En acceptant, certes sous la contrainte, de démissionner le dimanche 2 octobre afin d’éviter, selon lui, « des affrontements aux conséquences humaines et matérielles graves », le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, jette l’éponge et abandonne une partie perdue d’avance. Rattrapé qu’il est par son audace et une certaine euphorie qui l’avait poussé à défier, il y a quelques mois, à Bobo Dioulasso, ceux qui seraient tentés par un coup d’Etat !
Au delà des supputations sur une éventuelle ingérence d’un pays étranger dans les évènements de ces derniers jours au Burkina Faso, il convient de reconnaître qu’on assiste, malheureusement, à un remake d’une situation politique dont le pays des hommes intègres se passerait volontiers. Si la rectification de la transition en cours était redoutée, voire souhaitée par de larges franges des forces vives, il n’en reste pas moins que les clivages apparus ces derniers jours au sein des forces de défense et de sécurité méritent une attention particulière.
Seul un sursaut qualitatif et le don de soi, gages d’une fraternité d’armes sincère et durable, peuvent épargner aux continuateurs du processus un affrontement fratricide dans lequel nul ne sortira vainqueur !
Il faut exorciser les démons du passé et apprendre de l’Histoire politique récente. Depuis son indépendance, en 1960, le Burkina Faso (ancienne Haute-Volta jusqu’en 1983) a connu quinze chefs d’Etat, dont cinq de transition, de Maurice Yaméogo à l’actuel capitaine Ibrahim Traoré, neuf coups d’Etat, onze militaires au pouvoir et quatre civils parmi lesquels un intérimaire, Moumina Chérif Sy (6 jours), en septembre 2015. Avec la destitution du lieutenant-colonel Damiba, s’ouvre une nouvelle page lourde d’incertitudes.
En réaffirmant, dans un communiqué du 2 octobre 2022, « son soutien au peuple burkinabé dans sa quête de démocratie », la CEDEAO semble botter en touche, tout en appelant au respect, par les nouvelles autorités, du chronogramme adopté le 3 juillet 2022 et prévoyant le retour à l’ordre constitutionnel le 1er juillet 2024 au plus tard. Une prudence calculée au regard du risque manifeste de contagion dans une sous région La situation politique préoccupante et les menaces d’ordre sécuritaire qui minent la cohésion sociale et l’unité du peuple malien sont au centre des discussions. L’heure est grave et le temps compté.
L’évolution de la situation politique au Burkina Faso, au Mali et en Guinée ne sera pas sans conséquences, immédiates ou à court terme, sur les pays voisins. Avec les derniers évènements en cours à Ouagadougou et Bobo Dioulasso, le pire est à craindre. Si un effondrement du verrou sécuritaire survenait par la faute de positions inconciliables au sein d’une armée divisée et désormais poreuse à toute menée subversive, la volonté longtemps nourrie des groupes terroristes d’atteindre les pays du golfe de Guinée se réalisera sans coup férir !
Sans la lucidité nécessaire et un esprit patriotique affirmé, ou tout au moins un compromis dynamique entre les protagonistes de la double crise politique et sécuritaire au « pays des hommes intègres », la situation politique et sécuritaire peut réveiller les démons d’un passé récent ou générer un effet d’entrainement dans la sous région. Face aux dissensions au sein des forces armées, aux atermoiements des acteurs politiques et au risque de blocage institutionnel, facteur de surplace et de recul démocratique, il faut toujours craindre le recours à une autre alternative. Car Lao Tseu nous l’enseigne : « Quand le peuple ne craint plus le pouvoir, c’est qu’il espère déjà un autre pouvoir ».
Bonne semaine à tous !
Karim DIAKHATÉ
Directeur de Publication du magazine LE PANAFRICAIN