Le Maroc tente de sortir de sa tour d’ivoire, nuancer ses certitudes pour prendre un nouveau départ avec les pays ouest-africain.
Hôtel Sofitel Ivoire, avec une vue imprenable sur la baie de Cocody, une équipe de l’institut Amadeus s’affaire depuis près d’une semaine pour préparer une rencontre importante avec des chercheurs, des politiques, et autres responsables ivoiriens. L’ambassade du Maroc est partie prenante de l’évènement. En témoigne l’investissement de l’équipe et la présence de l’ambassadeur M. Kettani, du début jusqu’à la fin de l’évènement.
Cette mobilisation n’a qu’un seul objectif : rectifier le faux départ du Maroc dans sa candidature pour une adhésion au sein de la CEDEAO. On percevra d’ailleurs un début d’acte de contrition dès le mot d’ouverture prononcé par Brahim Fassi-Fihri, président de l’Institut Amadeus. Il plaide l’humilité de la démarche et tente de rassurer sur les intentions du Maroc.
La délégation marocaine sait qu’elle marche sur des oeufs et tente de ne froisser personne. «A Dakar, les débats étaient chauds. Ici à Abidjan ça devrait être plus calme, mais on est pour un débat ouvert afin de se dire les choses», me souffle un membre de l’organisation.
Hégémonie versus humilité
Sont en effet balayés les principaux arguments des pourfendeurs de la candidature marocaine : «le Maroc n’a pas de visée hégémonique», «le Royaume n’est pas la Chine», «nous ne sommes pas le cheval de Troie de la France en Afrique», etc.
Un intervenant égrène tous les avantages d’une intégration régionale. D’abord économique, les bénéfices pourraient ensuite ruisseler vers les populations, pronostique-t-il. L’intégration du Maroc au sein de la CEDEAO consacrerait le groupement de pays en tant que 4ème puissance démographique, et se hisserait même à la 3ème place dès 2030. Un vaste marché intégré qui ne pourra donc qu’aiguiser les appétits.
Les investissements en Afrique de l’Ouest n’ont pas commencé avec la candidature du Maroc en février 2017. Ils sont en effet le fruit de liens tissés sur la durée. En Côte d’ivoire en particulier, le Royaume s’est hissé parmi les plus grands investisseurs, notamment en 2015 où il prenait la pole position. Il n’a donc pas fallu beaucoup d’efforts aux Marocains pour convaincre les participants ivoiriens à la rencontre du 20 avril à Abidjan.
Les maux sont importants
Mais malgré le satisfecit affiché, la journée a été émaillée par de nombreux bugs et maladresses qui témoignent que malgré les efforts et l’humilité annoncée, les vieux travers demeurent. Certains participants ivoiriens ont exprimé des critiques lors des débats mais aussi en off. Ne pas les entendre c’est continuer dans l’aveuglement de l’année dernière. Il ne suffit pas de répéter que nous sommes africains pour rassurer les Ivoiriens, les Sénégalais, les Ghanéens, les Nigérians, etc. Comment convaincre alors que parfois certains -consciemment ou inconsciemment- font preuve de reflex de «Tintin au Congo» ? Les gestes mais aussi les mots sont importants. «Vous les Africains…», «J’ai reçu beaucoup de ministre africains», et la cerise sur le gâteau : «Je viens de découvrir aujourd’hui ce que c’était la CEDEAO».
A ces maladresses sont venus s’ajouter des dossiers sensibles qui n’étaient pourtant pas à l’ordre du jour. La récurrente rivalité maroco-algérienne s’est ainsi invitée au débat du fait même des organisateurs. Plusieurs intervenants n’ont pas manqué d’en faire le reproche, ne voyant pas ce que venait faire les attaques à l’adresse d’Alger alors que l’objet ici était de convaincre de la sincérité du Maroc dans son processus d’adhésion à la CEDEAO. Lors d’une discussion en privé, un sociologue ivoirien n’a pas manqué d’exprimer ses inquiétudes sur l’importation de conflits du Nord vers l’Afrique de l’Ouest. En clair : on a déjà assez de problèmes à résoudre pour ne pas rajouter celui entre un potentiel futur membre et un pays qui n’a rien à voir avec la CEDEAO.
Moralité : La symphonie voulue par Amadeus aurait pu être mélodieuse si ce n’étaient ces fausses notes.