VIDÉO. Selon le procureur, sans le pouvoir de décision de l’ex-président, le réseau de corruption dans le scandale Petrobas aurait été impossible.
Moins de quinze jours après la destitution de la présidente Dilma Rousseff (remplacée par Michel Temer), le parquet brésilien a demandé la mise en examen de son mentor politique, l’ex-président Luiz Inãcio Lula da Silva (2003-2010), alléguant qu’il était le « chef suprême » du réseau de corruption dans l’affaire Petrobras. « Lula se trouvait en haut de la pyramide et, sans son pouvoir de décision, ce réseau de corruption aurait été impossible » au sein du géant public pétrolier, a indiqué le procureur Deltan Dallagnol ce mercredi au cours d’une conférence de presse à Curitiba (Parana, sud), des accusations que l’avocat de l’ancien chef de l’État a aussitôt qualifiées de « farce ». Le procureur a transmis au juge Sergio Moro, de cette même ville de Curitiba, le dossier d’inculpation de Lula pour corruption et blanchiment d’argent.
C’est à ce juge, chargé du dossier sur les enquêtes de « l’opération lavage rapide » (portant sur le scandale Petrobras), qu’il revient de décider s’il accepte ou non la mise en examen de Lula, 70 ans, icône de la gauche brésilienne. Le procureur a souligné que le réseau de corruption ne se limitait pas à Petrobras mais touchait sa filiale Eletrobras, les ministères de la Planification et de la Santé, la banque d’Etat Caixa Econômica et probablement d’autres organismes publics. Deltan Dallagnol a affirmé que, dans le cadre de cette affaire qui constitue « le plus grand scandale de corruption de l’histoire du Brésil », Lula avait reçu quelque 3,7 millions de réais (1,1 million de dollars au taux change actuel) sous forme de « pots-de-vin » versés par l’entreprise de BTP OAS. OAS est l’une des principales entreprises impliquées dans le réseau de corruption. Elle aurait octroyé des avantages en nature à l’ancien chef de l’État par le biais, entre autres, de travaux en vue de refaire un triplex.
Une « farce » de nature « politique »
Lula a toujours rejeté les accusations à son encontre, affirmant notamment ne jamais avoir été propriétaire de cet appartement. Mercredi, il a précisé sur sa page Facebookqu’il s’était rendu « une fois » dans ce triplex de Guaruja (littoral de São Paulo, sud) quand il avait envisagé de l’acheter. Quelques heures plus tard, l’ancien ouvrier métallurgiste devenu le président le plus populaire de l’histoire du Brésil a annoncé qu’il tiendrait une conférence de presse jeudi à São Paulo (sud). S’exprimant dans cette même ville, l’avocat de Lula, Cristiano Zanin Marins, a déclaré que l’accusation du procureur Dallagnol, qui manque de preuves, s’était « perdue dans un déplorable spectacle ». « C’est une accusation de nature politique dont la finalité est d’imposer une condamnation indue et injuste contre Lula », a déclaré son avocat.
La femme de l’ex-président, Maria Leticia, et six autres personnes, dont Leo Pinheiro, ex-patron d’OAS, et le président de l’Institut Lula, Paulo Okamoto, font également l’objet d’une inculpation. Lula est visé par trois enquêtes dans le cadre du scandale Petrobras, une affaire qui a coûté plus de 2 milliards de dollars à la compagnie phare du Brésil et a bénéficié à des dizaines d’hommes politiques de divers partis, à des entrepreneurs du BTP et à des directeurs de Petrobras. Il avait déjà été inculpé le 29 juillet de tentative d’entrave à la justice. C’était la première fois que l’emblématique ancien chef de l’État était appelé à rendre des comptes devant un tribunal en liaison avec cette affaire. Le 26 août, la police brésilienne avait formulé à son encontre, toujours dans ce dossier, des accusations de corruption passive et de blanchiment d’argent, en plein procès en destitution au Sénat de sa dauphine politique Dilma Rousseff. Ses avocats avaient alors dénoncé une inculpation « politique », ne croyant pas à une « coïncidence ». Si Lula était condamné, il ne pourrait plus aspirer à se présenter à un troisième mandat en 2018. Fin juillet, il avait déposé une requête auprès du Comité des droits de l’homme de l’ONU à Genève contre les « abus de pouvoir » dont il se disait victime. Ses ennuis judiciaires représentent un nouveau coup dur pour la gauche brésilienne après la destitution par les sénateurs, pour maquillage des comptes publics, de Dilma Rousseff, remplacée le 31 août par son ancien vice-président Michel Temer, l’homme fort du PMDB (centre droit), jusqu’à la fin de son mandat fin 2018.