Jeudi dernier, la prétendue ex rébellion a célébré, au nez et à la barbe de la communauté internationale et du Mali, pour une énième fois, la déclaration d’indépendance d’une Azawad qui n’aura obtenu la reconnaissance d’aucun État. La souveraineté retrouvée tant fêtée n’aura pas empêché cet affront inacceptable pour tout État qui se respecte. Et la médiation internationale, apathique, complaisante des groupes rebelles, n’en pipent mot. Elle est complice de par son silence et son manque de communication sur cette célébration qui est clairement une violation de l’esprit de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation.
Si l’aberration d’un tel Accord pouvait se symboliser en une seule date, ce serait bien le 06 avril. Pour rappel, c’est ce jour de l’an 2012 que le porte-parole du MNLA, devenu entre-temps « ex rebelle », a déclaré l’indépendance de l’Azawad. C’était sur les antennes de France 24. Les Maliens en furent choqués, attristés, abasourdis. A la faveur de l’opération Serval, et la relative libération des grandes régions du nord, les rebelles qui s’étaient jonchés au Burkina Faso, se sont refait une virginité. L’on s’attendait à la fin pure et simple d’un énième épisode de rébellion qui aura causé par son accointance avec Iyad Ag Ghaly et alliés, plus de morts et de désolation. Mais le sauveur d’alors jugea nécessaire de redorer le chèche du rebelle et de reléguer toute une nation, dans toute sa diversité et surtout dans sa forte envie de paix et d’unité, au même pied d’égalité que de groupuscules d’individus armés qui ont les mains tâchées de sang.
Après plusieurs phases de pourparlers sous l’égide d’Alger, l’Accord pour la Paix et la Réconciliation est élaboré. Le Mali consent à l’appliquer presque sans amendement, et surtout, sans œuvrer à obtenir une quelconque approbation du peuple. L’Accord qui modifie l’ordonnancement institutionnel du pays aurait pu tout de même être soumis à l’appréciation de la Représentation nationale. L’Accord ne fut pas l’objet de débats, ni à l’Assemblée, ni nulle part. Résultat, à cause d’une communauté internationale qui aura fait preuve d’une méconnaissance coupable du dossier malien, et à la passivité de nos gouvernants d’alors, le Mali se retrouve avec un Accord qui ne l’arrange point mais dont il est tenu d’appliquer.
Malgré l’existence d’un cadre qui reconnait le caractère indivisible du Mali, la pacification du pays demeure très laborieuse. Le désarmement des rebelles ne connait pas une franche adhésion, mais surtout, un climat de défiance entre les parties signataires existe. Sans parler de la présence toujours plus accrue de la nébuleuse de l’extrémisme violent.
Aujourd’hui, le constat est que chaque partie prenante de l’Accord se trompe de combat et de stratégie. La communauté internationale s’est, semble-t-il, mis derrière la France en ce qui concerne le dossier malien, et le résultat est que cela va à l’encontre des intérêts du pays. Beaucoup voient en ce choix comme une volonté manifeste de diviser le pays dans un avenir plus ou moins proche, tant l’erreur est grossière. La rébellion n’aura pas compris que plus vite elle fera amende honorable mieux elle se forgera une sorte de légitimité. Au fil du temps, elle s’enferme dans une absurdité qui est finalement une sorte d’apatridie. Quant à l’État malien, en plus de manquer de courage, de caractère et de stratagème au temps du défunt régime, aujourd’hui il est déplorable que la Transition s’enflamme en décrétant une souveraineté retrouvée. Et ce, dans un pays où l’autorité en place ne peut empêcher des groupuscules de déclarer une indépendance fantomatique, où une mission de maintien de paix est en place, et où l’Administration peine à se déployer sur l’ensemble du territoire.
Il aurait été préférable d’en instaurer une en hommage des victimes de Sobane da ou encore d’Ogossagou.
Ahmed M. Thiam
Source: L’Alternance