La mutinerie lundi dernier à la prison centrale de Yaoundé met au jour les conditions difficiles de détention dans les prisons du pays où sont détenues des figures de la vie politique nationale depuis plusieurs années.
Les premières arrestations de leaders politiques au Cameroun datent de la période qui a suivi la libéralisation sur le papier de l’espace politique du pays au début des années 90.
L’ancien bâtonnier de l’ordre des avocats, maître Yondo Black, fait partie des premiers qui en ont fait l’amère expérience. Il a été emprisonné pendant trois ans en 1990 pour avoir initié une série de manifestations afin d’exiger le respect des principes démocratiques.
“Lorsque le président Trump arrive à dire que les chefs d’Etat d’Afrique – il ne voulait pas citer le nom du président Biya – ne travaillent que pour se maintenir au pouvoir en mettant en prison tous ceux qui viennent en travers de leur route, et bien c’est de l’objectivité.”
Une longue liste de détenus politique
À la suite de maître Yondo Black, d’autres figures de la vie politique et sociale du Cameroun sont passées par la case prison. L’économiste Célestin Monga a exigé dans les années 90 plus de liberté et de démocratie dans une lettre ouverte à Paul Biya qui ne l’a pas appréciée. On peut également citer le fondateur du quotidien camerounais le Messager, Pius Njawé, décédé en 2010. Il a été emprisonné plusieurs fois pour ses articles critiques contre le président camerounais.
Au lendemain de la toute première élection présidentielle pluraliste du Cameroun en 1992, l’opposant Ni John Fru Ndi s’est autoproclamé président de la République. En conséquence, il a été assigné en résidence surveillée pendant plusieurs mois.
Les caciques du régime
La machine de répression n’a pas non plus épargné les pontes du régime de Paul Biya.
Depuis 2006, à la faveur de la création de l’opération anti-corruption de l’opération “Epervier”, plusieurs proches collaborateurs du président ont été arrêtés et placés sous mandat de dépôt à la prison de Kondengui à Yaoundé. Ils ont par la suite été condamnés à de lourdes peines de prison. C’est le cas de l’ancien secrétaire général de la présidence Marafa Hamidou Yaya, qui purge une peine de 25 ans de prison depuis 2012, ou encore Jean-Marie Atangana Mebara, lui aussi ancien secrétaire général de la présidence condamné à 25 ans de prison. Il y a aussi Polycarpe Abah Abah, l’ancien ministre de l’Économie et des Finances entre 2004 et 2007, condamné à 25 ans de prison pour des malversations financières estimées à près de 12 millions d’euros. Sans oublier l’ancien Premier ministre Ephraïm Inoni, qui purge une peine de 20 ans de prison. Celui-ci a été blessé lors de la révolte des prisonniers de ce lundi 22 juillet. Enfin, Yves Michel Fotso, l’ancien patron de la compagnie aérienne Camair a été condamné en avril 2016 à la prison à perpétuité pour le détournement de près de 50 millions d’euros.
Mauvaises conditions de détention
Marie-Evelyne Petrus-Barry, la responsable du bureau Afrique de l’Ouest et du Centre d’Amnesty International déplore également les conditions de détention :
“Il y a la surpopulation dans les prisons camerounaises, notamment Kondengui, les questions de détention sans présentation à un juge pendant de longues périodes, des détentions préventives extrêmement longues et des conditions de prison extrêmes.”
Joint par la DW, Pascal Messanga Nyamding, membre du comité central du RDPC au pouvoir a reconnu les conditions abominables de détentions dans les prisons du Cameroun. Un autre pénitencier est en construction dans la capitale politique camerounaise pour désengorger la prison centrale de Kondengui construite en 1968 sous le premier président Ahmadou Babatoura Ahidjo pour 1 000 détenus. Aujourd’hui, Kondengui accueille près de 5 000 prisonniers.