ce faire, il a appelé les frondeurs à la discipline.
À l’épineuse question d’achat des 17 véhicules avec les indemnités des commissaires et autres démembrements de la CENI, le président Amadou BAH botte en touche avant de reconnaître les faits. Selon lui, après sa mise en place, en 2016, les membres de la CENI étaient souvent obligés, pendant 8 mois, de louer des véhicules pour mener les missions. Toute chose, dit-il, n’est pas reconnue par les textes de la structure. Cette situation est restée ainsi jusqu’à ce que le gouvernement ait passé un marché public, à travers le ministère des Finances, pour l’achat de 17 véhicules en deux lots, en 2017, d’un coût total de 670 246 000 F CFA. Une somme qui, explique-t-il, dépassait largement les 300 millions FCFA initialement prévus dans le budget de la CENI pour payer les véhicules des membres de la CENI en 2017.
Malgré tout, l’État a accepté de payer à ce prix. Pour ce faire, le gouvernement a demandé au fournisseur d’accepter d’être payé en différé. Avec une tranche de 30% dès livraison des véhicules en décembre 2017. À la date du 6 novembre 2017, la CENI a fait le virement de cette première partie du marché, soit 214 524 000 F CFA.
Ainsi, le reliquat qui s’élevait à la somme de 500 556 0000 F CFA devrait être payé avant le délai de 60 jours suivant la livraison, selon le contrat. Cette disposition a été finalement modifiée pour étaler le payement du reliquat sur deux ans.
Entre temps, les commissaires étaient embêtés par la police en ville avec les véhicules en CH. Face à cette situation, le président de la CENI, selon ses propos, a décidé d’interpeller le fournisseur pour avoir les documents des véhicules. Ce dernier qui n’était pas mis dans ces droits refuse de délivrer les documents administratifs des véhicules.
Pendant ce temps, pour l’organisation des élections et du référendum de 2017, la somme de 1,3 milliard FCFA avait été allouée à la CENI. Ce pactole n’avait pas été mobilisé par la CENI en raison du report des élections. C’est ainsi qu’en 2018, le ministère des Finances a décidé d’affecter cette somme au compte de CENI pour servir d’avance pour le fonctionnement de 2018 et pour les indemnités de 2019.
Pour avoir les cartes grises des véhicules, la CENI a décidé en plénière de payer le reliquat de fourniture de véhicules qui était inscrit au budget 2018 de la CENI. Ainsi, à la date du 16 février 2018, un ordre de virement a été établi en faveur du fournisseur de 4X4, soit un montant de 500 556 000 F CFA. Dans les 15 jours qui suivent, le fournisseur a amené les plaques et les cartes grises des 17 véhicules. «Tout le monde était content de cette situation. Je n’ai pas vu quelqu’un qui a protesté pour dire, je préfère ne pas circuler…», a-t-il critiqué.
Malheureusement, l’État n’a pas été solvable. Malgré les lettres de rappel adressées au ministre des Finances, rien n’y fut. «Nous, on a pris sur les indemnités, pensant qu’au bout de 3 ou 4 mois, le ministère allait verser ça (reliquat) dans notre compte. On est au mois de novembre, ça n’a pas été fait », s’est-il désolé.
Conséquences de cette situation, les démembrements de l’intérieur du pays de la CENI sont à 4 mois d’arriérés d’indemnités.
Rappelons que selon les frondeurs, il y a, à ce jour, le non-paiement des 661 délégués de Niafunké et de Ténenkou et d’une partie de ceux de Kidal. Soit un gap de 683 640 000 francs CFA pour lesquels aucun autre commissaire ne semble avoir d’explication à l’exception de M. BAH et de son questeur Beffon CISSE. Ce gap se présente comme suit : 501 840 000 F CFA pour les C.E.C ; 127 800 000 F CFA pour les C.E. Cercles, 54 000 000 pour les C.E.R.
Idem pour le fonctionnement des démembrements avec un gap de 64 260 000 F CFA.
Rappelons qu’à l’issue d’une plénière extraordinaire des commissaires de la Commission nationale électorale indépendante (CENI), tenue ce jeudi 25 octobre 2018, à son siège à l’ACI 2000, les frondeurs avaient mis en place un nouveau bureau.
Par Abdoulaye OUATTARA
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